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Canal plus Festivus


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Le Grand Journal

Quand on est insomniaque, il arrive qu’on regarde à la télévision des programmes qu’on ne fréquente pas. Le grand journal, Canal +, dans la nuit de mardi à mercredi, avec les animateurs habituels et les invités, Éric Naulleau, Alain Finkielkraut, Guy Bedos : la discussion porte sur Éric Zemmour, l’homme qui ose rappeler aux Français que leur vieux pays est énigmatique et compliqué. La mise en accusation est immédiate. Bedos vitupère, tout son petit corps tremble et s’agite. On le sent traversé d’une onde de dégoût et de colère : il ressent intimement la menace de la Bête. Il est prêt à lui livrer, là, devant nous, un terrible combat. Ce faisant, il prouve la persistance, malgré l’âge, de l’esprit de révolte et de justice qui, jadis, inspirait l’ancien animateur des soirées humoristiques du Parti socialiste. Sa mine boudeuse accentue sa consternation. Il proclame que sa vie est justifiée par une farouche détermination : l’antiracisme. On en déduit immédiatement que Zemmour incarne cette horreur morale, le racisme. D’ailleurs, il précise à l’adresse de Naulleau : « Je ne viens plus à ton émission à cause de lui. » (« Ton émission », en l’occurrence est celle de Laurent Ruquier, On n’est pas couché, dans laquelle les deux Éric forment un fameux tandem de flingueurs, qui rappelle un peu le couple de vieux sarcastiques du Muppet’s show).

Passons sur les échanges, le détail des offensives. On retiendra que la chaîne du football, de l’humour décalé et des milliardaires facétieux a consacré un quart d’heure de son temps d’antenne à peser un peu plus sur la balance des accusations, dans l’injuste et stupide procès que la conjuration des conformistes instruit contre Zemmour. Seul Finkielkraut tenta de développer une défense générale. Il différencia les deux scandales médiatiques du moment : l’un, provoqué par Stéphane Guillon et l’autre par Éric Z. Il argumenta, sans montrer la tension qui, souvent, altère ses traits et nuit à sa démonstration. Il plaida en faveur de ceux qui prétendent observer le réel, contre leurs adversaires, lesquels disent défendre des principes moraux. Mais, sur son flanc gauche, Bedos manifestait tous les signes de l’épouvante et de l’irritation. Il grimaçait, feignait l’accablement, prenait le ciel à témoin de son tourment. Ses mimiques navrées disaient sa souffrance de se trouver dans la proximité de l’avocat du Mal. N’y tenant plus, usant du pivot de son siège, il se tourna vers le public, ravi : il confiait à son dos le soin d’exprimer sa réfutation de l’outrage. Puis le décor de gradins aux tons acidulés s’ouvrit, et apparut une jolie jeune femme. Le visage d’Alain F. se ferma. Cessant brusquement de se dilater, l’homme s’agglomérait, et, soudainement, « s’absentait » du monde. Les spectateurs, encouragés dans la coulisse, exultèrent. Miss météo, pétillante, anima une brève séquence fantaisiste, pour le plus grand contentement des cadres présents à l’émission, leur patron en tête. Alain Finkielkraut, la tête dans les épaules, se résorbait en lui-même. Alentour, ce n’était que joie et allégresse.

Au théâtre de l’Atelier, Fabrice Luchini donne une lecture de Philippe Muray[1. Fabrice Luchini lit Philippe Muray, au théâtre de l’Atelier, 1 Place Charles Dullin 75018 Paris]. Il y remporte un succès auquel il ne s’attendait pas. La salle, charmante et inconfortable, résonne des rires que provoquent les descriptions grinçantes de Murray, augmentées de quelques désespérantes observations de Cioran. On sort heureux de ce festival de Festivus Festivus, transfiguré, cruellement vengé, on se surprend à siffler dans les rues l’air de La fille de madame Angot[2. La fille de madame Angot, opéra comique de Charles Lecocq (1832-1918)], dont le prénom n’est pas Christine…

Et l’on voit, sortant du Tombeau pour une touriste innocente[3. Tombeau pour une touriste innocente, Minimum Respect, Les Belles Lettres], un cortège tintinnabulant de moralisateurs postmodernes, d' »artistes musiciens, citoyens, jongleurs, équilibristes » qui se dirige, après le spectacle, vers le plateau du « Grand Journal ».

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Né à Paris, il n’est pas pressé d’y mourir, mais se livre tout de même à des repérages dans les cimetières (sa préférence va à Charonne). Feint souvent de comprendre, mais n’en tire aucune conclusion. Par ailleurs éditeur-paquageur, traducteur, auteur, amateur, élémenteur.

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