Michel Foucault, notre Dracula


Quiconque s’est un peu familiarisé avec l’œuvre de Michel Foucault sait qu’il a repris à son compte le mot de Nietzsche : « Il n’y a pas de faits, il n’y a que des interprétations. »  Dalida aussi d’ailleurs quand elle chantait : « Parole, parole, parole… » Et Lacan également, que Foucault n’appréciait guère, quand il reprenait, sur le terrain de la psychanalyse, le jeu de la spéculation philosophique sans prendre garde que ce jeu n’était plus que l’ombre de lui-même. Il est vrai qu’il y mettait un certain panache, tout comme Foucault avec son génie de la subversion inégalable qui, aujourd’hui encore, nous fascine, alors que l’élégance frelatée de Derrida ou que Sartre s’accrochant à un humanisme marxiste ne nous semblent même plus dignes de figurer au générique de Sunset Boulevard. Oubliés les délires de Deleuze sur l’Anti-Œdipe, les banalités de Bourdieu sur la reproduction des élites ou la séduction anorexique de Baudrillard. Quant à Althusser, s’il survit c’est pour avoir eu la bonne idée d’étrangler sa femme, conclusion logique et lapidaire de toutes formes de communisme.

Bref, outre Lacan, ne survit que Foucault dont l’ombre s’étend sur tous les domaines du savoir comme celle d’un Dracula qui n’en finirait pas de nous offrir le spectacle de sa propre disparition sans que les chasseurs de vampires, qui n’ont pourtant pas manqué, ne parviennent à le piéger. Car Foucault n’est plus Foucault : c’est un mythe. Et, avec la délicatesse d’un chasseur de papillons (Nabokov n’est pas loin de Foucault dans notre imaginaire), François Bousquet dans un essai tout à la fois enlevé et perspicace, Putain de Saint Foucault, archéologie d’un fétiche, tente de cerner l’insaisissable Michel Foucault, expert en l’art du camouflage, samouraï digne de Mishima, arlequin philosophe impossible à classer sur une échelle qui irait du scepticisme radical au nihilisme absolu. « Il y avait, écrit François Bousquet, un héroïsme de la pensée chez lui. » Il aspirait à disparaître avec une telle fureur, doublée d’un humour cinglant, qu’il ne pouvait que rater son coup. Pour notre plus grand plaisir. ET ce ne sont pas que de mots. Il entre aujourd’hui dans la Pléiade et il nous a sans doute tous bernés. Peut-on rêver mieux ?

Putain de Saint Foucault, archéologie d’un fétiche de François Bousquet. Éd. Pierre-Guillaume de Roux.

« Putain » de Saint Foucault : Archéologie d'un fétiche

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