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IVG: À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire

Cérémonie de scellement de l’inscription du droit à l’IVG dans la Constitution et Journée de la femme : paroles et musique


IVG: À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire
Le président Macron, avec le garde des Sceaux et Sophie Primas, vice-présidente du Sénat lors de la cérémonie publique de scellement de la loi constitutionnelle du 8 mars 2024 portant sur la liberté de recourir l'IVG, au ministère de la Justice, place Vendome, Paris, 8 mars 2024 © Lemouton / POOL/SIPA

Le 8 mars, avant que l’impayable chanteuse des Rita Mitsouko massacre la Marseillaise et affiche ostensiblement du dédain envers les papouilles présidentielles, Emmanuel Macron a promis l’inscription de l’IVG dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne… Récit.


Conspué lors du Salon de l’Agriculture, Emmanuel Macron a sans doute espéré faire remonter sa cote de popularité à l’occasion du match retour qui s’est joué place Vendôme, vendredi 8 mars. Tout avait été finement pensé : notre stratège, qu’on connaît labile, sait aussi se montrer habile. Aussi, il s’était arrangé pour faire coïncider la cérémonie de scellement de l’inscription du droit à l’IVG dans la constitution avec la Journée internationale des droits des femmes. Le public composé de militantes féministes, de personnalités, d’élus de tous bords comme de spectateurs anonymes prévoyait de partager aux côtés du président « une cérémonie populaire ». On était réuni pour fêter « l’aboutissement du combat collectif » engagé par Simone Veil ; le barde jouait sur du velours. « À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. », ne manquerez-vous pas de me rappeler ; on n’en disconvient pas. Toutefois il faut bien mesurer que la perspective de remporter enfin quelque succès, même facile, avait de quoi légitimement réjouir notre homme.

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Un discours qui baigne dans l’emphase comme un mauvais churro dans une huile recuite

Ça a débuté comme ça ; avec la diffusion d’un clip retraçant le combat pour l’IVG en France. Puis Gabriel Attal, Éric Dupond-Moretti, Yaël Braun-Pivet, mais aussi Mélanie Vogel et Mathilde Panot ont accompagné Emmanuel Macron en tribune. Ensuite, sans surprise, l’aède, la narine frémissant d’émotion, l’air pénétré et le regard embué, nous a servi la purge dont il a le secret : l’un de ses accablants discours qui baignent dans l’emphase comme un mauvais churros dans une huile recuite. « Le sceau de la République scelle en ce jour un long combat pour la liberté. Un combat fait de larmes, de drames, de destins brisés », a-t-il tout d’abord lancé, prudhommesque. Le troubadour a poursuivi en rendant hommage aux grandes figures de la lutte en faveur de l’IVG. Il a aussi salué « celles et ceux » qui, plus récemment, ont combattu à ses côtés pour faire inscrire dans la Constitution ledit droit qu’on bat maintenant en brèche, c’est bien connu, dans notre pays.  Avec moult anaphores, juxtapositions, cabrioles verbales et autres boursouflures stylistiques, le trouvère ne nous a pas épargné non plus les subtiles allusions littéraires à Simone de Beauvoir ou à Annie Ernaux alors qu’il évoquait les « destins des jeunes filles rangées », ceux « des femmes dans la force de l’âge » sans oublier les « destins aux armoires vides ». Notre rhéteur a enfin exposé son ambition nouvelle : œuvrer pour inscrire le doit à l’IVG à l’échelle européenne : « Je souhaite l’inscription de l’IVG dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, où plus rien n’est acquis et tout est à défendre. » Notre enragé sectateur du Bien, qui voit toujours très loin quand il s’agit de parler, a ajouté, chimérique : « Au-delà de l’Europe, nous nous battrons pour que ce droit devienne universel et effectif. » Jusque-là, convenons-en, l’escamoteur réalisait le sans-faute espéré. Force est de le constater, une fois de plus, le bougre est définitivement plus à son affaire quand il s’agit de promouvoir le bien et le juste à l’échelle cosmique que quand il est question de défendre les intérêts triviaux des jacques.

