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Le sarkozysme, maladie sénile de gauchistes ?


Le sarkozysme, maladie sénile de gauchistes ?

Dans le genre très tendance des coming out (pour les allergiques aux anglicismes : aveu public d’un comportement jusque-là pratiqué en cachette), celui consistant à révéler à grand bruit que l’on prend Cupidon à l’envers est devenu d’un banal affligeant. Le plan com’ d’un Roger Karoutchi utilisant cette cartouche pour tenter de flinguer sa rivale Valérie Pécresse pour la tête de liste UMP aux régionales d’Ile-de-France est révélateur de ce retournement. De geste militant visant à combattre les préjugés et la discrimination, le coming out homo s’est mué en un moyen d’accroître sa notoriété, et de capter les suffrages des « bobos » de droite comme de gauche.

En revanche, d’autres aveux publics font courir des risques sociaux autrement plus sérieux à ceux qui ont le courage ou l’inconscience de les proférer. Ainsi, le non-juif qui décide, dans cette période de tension proche-orientale, de proclamer urbi et orbi qu’il soutient Israël n’en tirera aucun bénéfice, bien au contraire. L’exemple de notre ami Pierre Jourde, dont les aveux pro-israéliens, parus en primeur dans Causeur, furent prolongés par une tribune du même tonneau dans Le Monde en témoigne : une bordée de commentaires hargneux et insultants sur le site du journal et un bannissement des colonnes du Monde diplomatique où il traitait régulièrement de questions littéraires, saluèrent sa prise de position.

L’autre coming out sulfureux, celui qui vous fait passer pour un abominable aux yeux de celles et ceux qui vous avait classé jusque-là dans le camp du bien, c’est l’aveu d’avoir voté Sarkozy lors de l’élection présidentielle de mai 2007. Marc Cohen nous apprend en effet que le sociologue du travail Henri Vacquin, que j’ai croisé jadis à l’Union des étudiants communistes, ex-stalinien et fils de stalinien, s’est expliqué dans ses mémoires de son vote Bayrou au premier tour et Sarkozy au second.

L’argumentation de la flopée d’internautes hostiles qui ont réagi sur Rue89 repose essentiellement sur l’idée qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil : en prenant de l’âge, certains gauchistes souffriraient d’un ramollissement du bulbe concomitant avec le gonflement de leur compte en banque. Le vote Sarkozy serait donc un prélude à l’Alzheimer, une sorte de maladie pernicieuse dont seraient frappés ceux qui ont jugé, en conscience, qu’il n’était pas raisonnable de laisser les clés de la maison France à l’allumée du Poitou.

Quelques dizaines de ces déments qui ont déserté la chaude bande des copains par un beau dimanche de mai, figurent dans l’index de Génération d’Hervé Hamon et Patrick Rotman, bible des anciens soixante-huitards. Mais ce sont des milliers d’anonymes de cette génération politique qui ont agi de même. Certains l’on fait discrètement, d’autres en criant très fort – deux façons de conjurer l’opprobre qui n’allait pas manquer de se manifester dans le cercle de leurs amis d’antan.

D’autres encore – ils se reconnaîtront – bouleversés jusqu’aux tréfonds de l’âme par la transgression commise en introduisant le bulletin maudit dans l’urne républicaine, se trouvèrent soulagés lorsque la nuit au Fouquet’s et l’épisode du yacht de Bolloré leur permirent de revenir au galop dans la bienpensance antisarkozyste.

Les gardiens du temple de la gauche sont plus indulgents, d’ailleurs, à l’égard de ceux qui ont « trahi » pour aller à la soupe, les Kouchner hier ou Karmitz aujourd’hui : ils entrent dans le moule bien connu des opportunistes assoiffés de pouvoir et du bénéfice matériel et narcissique qu’il procure. A l’inverse, ils poursuivent inlassablement de leur vindicte ceux dont le choix est motivé par le seul exercice de la raison et de la mémoire. Ce n’est pas à ceux à qui, jadis, le Parti communiste avait fait croire que de Gaulle était une nouvelle réincarnation du fascisme qu’on pouvait faire avaler que Sarko constituait un danger pour la République. Sarko atlantiste, suppôt de Bush ? Et alors ? Vous voulez nous refaire le coup de « Ridgway la peste ! » de 1952 ? Non merci. Sarko bling-bling, Rolex et yacht de luxe ? Plus que le Lang de la place des Vosges ou le Dray des montres vingt patates ? Allons donc ! Sarko préfère Johnny et Bigard à Duras et Le Clézio ? En quoi cela lui interdirait-il de « faire président » ? Côté vie privée il confond l’Elysée avec le palais princier de Monaco ? Est-ce plus immoral que de loger et nourrir son ménage de la main gauche aux frais de la République?

Les raisons de cet important sinon massif ralliement à Sarkozy de mes « classards », comme on dit dans mon village, sont de natures très différentes. Vacquin, par exemple, espère que la gauche effectuera une véritable rénovation en se confrontant à la « modernité » de Sarkozy. Pour d’autres, à l’instar de Glucksmann, c’est l’aboutissement d’un parcours où le combat antitotalitaire a submergé celui pour l’émancipation des opprimés. D’autres encore ont vu en « ce petit Français au sang mêlé » l’ami d’Israël susceptible de réintroduire la France dans le jeu proche-oriental. D’autres enfin ont tout simplement eu la trouille de voir Ségolène Royal gérer le pays comme elle avait conduit sa campagne électorale : la pagaille tempérée par l’incantation.

La dernière en date des imprécations adressées aux sarkozystes anciens et nouveaux est signée Edwy Plenel, dans son billet hebdomadaire sur France Culture : l’élection de Barack Obama aurait définivement fait basculer le président de la République et ceux qui le soutiennent dans l’espace maudit de la ringardise et du provincialisme. Et notre trotskiste culturel enfonce le clou en comparant Sarko à… Mitterrand, lui aussi ringardisé dès son entrée en fonction par Reagan et Thatcher qui allaient façonner la décennie 1980. Je n’ai pas souvenir d’avoir entendu Edwy avouer qu’il avait voté Giscard.



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