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Balkany, la petite prison dans la mairie

La dernière punchline du maire de Levallois sur les juifs est impardonnable.


Balkany, la petite prison dans la mairie
Numéro de reportage : 00910441_000009 ACau / SIPA

Est-il raisonnable de laisser un cinéaste déraisonnable commenter chaque mois l’actualité en toute liberté? Assurément non. Causeur a donc décidé de le faire. Ce mois-ci, Jean-Paul Lilienfeld revient sur les déclarations navrantes de Patrick Balkany…


 

J’ai écouté les dernières déclarations de Patrick Balkany : mieux vaut entendre ça que d’être pauvre !

Va pas falloir qu’il continue longtemps comme ça, sinon je vais finir par l’apprécier… Ah oui. Je retire tout ce que j’ai dit à propos de Patrick Balkany. Je crois qu’il est devenu mon artiste comique préféré.

La musique des Tontons flingueurs en sonnerie de téléphone…

Le type qui se retrouve au tribunal accusé de magouilles, fraudes et autres blanchiments, et dont le téléphone fait retentir en plein prétoire la musique des Tontons flingueurs, c’est magnifique !

Le même type qui interrompt Dupond-Moretti en pleine opération d’apitoiement de la presse parce que l’avocat s’est trompé de quatre mois sur son âge, c’est collector (et surtout très révélateur de la puissance du narcissisme de cet homme, prêt à s’auto-saborder pour une ride de moins).

Vous imaginez le jour où Dupond-Moretti tentera de faire passer l’idée que ces maisons sont surévaluées : « Pendant des années, mon client a travaillé dur pour retaper ces masures ! Ses vacances consistaient à manier la truelle le jour et à dormir sous une tente la nuit en attendant que le bien soit habitable. »

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Et mon Patrick de l’interrompre : « Et pourquoi pas au camping avec Franck Dubosc ?! Ça va pas ?! On n’est pas des Romanos ! »

Et que vous dire de ses « punchline » inégalables !

« Quand on n’a rien à se reprocher, on se sent bien » (21 octobre 2014).

Cahuzac à côté, c’était le dalaï-lama !

J’ai également retrouvé en fouinant sur YouTube le moment délicieux que j’avais entendu en direct à l’époque. C’était en mars 2013, après la mise en examen de Nicolas Sarkozy. Persuadé que la radio lui garantissait l’anonymat (en dépit de sa voix reconnaissable entre mille), Balkany avait téléphoné à une émission de RMC pour engueuler un avocat. Ce qui donna :

Avocat : « M. Balkany défend un vieux copain, c’est normal. » Patrick Balkany : « Je vous emmerde ». Jean-Jacques Bourdin : « Qui a dit “je vous emmerde” ? » Patrick Balkany : « Ah ! Pas moi. » Avocat : « Moi non plus. »

Car oui, cette voix ! Placée dans les graves comme aux temps les plus glorieux de la Comédie française ! Un phrasé que même Pierre Dux et Louis Seigner avaient abandonné à la fin de leur carrière.

Autant dire qu’au début du procès, j’ai aimé ces vibratos à la Barry White pour expliquer le mal qu’il s’était donné à rapatrier de Suisse l’argent de son père – un vrai boulot de manutentionnaire.

La droite pouvait être fière. Cahuzac à côté, c’était le dalaï-lama !

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Avec lui, tout était possible ! On allait découvrir que Pablo Escobar avait dissimulé, avant de mourir, sa fortune dans le jardin des Balkany à Saint-Martin. Et que Patrick venait tout juste de s’en rendre compte.

Ensuite, il sortirait de sa sacoche le nom de l’assassin de Kennedy.

La phrase de trop

J’en étais même à me demander s’il n’y avait pas un truc énorme : Balkany et Jawad (le logeur des terroristes du Bataclan à l’insu de son plein gré), on ne les a pas déjà vus dans la même pièce ? Je dis ça, je dis rien…

Et puis, il y a eu la phrase de trop. Celle qui vous ramène à la dure réalité.

Face aux quatre ans de prison et dix ans d’inéligibilité requis à son encontre, il s’est dit O.K., je fais tapis (et un peu Tapie aussi, on est d’accord). Je mise tout et soit je me refais, soit je suis éliminé de la partie.

Alors, il a poussé ce qui lui restait de jetons au milieu de la table et prononcé cette phrase : « J’ai l’impression qu’on fait le procès des juifs qui, après la libération des camps, ont pris leurs dispositions. »

Et subitement, je ne ris plus, j’enrage. Tout en m’inclinant devant tant de veulerie. Être capable d’autant d’indignité relève du génie. Racine est la tragédie, Hugo le poème épique, Audiard le dialogue du cinéma français, Balkany vient de résumer l’indécence. « Les Balkany, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît… »

Comment un type dont la seule religion est le pognon peut-il invoquer son ascendance ? C’est ignoble. Un escroc reste un escroc, qu’il soit juif, catholique, musulman… Et le but de ce procès est de savoir s’il a été honnête. Rien d’autre.

Impardonnable

Que sous-entend Patrick, que les descendants de déportés auraient un droit à la fraude fiscale ? Ou pire, seraient tous des fraudeurs ?

Peu importe d’ailleurs. Avec cette immonde tentative, le grain qu’il donne à moudre aux antisémites habituels est impardonnable.

Quelle aubaine pour ces ordures d’avoir un prévenu qui confirme leurs théories de la pleurniche permanente en évoquant son père déporté.

Quelle confirmation éclatante que ce juif d’un jour qui tente de cacher sa malhonnêteté présumée derrière un antisémitisme judiciaire. Depuis cette phrase, les réseaux sociaux bruissent de vieilles vidéos de Soral et Dieudonné. Vous voyez, on vous le disait bien… Dès qu’ils sont attaqués, ils hurlent au loup antisémite.

J’en ai lu des « on se demande même s’il n’a pas eu un aïeul esclave. Peut-être même sa mère était-elle boat people et il a un cousin par alliance hutu… »

Il n’y aura jamais de peine requise pour le mal qu’il a fait avec ses déclarations.

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Juin 2019 - Causeur #69

Article extrait du Magazine Causeur




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est cinéaste et scénariste. Il a notamment réalisé La journée de la jupe (2009).

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