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L’hymne national revisité

Le parterre énamouré, envoûté, ne pipait mot ; l’affaire était dans le sac : communion dans la divine parole et union sacrée autour du président. Victoire sans appel pour le bateleur. Sur la fin, pourtant, les cartes ont été rebattues, in extremis. Catherine Ringer des Rita Mitsouko, très assurée face à un Emmanuel Macron béat, s’est lancée dans une Marseillaise qu’elle avait pris sous son bonnet de « revisiter » à la sauce inclusive. « Aux armes citoyens, citoyennes, marchons, chantons cette loi pure dans la Constitution. »  La chanteuse, plongeant l’auditoire dans la perplexité, s’affranchissait ainsi des mots du refrain de l’hymne national, à défaut de s’émanciper du patriarcat. Le président a semblé goûter ces libertés prises par rapport aux paroles de Rouget de Lisle. Quant au public, il a dû se demander si c’était du lard ou du cochon. Sur X, on a commenté largement. Les hommes politiques de gauche ont salué « l’audacieuse démarche artistique ». « Magnifique interprétation de La Marseillaise par Catherine Ringer. Le combat continue pour les droits de toutes les femmes dans le monde » a écrit le sénateur communiste Ian Brossat. Gabriel Attal a repris « Aux armes citoyens, citoyennes » en préambule à une publication dans laquelle il évoquait la cérémonie.

Ringer la joue comme Mbappé

Si à droite on a été plus critique sur une performance qui adultérait indéniablement l’hymne national, on a été également consterné par la désinvolture qu’affichait de surcroît la chanteuse vis-à-vis du chef de l’État. En mode Mbappé, en effet, Catherine Ringer n’a pas hésité à se soustraire au baisemain dont voulait la gratifier Emmanuel Macron afin de la remercier pour la prestation. Décidément, face aux papouilles présidentielles, c’est courage fuyons. Cette séquence, de quelques secondes seulement, a été très partagée sur les réseaux sociaux. Là où certains se sont contentés, magnanimes, de sourire du « râteau » pris par le chef de l’État, la chanteuse Princess Erika a pointé, avec une élégance qui rend femmage à la gent féminine, la leçon donnée à « ceux et celles qui instrumentalisent les femmes de courage et se servent de cette journée pour chouiner ou lécher (…) » Contacté par BFMTV, l’Élysée assure ne pas avoir été mis au courant de cette réinterprétation de La Marseillaise par Catherine Ringer. « C’est une artiste talentueuse. C’était élégant et adapté au moment », indique-t-on, au Palais. « Elle l’a fait en liberté » a ensuite commenté Emmanuel Macron, tout sourire devant la presse.

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Le tour de chant continue avec Olivia Grégoire

Voilà la fête du slip lancée et la Macronie en roue libre. Une fois l’exemple donné, Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des Entreprises, du Tourisme et de la Consommation s’est à son tour lâchée, lors d’une allocution à Matignon, toujours en ce 8 mars. Aux côtés d’un Gabriel Attal passablement crispé, désinhibée, elle a repris la chanson « La Grenade » de Clara Luciani puis a publié sur son compte X la vidéo de sa prestation, sans omettre d’y ajouter une petite touche personnelle : « Sous vos seins la grenade. Sous vos seins, énormément d’entreprises. Soyez fières. » Karl Olive, sur X encore, a lui aussi partagé une vidéo. On l’y voyait fredonnant quelques paroles de la chanson de Julien Clerc « Femmes, je vous aime. » L’intitulé de sa publication était : « Ma petite contribution en cette Journée des droits des femmes. » On pouvait lire aussi, pour introduire la séquence vidéo et certainement en référence à toutes les péripéties musicales du jour : « l’ouverture d’esprit n’est pas une fracture du crâne ! Même chez les députés ! » Pour le triomphe du président, on repassera, mais on s’est quand même bien amusé.

Samuel Beckett a dit : « Quand on est dans la merde jusqu’au cou, il ne reste plus qu’à chanter. » C’est bien ce qu’on va faire aussi.



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est professeur de Lettres modernes

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