La Belgique s’éclate


La Belgique s’éclate

charles michel belgique

Dans quelques jours, Charles Michel obtiendra l’investiture du parlement belge et remplacera au 16 rue de la Loi, le fantasque socialiste Elio Di Rupo.

Ascension fulgurante pour le fils de l’ancien ministre libéral francophone, Louis Michel. Comme quoi, il n’y a pas qu’au Palais de Laeken qu’on succède à Papa. Mais une victoire en trompe l’œil puisque le président du Mouvement Réformateur (MR) sera bien seul à assumer les réformes côté francophone. À  38 ans, le rival de Didier Reynders a choisi de faire alliance avec la sulfureuse N-VA du nationaliste flamand et bourgmestre d’Anvers, Bart De Wever. Couper le “cordon sanitaire”, c’était le prix à payer pour obtenir ce poste prestigieux. Pour être le premier Premier ministre libéral francophone depuis 1938, il a fallu briser un tabou wallon: s’appuyer sur les nationalistes flamands pour écarter les socialistes. Joëlle Milquet et son petit parti centriste (CdH) n’ont pas osé suivre, car la N-VA est chez nos cousins belges un épouvantail pas encore tout à fait dédiabolisé.

Après sa victoire aux élections de 2010, Bart De Wever, qui dirige le principal parti flamand de la Chambre belge (N-VA), avait préféré laisser Elio Di Rupo s’enliser dans les méandres du gouvernement fédéral et obtenu la scission de l’arrondissement électoral et judiciaire BHV. Délice du parlementarisme, il choisit aujourd’hui de laisser les libéraux francophones s’octroyer la plus haute fonction (et de se contenter d’une participation a minima) en échange de la réforme de l’Etat-providence. Retraite à 67 ans, budget à l’équilibre, réduction des postes dans la fonction publique…

Pour son électorat, tirer les ficelles d’un premier ministre francophone a une vertu pédagogique; montrer que la Flandre, qu’il codirige, fonctionne, pendant que la politique fédérale s’épuise à résoudre la crise économique et politique. Il joue de la rivalité communautaire et de sa position incontournable pour obtenir l’essentiel de ses intérêts. En laissant les libéraux francophones en première ligne, il va concentrer sur Charles Michel les mécontentements et l’opposition des socialistes francophones. En 2018 (ou avant en cas de démission anticipée), il pourra prendre à témoin ses électeurs flamands sur l’air de “On vous l’avez bien dit qu’on ne peut rien faire avec ces feignants de francophones, alors demandez une sortie de la Belgique.”

Les socialistes, pourtant opposés à la droite flamande, ont paradoxalement choisi une stratégie conforme à la N-VA. Laisser le fédéral aux libéraux, faire une cure d’opposition, et se recroqueviller sur ses bastions en attendant le retour de balancier et la revanche électorale. En écartant d’emblée les libéraux des gouvernements wallon et bruxellois dès cet été, ils se sont d’ailleurs exclus d’eux mêmes du gouvernement fédéral. Pour mieux se placer en embuscade au côté des syndicats.

Au gré de ces combinaisons tacticiennes, le fossé continue de se creuser en Belgique entre les deux communautés linguistiques. La  Belgique fédérale devient une coquille vide dont personne ne semble savoir quoi faire. La droite dirige la Flandre, les socialistes belgicains dirigent la Wallonie et Bruxelles. Résultat : deux politiques économiques antagonistes de part et d’autre de la frontière linguistique. Les libéraux francophones obtiennent ce qui reste, un Premier ministre fédéral. La répartition des postes est assez équitable, mais elle ne manquera pas d’alimenter la méfiance à l’égard d’une classe politique déjà discréditée. Cette coalition dite “suédoise”, sans rapport avec les derniers résultats électoraux en Wallonie et Bruxelles où le MR reste minoritaire, a aussi un autre nom: “coalition kamikaze”. Tout un programme.



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est responsable des questions internationales à la fondation du Pont neuf.

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