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DSK, l’homme qui n’aimait plus les femmes


capture d'écran RF1

« J’aime les femmes et alors ? », disait-il, rigolard, il y a quelques mois, aux journalistes qui l’interrogeaient sur sa vie érotique notoirement abondante. La seule révélation que DSK a faite sur le plateau de TF1, c’est que tout ça c’est fini. Désormais, il n’y en aura plus qu’une. La sienne. Certes, l’ancien patron du FMI y est allé à mots couverts. Une « faute morale », on comprend que ce n’est pas bien mais c’est assez vague. Il aurait pu se fendre d’une autocritique plus glamour tout de même. J’aurais trouvé pour ma part plutôt incongru qu’il s’exprime comme un « vraigens » venu raconter chez Delarue son addiction au sexe ou sa passion pour les ours en peluche. On entend déjà les féministes vindicatives et les journalistes sans faiblesses (sans compter Marco Cohen qui ne peut être soupçonné d’être sans faiblesses, heureusement) proclamer en boucle que DSK n’a rien dit et surtout qu’il n’a pas raconté ce qui s’était passé dans la suite 2806 (ou 2608 ?) du Sofitel. Et c’est vrai. Mais qu’espérait-on ? Des détails croustillants ? Une reconstitution ? Un récit égrillard ? DSK a simplement affirmé qu’il n’y avait eu ni violence, ni paiement. On a le droit de ne pas le croire. Reste que le procureur n’a pas trouvé de preuves de l’une ou de l’autre.

C’est donc en termes galants que ces choses-là furent dites : « J’ai perdu cette légèreté », répond-il lorsque Claire Chazal l’interroge sur ses relations avec les femmes. Ce que j’entends pour ma part, c’est que ces quatre mois de pénitence ont éteint chez lui ce désir si insatiable et incontrôlable qu’il y voyait lui-même l’une de ses principales faiblesses. De fait, on ne voit plus dans son regard cette lueur qui brille dans les yeux de certains hommes, y compris les mieux intentionnés, quand ils se trouvent face à une femme séduisante en laquelle ils voient toutes celles qui lui restent à conquérir. Pour toutes les femmes qui auraient pu subir de sa part une « attitude inappropriée », selon la chatoyante formule de ses avocats, et pour la morale publique, c’est certainement une bonne nouvelle. On m’accordera qu’un monde peuplé d’êtres tempérants et raisonnables qui ne se prennent jamais les pieds dans le moindre tapis serait terriblement ennuyeux. D’accord, ce n’est pas la question.

On imagine sans peine les ricanements qui salueront la prestation de Claire Chazal, disqualifiée par avance par tous ceux à qui on ne la fait pas en raison de son amitié avec Anne Sinclair. Il est vrai qu’elle semblait marcher sur des œufs, questionnant à mots à peine moins couverts que ceux de son interlocuteur. Certes, elle aurait pu et sans doute dû se montrer plus percutante sur les relations de « l’ancien DSK » avec les femmes, évoquer les textos reçus par les unes, les invitations faites aux autres, l’insistance qui avait pu confiner au harcèlement. Peut-être les ricaneurs seraient-ils capables d’interroger le plus naturellement du monde et en termes crus un homme public sur ses (mauvais) penchants les plus privés. Il me semble à moi rassurant que l’on puisse ressentir de la gêne dans une situation aussi gênante. Il serait encore plus gênant que l’on parle de ces affaires sans le moindre embarras.

« Prestation lamentable », décrète l’ami Luc Rosenzweig. Bon. Peut-être mon jugement est-il égaré par la midinette qui sommeille en moi. Peut-être que tout était bidon : le repentir, la souffrance, la lassitude, le regard éteint. Peut-être que nous avons assisté à un super plan com préparé au millimètre par la troupe des communicants d’Euro RSCG et qu’ils sont tous en train de célébrer ce retour dans l’arène médiatique dans une boite à partouze où champagne et filles coulent à flots. Mais je l’avoue, j’ai marché. Pas complètement mais marché tout de même.

Il est vrai qu’on aurait pu se passer de l’analyse de DSK sur la crise de l’euro. D’accord, la vie et le spectacle continuent mais peut-être un petit délai de décence eut-il été le bienvenu. S’il n’est plus le même homme, autant ne pas jouer à « tout redevient comme avant ». Et puis, il aurait pu nous épargner ses allusions à un « piège » ou un « complot » sur lesquels on verra ce qu’on verra – c’est-à-dire sans doute rien.

De toute façon, tout cela n’a aucun intérêt puisque les Français, parait-il, en ont ras-le-bol de ce feuilleton et qu’ils veulent qu’on leur parle des vrais problèmes. Si on apprend demain que le JT de TF1 a battu des records d’audience, c’est sans doute que les téléspectateurs auront été mal informés et qu’ils espéraient voir sur TF1 Jean-Claude Trichet ou Herman Von Rompuy. Sinon, ils seraient restés sur Arte, leur chaîne préférée.

Pour le reste, bien sûr qu’on ne connaît pas la vérité et qu’on ne la connaîtra jamais. Il paraît que nous y avons droit. J’aimerais bien savoir en vertu de quelle loi sacrée nos contemporains, fussent-ils des responsables politiques, nous devraient la vérité sur eux-mêmes. Quoi qu’il en soit, elle ne surgira pas sur un plateau de télé. Si DSK veut vraiment comprendre et faire comprendre cette ténébreuse affaire, alors qu’il change de vie et devienne romancier puisque la littérature est le seul lieu qui permette, comme le disait Aragon, de mentir vrai.



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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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