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Procès Zemmour : les cartes pourraient être rebattues en cas d’appel


Procès Zemmour : les cartes pourraient être rebattues en cas d’appel

Causeur – Maître Malka, Tout d’abord, et puisqu’ils ont été depuis noyés sous les commentaires, pouvez-vous nous rappeler les faits ?

Richard Malka : En mars 2010, sur le plateau de l’émission Salut les terriens (Canal Plus), Eric Zemmour a déclaré : « Les Français issus de l’immigration sont plus contrôlés que les autres parce que la plupart des trafiquants sont noirs et arabes… C’est un fait. » Selon les associations poursuivantes, ces propos constituent deux délits supposés : diffamation et incitation à la haine raciale. Ensuite, dans l’émission l’Hebdo diffusée le jour même sur la chaîne France Ô, à la question d’un invité qui lui a demandé s’il ne trouvait pas injuste que des employeurs refusent des candidats noirs ou arabes, Eric Zemmour a répondu « Mais ils ont le droit ». Ces propos lui ont valu une deuxième poursuite pour les mêmes délits supposés. Il faut noter que les faits n’ont pas été contestés par Eric Zemmour.

Q: Selon la lecture du jugement on a l’impression que les propos tenus par Eric Zemmour chez Ardisson étaient en quelque sort scindés en deux : un constat factuel concernant la composition ethnique des délinquants d’un côté, une justification des contrôles au faciès de l’autre ?

RM : Tout à fait. Les juges ont effectivement séparé « les autres, parce que la plupart des trafiquants sont noirs et arabes » de ce que Zemmour a présenté comme la conséquence logique de ce constat, à savoir « Les Français issus de l’immigration sont plus contrôlés que les autres parce que… ».

Q : Quelles sont les décisions des juges de la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris concernant ces faits et ces délits supposés ?

RM : Pour ce qui concerne la deuxième partie de ses propos tenus chez Ardisson, c’est-à-dire l’affirmation selon laquelle « les autres, parce que la plupart des trafiquants sont noirs et arabes » le tribunal a décidé qu’ils relèvent du débat public et de la liberté d’expression. Selon les juges, « malgré le caractère abrupt et sans nuance du propos, qui a pu choquer de nombreuses personnes et même meurtrir par sa brutalité » – ils ont considéré que cette phrase ne constitue pas une diffamation raciale et ont relaxé Eric Zemmour des poursuites sur ce délit.

Mais attention, cela ne veut pas dire que les juges sont d’accord avec Eric Zemmour quand il affirme que « c’est un fait » ! Le tribunal ne s’est pas posé la question de la véracité de ces propos et donc on ne peut pas l’accuser de « déni de réel ».

En revanche, pour la première partie de la phrase – Les Français issus de l’immigration sont plus contrôlés que les autres parce que -, là où Zemmour justifie la pratique policière de contrôle aux faciès, les juges ne suivent plus. « Par cette phrase catégorique et péremptoire [Eric Zemmour] justifie clairement les contrôles, aussi arbitraires que systématiques, envers certaines catégories de la population définies par leur origine ou leur race », notaient-ils et l’ont condamné à verser mille euros aux plaignants pour incitation à la discrimination et la haine raciale.

Q : Si nous avons bien compris, il est donc tout à fait légal (la légitimité étant une autre question…) de dire : « la plupart des trafiquants sont noirs et arabes » ?

RM : C’est très réducteur et un peu idiot mais, effectivement, on peut légalement exprimer ces propos sans être poursuivi.

Q : Quid de ses propos concernant les employeurs qui refusent des candidats noirs ou arabes ?

RM : Le tribunal a considéré que sa petite phrase justifiant le « droit » des employeurs de refuser des candidats selon de critères ethniques et raciales « incite clairement à la discrimination à l’égard d’un groupe de personnes ». En conséquence, les juges l’ont condamné à la même peine – 1.000 euros avec sursis – et à verser un euro symbolique de dommages et intérêts à l’UEJF (Union des étudiants juifs de France) et à l’association J’Accuse! animée par M. Marc Knobel du CRIF.

Q : Que pensez-vous de l’hypothèse d’un appel ?

RM : Il est intéressant de noter que le tribunal a écarté le délit de diffamation raciale et a retenu celui d’incitation à la haine, ce qui est l’exact opposé de ce que le parquet (donc l’Etat) a soutenu. Cela démontre à quel point il est compliqué d’appréhender la problématique juridique de cette affaire et laisse supposer que les cartes pourraient être rebattues en cas d’appel et plus tard de pourvoi en cassation.

*Maître Richard Malka est un spécialiste du droit de droit de la presse. Il est intervenu dans de nombreux procès et débats de société emblématiques de l’époque : défense de Charlie Hebdo dans le procès des caricatures de Mahomet. En Décembre 2010, il a défendu la crèche BABY LOUP, obtenant du Conseil de Prud’hommes la validation du licenciement d’une salariée voilée.



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