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Trois moments français

Coup de rouge, la chronique d'Olivier Dartigolles


Trois moments français
©D.R.

Habitué aux joutes médiatiques, hier comme dirigeant communiste, aujourd’hui comme chroniqueur politique, Olivier a des tripes et du cœur quand il s’agit de défendre ses idées. «J’aime qu’on me contredise!» pourrait être sa devise.


Nous venons de vivre trois moments très français. Chacun a sa singularité. Tous donnent à voir le réel et questionnent sur ce qu’il convient de faire.

J’ai vécu en direct la secousse Conseil d’État/Reporters sans frontières/CNews. Quelques voltairiens en peau de lapin ont voulu nous dire avec qui il était possible de débattre et sur quels sujets. J’ai horreur que l’on me dise ce qu’il convient de dire et de penser. Je déteste l’idée d’un code-barres sur nos fronts, qui peut se transformer en cible par les temps déraisonnables que nous traversons, et qui dirait qui nous sommes. D’autant que nous sommes multiples, et parfois même indéchiffrables. Irréductibles.

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La panthéonisation de Missak et Mélinée, du groupe « Manouchian » de la FTP-MOI, vient enfin reconnaître l’apport héroïque de la Résistance étrangère, communiste, juive. Orphelin du génocide arménien, Missak Manouchian était ouvrier et poète, internationaliste et patriote, fou amoureux de la culture française et fier de ses origines. Il portait en lui l’irrésistible souffle de 1789 et des droits de l’homme, de la Commune de Paris et des luttes populaires pour s’élever. Pour s’étourdir de liberté, tout en chérissant le compagnonnage des livres de Baudelaire, Verlaine et Rimbaud. Il était tout cela à la fois. L’identité n’aime pas les assignations. J’ai bien vu, qu’ici ou là, cet universalisme a été contesté. Vainement. Et puis…l’interprétation déchirante de L’Affiche rouge par Feu! Chatterton a tout emporté. Alors que le temps et la lumière de ce début de cérémonie étaient d’un bleu gris détrempé, « un grand soleil d’hiver » est venu éclairer la montagne Sainte-Geneviève. Si on devait répondre à la question « Qu’est-ce qu’être français ? », ce que nous avons toutes et tous ressenti alors est peut-être l’une des réponses.

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Autre moment très français, l’inauguration du Salon de l’agriculture dans un tohu-bohu jamais vu. Nous sommes un peuple politique, enraciné dans des paysages, des souvenirs et un imaginaire. Mémoire de mon arrière-grand-mère, viticultrice dans le Sud-Gironde. Le jour de l’arrivée de la première machine à vendanger, décision qu’elle n’avait pas soutenue, je l’ai vue derrière ce monstre d’acier, avalant les rangs de Merlot, avec un panier en osier pour réunir les grappes qui n’avaient pas été vendangées. C’était sa victoire. Terrienne, elle avait un regard océan. Toujours habillée de noir depuis la mort de son époux, en 1916, des suites des gaz de combat de la Première Guerre mondiale, autodidacte, elle avait, seule, réfléchi à un système très complexe d’irrigation pour faire venir une source d’eau d’une parcelle éloignée jusqu’à la maison. Elle est morte à 99 ans, se laissant emporter par une vilaine grippe, car elle ne voulait pas devenir centenaire et « être dans le journal ».

Je l’imagine aujourd’hui devant Macron, Fesneau, Pannier-Runacher… 

Des moments tricolores qui disent que l’on aime le débat pour de vrai, le Panthéon illuminé pour le meilleur, la paysannerie qui dit :« On peut vous nourrir mais encore faut-il ne pas mourir. »

Mars 2024 – Causeur #121

Article extrait du Magazine Causeur




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Olivier Dartigolles est chroniqueur politique. Il intervient sur Cnews, Sud Radio et La Terre.

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