Désolé pour Michel Legrand, Henry Chapier et Marcel Azzola. Ce moi est celui de Clint Eastwood – même si j’y ai aussi convié, entre autres pointures, les princes Jean d’Orléans et Louis de Bourbon, ainsi que Wittgenstein (sous réserves).
Ottodérision
Jeudi 10 janvier
Qui a dit que les Boches n’avaient pas le sens de l’humour ? Dans « Stéréotrip » (Canal), tour d’Europe des préjugés les plus courants sur les habitants de chaque pays, l’Anglais Paul Taylor pose la question à un humoriste allemand, qui répond par une devinette en vogue chez lui : « De quoi parlent les trois plus petits livres du monde ? »
Réponse :
« Des droits des femmes turques ;
– de la cuisine anglaise ;
– de l’humour allemand. »
Zero trône pour deux
Lundi 21 janvier
Jour de deuil pour les roycos (et moi) : il y a deux cent vingt-six ans, la France perdait la tête.
Double deuil pour les orléanistes, qui pleurent aussi, plus ou moins, leur prince Henri, décédé ce jour en sa 85e année. Heureusement, et c’est tout l’intérêt du système, le défunt est instantanément remplacé dans son rôle virtuel de « prétendant au trône de France » par son fils Jean.
Bonne nouvelle : par rapport à son grand-père, qui avait fait tout et n’importe quoi, et à son père, qui n’a pas fait grand-chose, ce Jean-là semble avoir la tête mieux faite. Mauvaise nouvelle : aussi sympa soit-il, c’est tout sauf un animal politique…
Sinon, un Bourbon, ça vous dirait ? Parce que, comme vous n’êtes pas sans l’ignorer, le microcosme royaliste est divisé – et pas vraiment pour régner ! Deux princes, par ailleurs cousins éloignés, se disputent la légitimité royale : à ma gauche, Jean d’Orléans, descendant de Philippe d’Orléans, frère de Louis XIV ; à ma droite, Louis de Bourbon, héritier direct du Roi-Soleil.
Si ce Louis-là semble être un peu plus politique que son cousin, il n’y a pas non plus de quoi se rouler par terre ; et surtout, il présente l’inconvénient d’être Espagnol !
Après un bon siècle de polémiques sur la fameuse (?) renonciation du traité d’Utrecht (1713) et sa validité, aujourd’hui les orléanistes accusent plus simplement le prince du crime de « pérégrinité », apparemment inexpiable en droit dynastique. De fait, les Bourbon ont quitté la France depuis plus de trois siècles, et Louis lui-même ne semble guère pressé d’y revenir…
Quant à Jean d’Orléans, aux yeux des légitimistes, il porte le poids d’une famille à la réputation peu flatteuse, opportuniste, aveuglée par la soif du pouvoir, et surtout régicide en la personne de Philippe-Égalité (alias Philippe, duc d’Orléans), qui vota à deux mains la mort de son cousin Louis XVI, avant d’être lui-même convenablement décolleté l’année suivante.
Dans cet inextricable et royal bordel, que faire, comme disait l’autre, quand on tient que seule la monarchie est capable d’exercer la fonction essentielle du pouvoir : arbitrer entre les puissances, les intérêts et les classes ?
D’abord, ne pas être pressé ! Comme disait Gambetta, « la politique est l’art du possible », et à l’heure où j’écris ces lignes, la restauration n’est pas vraiment à l’ordre du jour. Vous me direz, « on ne sait ni le jour ni l’heure » – d’autant que ces temps-ci, côté République, les fractures sont de plus en plus ouvertes, et y a pas que les pauvres qui « déconnent »…
Mais l’anarchie ne débouche pas nécessairement sur la monarchie, ça se saurait, et dans le tumulte actuel, on entend plus réclamer l’avènement du « RIC » que le retour du Roy.
En attendant, le mieux pour ses partisans, me semble-t-il, serait de mettre en sourdine leurs guerres picrocholines pour unir leurs faibles forces, selon le mot d’ordre inspiré de Vladimir Volkoff : « Rendez-vous à Reims ! »
Wittgenstein avait vu (un peu) juste
Mardi 22 janvier
« Ce dont on ne peut pas parler, il faut le taire. » Les derniers mots du Tractatus logico-philosophicus de Wittgenstein expliquent sans doute la brièveté de son œuvre majeure (70 p.).
Un Clint parfait
Mercredi 23 janvier
À l’affiche de tous mes cinémas : La Mule ! Inutile de vous dire que je me suis rué dès le premier soir, comme d’habitude quand sort un nouvel opus d’Eastwood.
Eh bien je n’ai pas été déçu ! Avec Earl Stone on retrouve, onze ans plus tard, le Walt Kowalski de Gran Torino. L’un et l’autre sont des solitaires farouches et vieillissants, faussement misanthropes, mais vraiment incompris, décidés à ne pas rentrer dans le rang quoi qu’il leur en coûte.
A lire aussi: « La Mule » de Clint Eastwood: la vieillesse est un autre âge
Ici, notre tête de mule s’obstine jusqu’au bout, non seulement dans le trafic de drogue (pour raisons familiales), mais surtout dans l’incorrection politique (sans la moindre excuse).
Un vétéran invétéré, réac jusqu’au bout de la casquette, et avec ça raciste et homophobe autant qu’on voudra… Pourtant, à l’usage, ce vieux diable s’avère plutôt ouvert d’esprit quand ça lui chante, comme un authentique « anar de droite », si ça existait – et toujours prêt à rendre service, comme un boy scout vintage.
Alors Eastwood « facho » ? C’est ce qu’on a toujours un peu soupçonné, par vagues, dans l’élite de la critique citoyenne, de Dirty Harry à American Sniper, il y a encore cinq ans.
En tout cas, la confrontation d’Earl avec un monde qui n’est plus le sien donne lieu, comme souvent chez l’auteur, à quelques scènes cocasses parce que parfaitement incorrectes. Pour ceux d’entre vous qui n’ont pas de problèmes avec le racisme ou l’homophobie humanistes à la Clint, juste un petit aperçu à titre de mise en bouche…
En ville, Earl avise un groupe de Hells Angels en train de réparer un de leurs engins :
« Salut les gars ! Je connais ce modèle, je peux vous aider ?
– On est pas des gars, on est les Lesbiennes à moto, et on a pas besoin de ton aide… Merci quand même, papy ! »
– De rien, les gouines ! »
Une dernière pour la route ? OK ! Sur la route, précisément, un couple d’automobilistes noirs est en panne. Earl s’arrête et propose un coup de main ; mais quand ils le remercient, pourquoi faut-il qu’il réponde aussi chaleureusement : « Ça fait toujours plaisir d’aider des amis nègres ! » Les autres, sidérés : « Mais monsieur, on ne parle plus comme ça aujourd’hui. On dit “noirs”. » Et lui, toujours souriant : « Ça fait rien, je vais vous aider quand même ! »
Comme quoi, sans me vanter, il y a des « fachos » sympas.
Maximes et sentences
« Tout a toujours très mal marché. » (Jacques Bainville)
« Si un bureau encombré évoque un esprit encombré, qu’évoque donc un bureau vide ? » (Albert Einstein)
Saint-Ex vu par Jean François-Revel : « Crétinisme sous cockpit. »
« Mon premier film était tellement mauvais qu’il sert de peine capitale dans quatorze États des USA. » (Woody Allen)
« Et maintenant, au goulot ! » (Antoine Blondin)
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