Robespierre contre Super Mario


Robespierre contre Super Mario

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Alors, si on a bien compris, le personnage de Robespierre et, au passage les soldats de l’An II qui ont tout de même, excusez du peu, sauvé par les armes ce qui fait notre Nation aujourd’hui, sont attaqués dans un jeu vidéo du nom d’Assassin’s Creed. On est assez nul en jeu vidéo, et même complètement étranger à cet univers. On vient d’ailleurs de lire dans Le Monde que le joueur de jeux vidéo avait en moyenne 31 ans, était un homme et était inactif. On ne sait pas pourquoi, mais ce genre de portrait robot ne nous donne pas très envie de nous intéresser davantage à cet univers-là. Ca sent tout de même un peu le célibataire malpropre un poil autiste, un genre de personnage de Simenon des années 2.0. , qui est à deux doigts de sombrer dans le meurtre en série ou d’aller s’engager dans le Jihad pour voir comment ça fait d’égorger en vrai (IRL comme disent ces nouveaux zombies) et non plus derrière un écran en tripotant dans des spasmes onanistes, une manette pleine de boutons.

Il n’empêche, on a cru comprendre aussi que le jeu vidéo était, du fait de l’abondance de pratiquants, un enjeu aussi commercial qu’idéologique. On peut non seulement par ce biais se faire du pognon mais aussi, de manière très gramsciste, créer ou accompagner des représentations dominantes pour les faire passer comme des choses qui vont de soi. On ne compte plus les jeux où l’on dézingue le méchant du moment,  Castro, Chavez, Ben Laden, bref toute la gamme qui va, sans trop faire de détail, de l’islamiste barbu à la racaille néocommuniste. Dans ce cas précis,  il s’agit donc de faire passer Robespierre pour un monstre. Finalement, ça ira plus vite que du Furet, historien en son temps financé par les universités US aux fonds abondés par les think tanks néolibéraux et anticommunistes  et qui a beaucoup fait pour détruire jusqu’au désir de changer la moindre des choses dans notre monde car cela conduirait forcément à la Terreur, au Goulag, aux Camps de la mort. Ce n’est pas compliqué, tu demandes une augmentation du SMIC et la sauvegarde des services publics, et tu es déjà un khmer rouge…

On remarquera que Robespierre en prend donc plein la tête, comme diraient les joueurs de jeux vidéo, ces derniers temps. L’année dernière, c’était un masque de l’Incorruptible reconstitué par un soi-disant spécialiste de la chose et un médecin légiste qui avait dû faire son stage au cirque Pinder. Comme par hasard, Robespierre y apparaissait monstrueux et grêlé, car c’est bien connu, quand on est méchant, on a une sale gueule, selon la philosophie politique décidément très élaborée de ces gens-là.

Alors rappelons, simplement, que sur Robespierre, on n’est pas obligé de croire les libéraux et les réacs, que la Terreur à Paris a fait moins de morts que la Semaine Sanglante contre les Communards et que Robespierre est une des plus belles voix humaines de l’émancipation. Mais sans doute, à l’époque où un Gattaz voudrait que la France sorte de l’Organisation internationale du Travail, l’organisme onusien sur les questions sociales, car il trouve encore trop contraignantes leurs recommandations pourtant minimales,  à l’époque où un Macron  voudrait bien geler les salaires sur trois ans et assouplir les 35 heurs qui à force d’être assouplies vont finir par ressembler à une contorsionniste dans un cirque,   à cette époque, donc, est-il difficile d’accepter la parole de celui qui osait dire: « Le peuple ne demande que le nécessaire, il ne veut que justice et tranquillité ; les riches prétendent à tout, ils veulent tout envahir et tout dominer. Les abus sont l’ouvrage et le domaine des riches, ils sont les fléaux du peuple : l’intérêt du peuple est l’intérêt général, celui des riches l’intérêt particulier ”

Et puis, il n’y a pas que Furet dans la vie. Allez voir du côté Slavoj Zizek qui essaie de penser Robespierre et la Terreur comme un moment dans une histoire beaucoup plus complexe et claire à la fois puisque c’est celle de l’éternel désir d’égalité entre les hommes et écoutons justement, en guise de conclusion, ce que dit Zizek, tout de même plus crédible que SuperMario sur cette question, dans Robespierre, entre vertu et Terreur (Stock)  “ Ma thèse est de dire : il y a des situations où la démocratie ne fonctionne pas, où elle perd sa substance, où il faut réinventer des modalités de mobilisation populaire. La Terreur ne se résume pas à Robespierre. Il y avait alors une agitation populaire, incarnée par des figures encore plus radicales, comme Babeuf ou Hébert. Il faut rappeler qu’on a coupé plus de têtes après la mort de Robespierre qu’avant – mais lui avait coupé des têtes de riches. »

A notre connaissance, aucune marque de jeu vidéo n’a proposé de reprendre le scénario de Zizek. C’est bien dommage : puisque le jeu vidéo fait désormais office de manuel d’histoire pour le décérébré contemporain, on aurait pu rééquilibrer la balance…

 *Image : L’exécution de Robespierre (wikicommons).



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