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Le théorème du braillomètre


Le théorème du braillomètre

Comment savoir si Sarkozy, comme il le dit, fait ce qu’il dit ? L’annonce dans son discours sur la sécurité, d’une présence de la police constante, massive et visible dans ces banlieues où l’expression « jungle urbaine » a cessé d’être un slogan pour devenir une réalité était plutôt bienvenue. Mais dans les faits, comment savoir si les forces de l’ordre agissent efficacement pour restaurer le droit à la sécurité ? Il est toujours difficile d’évaluer le travail de la police. Bien sûr, nous avons chaque année les chiffres de la délinquance. Une communication gouvernementale immanquablement démentie par des avis d’experts tout aussi experts que les premiers qui viennent nous affirmer que tout est bidon. Après quelques semaines de débats sur les chiffres, la confusion est totale et on ne sait pas si on doit s’acheter un fusil ou un revolver pour l’avoir sur soi quand on prend le noctilien.

L’insécurité n’est-elle qu’affaire de sentiment ? La police a-t-elle les moyens de lutter contre ? Les avis sont soigneusement partagés dans les médias et entre Charles Villeneuve et les Guignols de l’info, on a parfois du mal à se faire une opinion. Il y a cependant un indice, auquel j’accorde un certain crédit pour savoir si les flics bossent, que j’ai fini par nommer le braillomètre gauchiste. La mobilisation des professionnels de l’indignation, du Syndicat de la magistrature à la Ligue des droits de l’homme, est un indicateur plutôt fiable pour savoir si les forces de l’ordre font usage de la force pour rétablir l’ordre ou si la voie de la prévention, des matchs de foot, des grands frères et de la tolérance est privilégiée.

Ces organisations qui animent le braillomètre gauchiste tirent le signal d’alarme quand les chiffres des bavures et des violences policières augmentent.

On peut parier que l’augmentation de ces chiffres rassure les gens qui ne sont victimes que d’agressions, de vols, de viols, de meurtres et d’incendies de leurs voitures ou de leur maison car là ou il y a violence policière, il y a police, et aux honnêtes gens, il n’en faut pas plus pour être rassurés. Mais ces crimes et délits-là ne semblent pas inquiéter les membres du CLEJ , ce qui menace les droits et les libertés, pour les braillards, ce sont les bavures policières. Naturellement , si elle peut en rassurer certains, la bavure policière n’est pas un bien en soi et on ne doit pas s’en réjouir. Dans certains cas on peut même s’en étonner.

Comment par exemple un jeune délinquant dans la pleine force de l’âge, qui a remporté tant de victoires dans des combats contre des personnes âgées ou des femmes seules peut-il succomber à une rencontre contre un policier ?

Comment un homme qui a l’habitude de la séquestration de ses victimes peut-il être allergique à l’enfermement au point de se suicider dans sa cellule après une nuit de garde à vue ?

Comment un manifestant pacifique peut-il être surpris par la réaction de CRS qui, après avoir reçu pendant une demi-heure toutes sortes de projectiles dont des boules de pétanque, décident de répliquer par des tirs de balles en caoutchouc ?

On peut donc s’étonner mais se réjouir, sûrement pas ! Ce serait malvenu, surtout que ces jours-ci, le braillomètre s’affole. Un article du Monde nous informe que 34 organisations regroupées en un « Collectif liberté, égalité, justice » (CLEJ) regroupant des associations, partis politiques, collectifs et syndicats dénoncent « l’alarmante banalisation des atteintes aux droits et libertés ». Les 34 s’inquiètent entre autres choses des « contrôles et interpellations au faciès ». Quand on sait que les prisons françaises sont occupées à 60% par des Français noirs et arabes, je veux dire issus de l’immigration du Maghreb et d’Afrique sub-saharienne, on peut se demander si ces contrôles font la preuve du racisme des policiers ou de leur pragmatisme. Autre formule extraite du communiqué du CLEJ : » Il est inacceptable que la police, dont le principal objet est d’assurer la sécurité des personnes, puisse être perçue, en raison de certaines de ses pratiques, comme une menace. » Ah bon ! Moi je suis content d’apprendre que la police puisse être perçue comme une menace et à mon avis, non seulement ce n’est pas inacceptable mais c’est indispensable.

Les Verts, qui font partie du collectif, demandent l’interdiction de l’utilisation du flash-ball et du taser. Faut-il leur rappeler que ces armes sont des intermédiaires entre la parole et le coup de fusil et que les 5 personnes qui ont perdu un œil en 2009 pour avoir refusé d’obtempérer aux injonctions et continué à menacer la police auraient bien pu mourir sans le recours au caoutchouc. Mais les braillards ont l’habitude de voir le verre à moitié vide.

Enfin, tant qu’ils braillent, c’est qu’il y a matière à brailler et c’est toujours bon à savoir. Voilà comment le braillomètre peut prendre toute sa valeur. Que l’action de la police fasse des mécontents, c’est tout ce qu’on demande et je connais peu d’innocents qui vivent dans la peur du gendarme. Espérons que ces 34-là ne se sont pas rassemblés juste pour la photo et que les accusations qu’ils portent sont bien fondées. Espérons encore que ce qu’ils appellent «dérives policières » ne sont pas une dérive mais bien un cap, et que les gouvernants sauront tenir la barre malgré les tempêtes. Souhaitons enfin que le braillomètre continue de grimper jusqu’à la restauration d’un ordre républicain qui reste la seule protection des plus faibles.



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Cyril Bennasar, anarcho-réactionnaire, est menuisier. Il est également écrivain. Son dernier livre est sorti en février 2021 : "L'arnaque antiraciste expliquée à ma soeur, réponse à Rokhaya Diallo" aux Éditions Mordicus.

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