Canal + : Charlie encensé, mais Charlie censuré!


Canal + : Charlie encensé, mais Charlie censuré!

ali baddou charlie hebdo

Guillaume Meurice est en colère. Pas comme à son habitude contre Sarkozy, Le Pen ou le grand patronat. Ou plutôt si, contre son patronat à lui, le groupe Vivendi-Canal-Plus.

Figurez-vous que ce garçon avait l’intention de montrer face aux caméras de « La Nouvelle Edition » sur Canal +, dont il est chroniqueur régulier, un dessin de Charb. D’après nos honorables correspondants à Boulogne-Billancourt, ledit dessin moquait certains extrémistes se réclamant d’une religion monothéiste qui n’est ni le judaïsme ni le christianisme.

En choisissant de publier ce dessin, ce garçon, que j’aurais volontiers qualifié de crétin intégral en d’autres circonstances, a donc prouvé qu’il était un brave. Mille excuses rétrospectives, Guillaume.

Hélas, tout le monde ne partage pas cette vision du monde. La direction de Canal Plus a formellement interdit « pour raisons de sécurité » à Guillaume de montrer ledit dessin à l’antenne. On aurait pu en rester là, entre gens de bonne compagnie.

Heureusement, Guillaume Meurice a donné la preuve qu’on pouvait être à la fois un antiréac obtus et un honnête homme, en rendant publique cette censure sur sa page Facebook. Voilà ce qu’il a écrit:

« Aujourd’hui « pour des raisons de sécurité », on refuse que je diffuse un dessin de Charb sur Canal Plus dans « La Nouvelle Édition ». Aujourd’hui, « pour des raisons de foutage de gueule », je ne ferai pas de chronique sur Canal Plus dans La Nouvelle Édition. »

guillaume meurice canal

Quelques heures plus tard, la direction de Canal + a répondu à son message via Twitter , en  publiant ce communiqué signé Charlie +, fallait oser : « Canal+ défend depuis toujours la liberté d’expression et continuera à diffuser des caricatures, et ce sans céder à la provocation. »

canal charlie hebdo

Contactée par le site Puremédias , la direction de Canal a été plus explicite (les mêmes explications, au mot près, ont été données à Télé 7 Jours) : La décision de publier ou non un dessin à un instant donné et dans un contexte donné relève d’un choix éditorial de chaque instant, étant entendu que la liberté d’expression ne suppose pas de céder à toute forme de provocation »

La censure de Charb n’avait donc rien à voir avec la sécurité du Fort Knox de Vivendi, mais c’est bel et bien « un choix éditorial » visant à ne pas faire de « provocation » . Provoquer qui, au juste, Canal ne le dit pas. Peut-être en avez-vous une vague idée, moi aussi.

Au fait, vous ne le saviez peut-être pas, mais « La Nouvelle Edition », c’est l’émission dirigée par Ali Baddou. Ali Baddou qui le 7 janvier dernier commentait ainsi à l’antenne la sortie du roman Soumission de Michel Houellebecq : « Ce livre m’a foutu la gerbe, autant le dire aussi simplement que ça, je me suis senti insulté. On est en 2015 et l’année démarre avec ça, c’est-à-dire avec l’islamophobie, installée et diluée dans le livre d’un grand romancier français. C’est un livre qui, pour moi, habitue au racisme antimusulman. »

Comme Ali Baddou n’a pas, à ma connaissance, réagi à cette censure avérée de Charlie dans sa propre émission, j’aimerais qu’il réponde à ces deux questions :

Le dessin de Charb lui a-t-il « foutu la gerbe » ?

Approuve-t-il qu’on ait empêché Charb d’habituer, fût-ce post mortem, le public « au racisme antimusulman » ?

Une dernière réflexion pour la route, que je donne à méditer à tous mes copains moralistes antifas à donf de Canal et d’ailleurs. L’antifa à donf utilise souvent la jurisprudence Niemöller[1. Emprisonné en camp de concentration depuis 1937 par les hitlériens, le pasteur protestant Martin Niemöller a écrit à Dachau, en 1942, ce poème sublime : « Lorsque les nazis sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste. Lorsqu’ils ont enfermé les sociaux-démocrates, je n’ai rien dit, je n’étais pas social-démocrate. Lorsqu’ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste. Lorsqu’ils sont venus chercher les juifs, je n’ai rien dit, je n’étais pas juif. Lorsqu’ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester. »] pour combattre la bête immonde. Ils ont eu la preuve que ceux qui ont fait taire Zemmour, parfois hélas, sous leurs applaudissements, sauront faire taire les gauchistes qui pensent hors des clous demain.

C’est exactement ce que Canal a fait selon Guillaume Meurice : même après les dix-sept morts de cette semaine, la dénonciation de l’islamofascisme n’est pas un bon « choix éditorial ».



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