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Gay pride : Papa, papa, la bonne et moi


La France a beau avoir reculé devant Berlin en renvoyant aux calendes grecques les euro-obligations, elle n’en a pas moins montré sa puissance en regroupant ses chars dans les rues parisiennes. Car la France a sa fierté et ses soldats. Capuchon au fusil, plumes dans le derrière et escarpins pour rangers, les combattants d’une France libre ont défilé samedi dans la capitale, estoc au conservatisme et aux idées séculaires d’un autre temps. Mais cette année, la marche des fiertés avait une saveur particulière qui a relégué les parfums de fraise et de banane à de vulgaires fragrances de préservatif. La veille, le ministre délégué à la famille, Dominique Bertinotti, rappelait en effet la volonté gouvernementale de tenir les engagements de campagne de la gauche en ouvrant le mariage et l’adoption aux homosexuels.

Longtemps réticents au mariage gay et à l’adoption, il semblerait que les Français y soient désormais favorables, les arguments ayant fait chemin. Et pas n’importe lesquels. Ainsi, tout le monde reconnaît aujourd’hui qu’il vaut mieux un enfant heureux et en bonne santé, éduqué par deux pères (ou deux mères) aimant(e)s qu’un enfant malheureux et malade, fruit d’un mariage hétérosexuel, dont les parents ne s’aimeraient pas. Avec le brio qu’on lui connaît, Rachida Dati a rappelé au micro de Jean-Jacques Bourdin le calvaire de la petite Marina, morte sous le coup de ses parents, couple hétérosexuel, arguant qu’un couple du même sexe n’est d’ailleurs pas obligatoirement une source de « déséquilibre ». CQFD.

Passons sur ces raisonnements qui auraient toute leur place dans les Réfutations sophistiques d’Aristote ; passons sur la négation du rôle de l’Etat qui, du monopole de la violence légitime en vient à célébrer celui de l’amour sublime ; passons sur l’objet de la loi désormais enfermée dans une conception de l’égalité qui ne trouve pas de limites en elle-même. Et qui ne se fonde que sur la revendication régressive d’une marche qui doit moins son succès à l’assentiment général qu’à une démonstration huilée de corps bodybuildés. Mais si les homosexuels s’aiment et qu’ils veulent le sceau de l’Etat, après tout pourquoi pas ?

Ce n’est pas le mariage homosexuel qui offensera la société, ni même – soyons fous – le fait qu’il donnerait droit à l’adoption. A considérer que la France – ou le monde – regorgerait d’enfants à adopter. Le problème, c’est qu’il n’y a pas assez d’enfants à adopter en comparaison au nombre de familles désireuses d’adopter; si bien qu’il faut attendre en moyenne quatre à cinq ans pour « faire famille », si tant est qu’on remplit des critères draconiens. Or, dans la logique actuellement dominante du droit à l’enfant (et non pas du droit de l’enfant), c’est inéluctablement vers la gestation pour autrui que portera le prochain combat des associations homosexuelles.

Notre société va se mettre à fabriquer des enfants au lieu de les concevoir. Comme toute production, celle-ci aura une valeur marchande qui mettra en jeu un créancier (le couple désirant avoir l’enfant), un débiteur (la mère porteuse dont l’obligation consiste à porter un enfant) et la fourniture d’une prestation (qui ne sera ni plus ni moins que l’enfant). Les partisans d’une telle loi ont beau jurer qu’un cadre législatif encadrera la pratique et misera sur la solidarité, on n’enlèvera pas à la condition humaine sa dépendance économique au monde. Les relations sociales se confondent ainsi avec la marchandise, qui devient alors le fétiche des pouvoirs humains, comme l’analysait Karl Marx.

Il restera évidement à (re)nier l’élémentaire, à savoir la filiation biologique, la maternité de fait de la mère porteuse (« Mater semper certa est »), la paternité de fait du mari si cette dernière est mariée (« Pater is est, quem nuptiae demonstrant ») et l’impact psychologique d’un enfant enjeu d’une transaction sinon d’une tractation entre des intérêts différents.

A l’heure de la chasse aux lupanars et à leurs charmantes hôtes, il est bien paradoxal d’ouvrir droit à ce qui deviendra, à n’en pas douter, un véritable commerce du corps humain et une synthétisation de l’enfant.

*Photo : Dykes And The City



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