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Le Pape, Sarkozy et moi


Le Pape, Sarkozy et moi

Depuis que nous avons un pape allemand, je m’acquitte du Kirchensteuer (impôt sur les cultes) avec une profonde allégresse. Je me suis même surprise à siffloter gaiement le Jesus bleibet meine Freude en remplissant mon chèque. Dieu sait pourtant que la chose est cocasse : je suis pingre, luthérienne et le jour n’est pas venu où je jetterai la Réforme aux orties pour pouvoir m’époumoner en choeur : habemus papam.

La simple vue de ce vieil homme en robe blanche m’affole ; il serait peut-être temps que je pense à écrire un truc sur l’Allemagne moisie. Qu’on se rassure : l’affection que je porte à Benedictus XVI n’a aucune explication religieuse, nationale ni même littéraire. Elle est strictement gastronomique. Le pape ressemble, trait pour trait, à un pâtissier de Munich qui confectionnait, il y a vingt ou trente ans, les meilleurs Apfelstrudel du monde. Le Panzerkardinal Josef Ratzinger est ma madeleine de Proust à moi.

Imaginons maintenant mon Apfelstrudel – enfin ma madeleine – être obligé de recevoir Nicolas Sarkozy en visite protocolaire au Vatican. Bonjour l’angoisse !

Afin de ne pas froisser l’hôte français, l’administration vaticane serait obligée, avant tout, de recruter des gardes suisses de petite taille. Et les boîtes d’interims pour petits Suisses, même à Rome, ça ne court pas les rues. Elle devrait veiller très scrupuleusement à ce que personne ne s’avise à prendre ni François Fillon ni Henri Guaino pour des enfants de choeur : « Eh, voi laggiù, che cazzo fate dietro a Sarkozy ? Coglionazzi, siete ancora in ritardo ! Ecco, mettetevi la tonaca e andate a servire messa ! »

Mais ce ne serait encore là que de légères futilités. Le gros du problème se poserait au pape himself : comment, en effet, recevoir un président divorcé, sans évoquer des choses qui fâchent ? Lui faudrait-il modifier, vite fait bien fait, le droit canon ? Lâcher, distinctement mais poliment, une ou deux bulles avant la rencontre ?

La charité chrétienne nous invite à adresser quelques conseils avisés à notre compatriote et néanmoins Pontife romain.

La première chose que Benedictus XVI serait inspiré de faire, c’est avoir recours au plan A : la technique dite de l’Apfelstrudel. Tout au long de la rencontre avec Nicolas Sarkozy, il suffirait à Sa Sainteté d’imiter les vieilles dames allemandes lorsqu’elles reçoivent à l’improviste d’inopportunes visites : s’empiffrer de ce délicieux et germanique gâteau. La politesse obligeant, le pape serait dispensé d’adresser la parole au président divorcé.

Le plan B est un peu moins orthodoxe, quoique mis au point par Poutine. Il présente surtout un gros avantage : il fait moins de miettes et est, par conséquent, moins salissant pour le blanc. Il suffirait à Sa Sainteté de faire boire, subrepticement ou pas, une cuillerée à café de Jägermeister[1. « Le Jägermeister est l’état post-ultime de l’étantité de l’être. » Martin Heidegger, Sein und Zeit, p. 345, Trad. Martineau.] à Nicolas Sarkozy. Les cinquante-six plantes entrant dans la composition de ce so german breuvage titrant à 35° expédieraient illico le président français dans les bras de Morphée. Il ne serait alors plus question d’aucun autre bras ; et le pape pourrait méditer en silence sur la dormition de la Fille aînée de l’Eglise.

Traduit de l’allemand par l’auteur.



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Née à Stuttgart en 1947, Trudi Kohl est traductrice, journaliste et romancière. Elle partage sa vie entre Paris et le Bade-Wurtemberg.

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