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Morsi n’a pas encore raflé la mise


Morsi n’a pas encore raflé la mise

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L’Egypte est divisée et pas seulement entre ceux qui ont voté samedi dernier et ceux qui le feront samedi prochain. En juin, Mohamed Morsi avait remporté les élections présidentielles en réunissant 51.7% des suffrages contre 48.3% pour son rival Ahmad Chafiq. Six mois plus tard, à en croire les résultats officieux du vote de samedi, nous sommes toujours face à deux Egypte. La première détient légalement le pouvoir institutionnel pendant que la seconde, minoritaire de peu, essaie de la priver de légitimité, parce qu’elle ne fait pas confiance aux nouveaux maîtres du plus vieil Etat arabe.

Cette dernière carte, l’opposition, pourtant hétéroclite, la joue remarquablement bien. Il y a une semaine, après un bras de fer de plusieurs jours, elle a forcé la main au président Morsi. Sous l’effet conjugué de la fronde des magistrats, des pressions de la rue, d’une partie de la presse et de la communauté internationale, celui-ci a dû renoncer aux prérogatives qu’il s’était accordées. Le président s’est même résigné à faire appel à l’armée pour rétablir l’ordre quatre mois après avoir administré un prodigieux camouflet au Conseil Supérieur des Forces Armées. Si la justice et les médias, qui représentent les troisième et quatrième pouvoirs, ont remporté une manche face à l’exécutif et au législatif, les islamistes détiennent toujours la présidence égyptienne et la majorité des sièges du Parlement. Malgré ce récent revers, Morsi a pu sauver l’essentiel : conformément à ses vœux, la nouvelle constitution votée par l’assemblée constituante le 1er décembre a été immédiatement soumise à référendum.

Après l’abrogation du décret présidentiel du 22 novembre, les principaux partis de l’opposition ont décidé de ne pas boycotter le référendum, ce qui facilite grandement la tâche de Morsi. Ainsi, tout en rejetant le projet de Constitution rédigé par la constituante, laïcs et libéraux ont décidé de relever le défi en menant campagne pour le « non ». Selon eux, ce texte contient trop de lacunes et de formules ambiguës qui permettraient au régime de transformer une constitution d’apparence démocratique en outil de répression. L’opposition craint en effet de voir l’Egypte post-révolutionnaire passer de la dictature d’une minorité à la dictature de la majorité.

Exemple typique de flou constitutionnel, l’article 45 sur la liberté d’expression garantit notamment la liberté de conscience tandis que l’article 44 interdit d’insulter les prophètes en général et Mohamed en particulier (le « messager » de Dieu dans l’islam). Quant à l’article 198, il instaure une justice d’exception en permettant aux tribunaux militaires de juger des civils poursuivis pour « crimes contre les forces armées », une notion floue qui attend toujours d’être définie…

Comme toute bonne constitution, ce texte est ambigu et repose davantage sur la culture et les traditions politiques qui le portent que sur son contenu explicite. Autrement dit, il est moins important de déterminer ce qui est écrit dans la constitution que de savoir qui sera appelé à l’interpréter et dans quelles conditions. Or, l’Egypte manque cruellement d’une tradition démocratique, ce qui justifie les craintes et la méfiance de l’opposition.

Reste à savoir si les journalistes et les magistrats, sous l’œil vigilant du cinquième pouvoir égyptien – les forces armées – parviendront à garantir les libertés inaliénables qui constituent l’âme de la démocratie libérale. Dans un avenir proche, rien n’est moins sûr.

*Photo : Jonathan Rashad.



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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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