Homosexualité. Quand Nicky Larson ne-craint-personne vire sa cuti.

Kosuke, ravissant model boy nippon, propre sur lui, soigne son apparence physique et sa mise vestimentaire tout autant que le design de son confortable loft tokyoïte, qui témoigne d’une belle aisance financière. Le jeune égotiste se choisit un jeune coach sur internet. Pousser de la fonte crée du lien, comme on sait : ils finissent par coucher ensemble – on s’en doutait un peu. Mais sur cette base un peu lisse, la romance va bifurquer de façon beaucoup moins attendue…
Daishi Matsunaga, cinéaste venu du documentaire, fait preuve en effet d’un rare talent pour que Egoist échappe de la sorte à l’estampille du film communautariste LGBTQIA+ – dépassant ainsi de loin les limites assignées à cet acronyme imprononçable (et que votre serviteur, entre parenthèses, a toujours trouvé grotesque).
Quoiqu’il en soit, ce serait dommage de vous déflorer l’intrigue. On se contentera donc de préciser ici que les deux héros du film sont issus de milieux sociaux différents : Kosuke était encore adolescent quand sa mère est morte, et son père veuf, du fond de sa campagne, ignore tout de l’homosexualité de son fils unique ; quant à Ryüta, le coach, autodidacte déscolarisé de bonne heure, il subvient par des moyens inavouables aux besoins de sa mère désargentée, laquelle occupe seule un modeste logis dans un quartier périphérique de la capitale.
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Entre les deux garçons, l’idylle amoureuse et sensuelle, sujette à un certain nombre de retournements (au propre comme au figuré), donnera bientôt lieu à toute une suite de dons et de contre-dons (matériels et symboliques) qui, dans la dernière partie du film, engagera jusqu’à la mère de Ryüta, échanges dans lesquels se seront révélées, de proche en proche, les personnalités des trois protagonistes…
Quoique les scènes de cul (c’est le cas de le dire) soient montrées tout au long de façon très explicite par un réalisateur qui connaît manifestement son affaire, une grande douceur, voire même une pudeur infiniment délicate émane de cette fausse bluette homo, aux ellipses pleines de sens, pour tendre à un discours plus universel sur l’oubli de soi et le sacrifice de son ego. Si, comme disait l’autre, les histoires d’amour finissement mal en général, celle-ci en particulier, par antiphrase à l’énoncé du titre, décrit le parcours surprenant du dévouement et de la bonté. En outre Egoist développe avec une acuité, une sensibilité inattendue, au prisme d’un drame passionnel homo croisé d’observation sociologique, un regard singulier sur les mœurs du Japon contemporain.
Le film est porté par un trio d’excellents acteurs, à commencer par Ryöhei Suzuki, ici dans le rôle de Kosuke, l’amant secourable et bienfaisant, contre-emploi que domine avec infiniment de charme et de réserve ce beau gosse photogénique, star locale plus connue au Japon pour ses performances dans des films d’action, tel City Hunter, qu’on peut visionner d’ailleurs sur Netflix1.
Egoist. Film de Daishi Matsunaga. Avec Ryöhei Suzuki, Hio Miyazawa… Japon, couleur, 2023. Durée : 2h. En salles le 8 octobre 2025
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