Hervé Gourdel, les leçons d’une prise d’otage


Hervé Gourdel, les leçons d’une prise d’otage

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Rarement on avait vu autant de passions autour de la mort d’un otage. Même les diverses manifestations en hommage à Hervé Gourdel ont suscité un vif débat. Dans des villages, des anonymes se sont regroupés, des gens ont prié, d’autres ont marché, comme une mobilisation générale face à un ennemi commun. Union sacrée qui s’est malheureusement brisée sur l’invitation faite aux musulmans à se joindre au reste des Français.

Une réaction populaire et spontanée qui a contrasté avec le petit millier de journalistes, politiciens et militants qui s’est retrouvé place de la République pour défendre un islam tolérant et ouvert. Paris et sa province, éternel clivage.

Contraste également avec l’hommage national réservé au militaire mort en opération: quelques drapeaux d’anciens combattants s’inclinent sur le pont Alexandre III au passage de la dépouille, les journaux télévisés font aux Invalides une petite parenthèse dans leur programmation. Et puis voilà on passe à autre chose.

Au fond, les français acceptent, même avec tristesse, que leurs soldats tombent au champ d’honneur. Leurs enfants ont fait le choix du sacrifice ultime, on admire leur courage. Mais les français ne comprendraient pas qu’on en fasse des victimes. Ce serait une insulte à leur honneur de soldat, à leur héroïsme.

Mais quand un civil, qui benoîtement s’est égaré dans la montagne algérienne, finit sa modeste vie comme victime d’une barbarie dont il n’avait visiblement que faire, alors là l’opinion s’émeut. Elle se révolte. “Nous sommes tous Hervé Gourdel” a repris Le Monde. Nous aurions tous pu nous retrouver en vacances au Maghreb et y rester sans rien demander ni comprendre. Hervé Gourdel représentait un mode de vie moderne: guide de haute montagne, loisir et réseau associatif, photographe et formateur. C’est une victime. Non pas d’une catastrophe naturelle ou d’un fait divers mais de la préméditation d’idéologues. Non pas de déséquilibrés, mais d’adversaires aux antipodes de son univers global et apolitique. Une émotion comparable à celle, immense, de la disparition des jeunes Antoine de Léocour et Vincent Delory qui dînaient dans un restaurant de Niamey au Niger. Un des deux garçons devait se marier à une jeune nigérienne.

Il ne faudrait pas se méprendre. La réaction des français n’est pas un aveu de faiblesse, une indignation narcissique, vide de sens. Un simple chagrin. Ce n’est pas non plus le signe que notre société post-historique est prostrée devant tant de violence. Ce n’est pas, enfin, une colère islamophobe. Non, la réaction des français est un sursaut qui pousse l’exécutif à élargir son combat contre les groupes djihadistes en Irak, au Mali et peut être un jour en Libye et en Syrie. Ces marches, ces lettres, ces témoignages de soutien encouragent la lutte que mènent tous les jours les services de renseignements dans leur traque des apprentis terroristes. Y compris sur notre propre sol. Dans l’épreuve, les Français se sont serrés les coudes. Ils demandent seulement à comprendre.

La vision syrienne de l’opinion publique française est floue. Mais si on lui expliquait que la France refuse d’intervenir en Syrie pour ne pas aider Assad dans son combat contre Al-Qaïda et l’EI, alors les français pourraient muer leur incompréhension en une sourde colère.

*Photo : ZIHNIOGLU KAMIL/SIPA. 00693933_000001.



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est responsable des questions internationales à la fondation du Pont neuf.

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