Coupe du monde: l’édifiante histoire d’Axelle


Coupe du monde: l’édifiante histoire d’Axelle

axelle foot belgique

Mon dieu qu’elle était jolie Axelle Despiegelaere , dans les tribunes des supporters de l’équipe belge au Mondial. La Walkyrie radieuse, la jeune déesse rieuse dont l’accoutrement règlementaire de supportrice, ridicule casque pseudo-viking aux couleurs de la Belgique et peintures de guerres afférentes, n’arrivait pas à dissiper le charme mythologique et la grâce efficace. Ce n’est pas compliqué, Axelle irradiait littéralement, au point que les caméras qui ont désormais transformé toute compétition sportive aussi bien sur le terrain que dans les tribunes en cauchemar panoptique ont vite été aimantées par cette blonde, archétype de la beauté nordique que l’on imaginerait bien à l’entrée du Walhalla accueillir les guerriers d’Outre-quiévrain qui n’ont pas démérité dans cette compétition. D’ailleurs, elle fut repérée assez vite, dès le match Belgique-Russie le 22 juin, par L’Oréal,  surement parce qu’elle le valait bien.  On lui signe donc un contrat à une vitesse record. Mais voilà, des jalouses, sans doute, ont exhumé d’un autre cauchemar panoptique, celui des réseaux sociaux, un vilain « statut » où la belle Axelle se fait poisser comme le premier roi d’Espagne venu dans une scène de chasse en Afrique. On la voit ainsi poser auprès d’une antilope qu’elle vient  d’abattre.

Le scandale est immense. Cette seule étincelle a suffi à mettre le feu à toute la plaine de la moralinosphère.  Axelle aurait pu être, je ne sais pas moi, une ancienne actrice du porno, une Femen militante, un membre du PTB, le parti communiste belge qui commence à faire des scores ; elle aurait pu avoir mordu ses camarades à l’école maternelle comme n’importe quel joueur uruguayen, avoir spéculé sur la dette grecque comme n’importe quelle banque d’affaire, être la conseillère secrète de Marine Le Pen, la trésorière occulte de l’UMP,  une fumeuse invétérée de cannabis, être mariée avec une femme et mère de trois enfants par GPA,  une lectrice d’Alexandre Jardin, une mangeuse de côte de boeuf bien saignante ou une amatrice des films des frères Dardenne,  le monde lui aurait pardonné. Mais tuer un animal, et à la chasse en plus, voilà qui est  insoutenable aujourd’hui. Ca se retrouve illico dans le tiercé de tête avec le révisionnisme et la pédophilie. Et voilà notre pauvre Axelle vouée aux gémonies, sa carrière de mannequin pour l’Oréal aussitôt arrêtée.

Cette fable moderne peut quand même nous apporter quelques enseignements. Ce n’est plus comme le disait Descartes ironiquement dans Le discours de la Méthode le bon sens qui est la chose la mieux partagée mais bel et bien, aujourd’hui, l’hypocrisie. On ne rappellera pas, par exemple, d’où vient l’Oréal. Après tout, le passé, c’est le passé. Mais bon, il faut savoir tout de même que l’entreprise qui tient beaucoup à son image citoyenne voire écologique fut fondée à l’origine par un cagoulard, qu’elle servit après la guerre d’officine de recyclage pour des collabos plus au moins mouillés, qu’il y eut par la suite des petites affaires de discriminations à l’embauche et même, dans le cas qui nous concerne ici, des dénonciations réitérées… d’expérimentations sur les animaux ! Bref, Axelle, elle au moins, tue les antilopes à la régulière, pas en leur mettant des litres de shampoing dans les yeux.

L’autre enseignement, sans doute, c’est aussi que l’époque ne supporte plus que la beauté soit associée à la mort, que la mort ait un rapport mystérieux avec la beauté, oxymore métaphysique qui court pourtant toute la culture occidentale de ses origines grecques jusqu’ à l’œuvre de Bataille ou des Surréalistes. Un vieux roi près d’un éléphant mort, c’est logique, c’est le symbole de la domination blanche, colonialiste, hétéropatriarcale, viriliste et tout ce que vous voudrez qui hérisse la moindre collaboratrice de Najat Vallaud-Belkacem, le tout dans un schéma bien connu et rassurant. En revanche, une grande blonde, comme dans un titre de Jean Echenoz, qui sourit près de la maman de Bambi truffée de plombs, ça ne va pas. L’époque ne veut plus de Diane, ni d’Artémis, du mystère lunaire de ces beautés impeccables qui pataugent dans le sang fumant.

Et  puis, pour finir, on devrait au moins être étonné, très agréablement étonné même, par le commentaire laissé par Axelle en dessous de la photo qui la représente avec son trophée : « Chasser n’est pas seulement une question de vie ou de mort. C’est plus que ça…. » Ernest Hemingway ne dit pas autre chose dans Les Neiges du Kilimandjaro ou Les vertes collines d’Afrique. Mais il faudra sans doute aussi, désormais, dans un avenir proche, purger nos bibliothèques d’écrivains aussi monstrueux que la criminelle et scandaleuse Axelle Despiegelaere.

*Photo: Ben Queenborough/BPI/RE/REX/SIPA.REX40328269_000070



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