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Génération Opinel

Le billet de Dominique Labarrière


Génération Opinel
Xose Bouzas / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

L’actualité des derniers jours regorge de rixes entre jeunes se terminant dans le sang. Au point que certains observateurs y voient de l’ « ensauvagement » et un inquiétant basculement sociétal – plutôt que de simples faits divers.


On ne peut guère reprocher à une certaine jeunesse de ne rien faire pour soutenir l’industrie et l’artisanat français de la coutellerie. Il ne se passe guère de jour en effet sans qu’un quidam ne donne de la lame contre un autre quidam. Regrettable mais banal fait divers, s’abuse-t-on dans les officines où se cultive l’anesthésie de masse. Lame de fond, oserais-je corriger. Au point que certains de la frange de la population adeptes de cette pratique (je dis bien «  frange » et non pas « fange », cette précaution afin de m’épargner l’insulte de vieux con réac, fasciste et raciste tout aussi tendance ces derniers temps que le coup de surin) nous paraissent être en mesure de mériter une sorte de prix Opinel, récompense qui pourrait être le pendant du prestigieux prix Nobel venant couronner chaque année, comme on sait, de formidables « grands esprits ».

Pas de vagues

Puisque nous parlons de « grands esprits » n’oublions pas ceux qui sévissent sur les plateaux de télévision d’excellente tenue où ils se font un plaisir de nous exposer doctement que le problème (en général ils préfèrent le mot problématique qui fait nettement plus chic) relève d’un enjeu global de civilisation et que la solution, la recherche de solution, doit donc être elle aussi absolument globale. Sans doute, n’est-ce pas faux. Du moins, d’un point de vue purement théorique. Pour ce qui est du concret, de la mise en œuvre, il semble bien qu’il en aille tout différemment. Voilà belle lurette qu’on ne nous la fait plus et que nous avons bien que compris que l’argument du « problème global appelant un traitement global » n’est, dans l’immense majorité des cas, que l’alibi de confort destiné à justifier l’impuissance, l’incurie, l’impéritie. L’affaire est si vaste, si complexe, si tentaculaire, n’est-ce pas, qu’on n’y peut pas grand-chose, au fond.

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Comment arrêter l’opinelisation de la société ?

Dans le registre qui nous intéresse ici, celui de l’opinelisation de la société, peut-être pourrait-on commencer par réaffirmer la sacralité absolue, sublime, unique de la vie humaine. Ce bien suprême accordé à chacun de nous. La traduction judiciaire et pénitentiaire de cette volonté de réhabilitation de cette évidence serait de décréter que la peine pour acte de violence contre l’intégrité physique d’une personne ne devrait plus être le moins du monde assimilable – dans l’esprit des coupables comme dans celui du public – à une peine pour tout autre délit ou crime. En conséquence, les auteurs de ces actes, de ces crimes, devraient impérativement purger leur condamnation dans des établissements spécifiques, régis par un règlement de vie et une discipline également spécifiques, d’une rigueur autrement affirmée et contraignante que ce qu’il en est aujourd’hui dans les structures où tout se mêle, où la distinction prise en compte est bien davantage le temps à purger que la nature de l’acte commis. À l’évidence cela doit changer. Il faut désormais clamer urbi et orbi que s’en prendre à la vie humaine est d’une nature bien différente que toutes autres transgressions de la loi.

Ce n’est en rien minimiser ces dernières, c’est juste faire en sorte que chacun, à commencer par les auteurs potentiels de ces actes, ne puissent ignorer que cette vie humaine est, répétons-le, fondamentalement sacrée.

Au-dessus de tout le reste.

Je sais, on va m’objecter qu’on n’a pas les moyens, ni en fric, ni en personnels. Air connu. Couplet de la lâcheté ordinaire. En fait, il suffirait d’un peu de courage politique. Denrée fort rare, à ce qu’il semble. Il est vrai que celle-ci, contrairement à l’Opinel ou au cran d’arrêt, ne figure pas parmi les articles en vente libre.

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Ex-prof de philo, auteur, conférencier, chroniqueur. Dernières parutions : "Marie Stuart: Reine tragique" coll. Poche Histoire, éditions Lanore. "Le Prince Assassiné – le duc d’Enghien", coll. Poche Histoire, éditions Lanore.

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