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Edwy Plenel, journaliste participatif


Edwy Plenel, journaliste participatif

Ceci étant, pas de confusion. Edwy Plenel n’était pas venu à la Maison de la Chimie pour soutenir Ségolène Royal mais parce que notre liberté est en danger. Heureuse coïncidence, c’est justement l’un des thèmes sur lesquels Ségolène Royal a décidé d’axer sa pré-campagne (ou sa pré-pré-campagne, on finit par se perdre). « Il avait promis la rupture, la France subit une déchirure avec la mainmise sur les médias, sur les réseaux financiers ! » « Il », c’est qui vous savez.

Au risque de lasser, il faut donc revenir sur une question déjà abondamment traitée, y compris ici. La liberté de l’information est-elle en péril, ainsi que Plenel l’a proclamé avec des accents hugoliens (et la citation appropriée) à la Maison de la Chimie ? Dans sa chronique de Marianne, il dénonce un « coup d’Etat médiatique permanent », dont les médias sont, selon lui, « le vecteur essentiel. C’est par eux que l’on met en scène le récit qui va faire école, brouiller les repères, égarer les citoyens ». On ne saurait mieux dire. Si c’est par eux que l’on met en scène, c’est peut-être à eux (aux médias) qu’il faut s’intéresser en priorité. La singularité du coup d’Etat médiatique est qu’il est perpétré par ses victimes.

Il est évidemment plus gratifiant de se convaincre que le chef de l’Etat est le deus ex machina d’une vaste opération de manipulation des esprits – à laquelle on résiste avec quelques autres. Il aimerait bien, d’ailleurs, comme tous ses prédécesseurs. Mais à la différence de ceux-ci, Nicolas Sarkozy ne sait pas dissimuler – moins machiavélien, tu meurs. Avec lui, tout est direct live : les avoinées servies aux uns, les lauriers tressés aux autres, les récriminations adressées directement aux amis-patrons, les évictions et nominations faites pour lui plaire. Aujourd’hui comme hier, on ne manque pas de journalistes courtisans. Sauf qu’à chaque fois que l’un d’entre eux fait une courbette, trois autres se lèvent pour hurler à la liberté menacée. (Il arrive d’ailleurs que ce soient les mêmes, comme dans le cas de PPDA qui a admis avoir envoyé une lettre d’excuse au président mais n’en est pas moins un héros puisque ses excuses seraient restées sans effet.) Le technicien qui, à France 3, a équipé le président d’un micro sans lui rendre son salut, a peut-être confondu impertinence et impolitesse. Il a en tout cas réussi à lui faire dire l’une de ces énormités qui le font ressembler à un dictateur de dessin animé et alimenteront quelques jours durant la chronique de « la liberté en péril ». Bref, nous assistons aux épisodes d’une coproduction à succès entre le président et les journalistes. Entre Sarkozy et « les-journalistes-en-lutte », c’est un win win game. D’autant que sur le champ de bataille du PAF, les victimes concrètes du sarkozysme ne sont pas légion. (Et, dans les dîners, ça se porte bien.)

Dans le genre hilarant (mais l’esprit de sérieux a dévasté le journalisme et personne ne semble s’en rendre compte), il faut citer la banderole qui claque Place de la Bourse, au fronton du siège de l’Agence France Presse : « AFP menacée – Presse baillonnée – Libertés en danger ! ». Le slogan est écrit en grosses lettres rouges sur fond blanc – un truc pour mobiliser les consciences. On se dit que ça doit torturer dans les caves de l’Agence. Et en plus, les pauvres, ils n’ont pas Bob Ménard et même pas une cellule d’aide psychologique. On se dit que les journalistes ont bel et bien un grave problème de liberté. De liberté de penser. Et peut-être de pensée tout court.

Photo de une : manifestation AFP, 21 mai 2008, par Philippe Leroyer, Flickr.

Juillet 2008 · N°1

Article extrait du Magazine Causeur



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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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