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Aragon, quarante ans après

Le poème du dimanche qui arrive un lundi.


Aragon, quarante ans après
Louis Aragon, devant la tombe de sa femme. SETBOUN MICHEL/SIPA 00004757_000031

Il y a quarante ans, un poète français rendait l’âme. L’occasion pour redécouvrir un homme toujours ailleurs.


Le 24 décembre 1982, Louis Aragon mourait à Paris, à son domicile de la rue de Varenne, un peu après minuit.

L’hommage fut national, ou presque. Le Parti Communiste mit sa photo accompagnée d’un drapeau tricolore à l’entrée de l’immeuble du Colonel Fabien. Les journaux y allèrent de leurs abondantes nécrologies, parfois surprenantes. Le Figaro le couvrait ainsi d’éloges tandis que Libération n’hésitait pas à railler la vieille folle stalinienne. Finalement, Aragon était un écrivain aimé par la droite (François Nourissier, Jean d’Ormesson), vénéré par les communistes qui enterraient avec lui leur place prépondérante dans le monde intellectuel et moqué par les gauchistes.

Aragon était le maître des masques : jamais un écrivain n’aura tenté à ce point de s’expliquer, de se commenter, de se préfacer, de revenir sur ses livres en les complétant par des préfaces, des avant-dire, des après-lire, des autocitations. Pour nous aider ? Bien sûr que non. Un écrivain est d’abord là pour brouiller les cartes.

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Il faut s’y faire. Les poèmes d’Aragon auront beau être fredonné par Ferrat et Ferré, on aura beau voir les photos d’Aragon siégeant au comité central du Parti ou celles d’un reportage très people de Elle, en 65, le montrant vivant l’amour parfait avec Elsa dans leur splendide maison du Moulin de Villeneuve, Aragon est ailleurs, toujours ailleurs.

Vous pouvez prendre l’Aragon que vous vous voulez, ce ne sera jamais Aragon si vous n’acceptez pas tout, en bloc.

Oui, c’est le même homme décoré deux fois de la croix de guerre en 1918 et en 1940 qui écrit à la fin du Traité du style en 1928 : « Je conchie l’armée française dans sa totalité ». C’est le même homme, encore, qui adhère au parti communiste, chantera une ode au Guépéou en 1931, « Vive le Guépéou contre le pape et les poux », mais qui parlera de « Biafra de l’esprit » lors de l’intervention soviétique contre le printemps de Prague en 68 et qui préfacera La Plaisanterie de Kundera à sa parution.

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Et c’est le même homme toujours, qui exploite magistralement la libération poétique du surréalisme mais qui saura aussi retrouver la vieille métrique française pendant la résistance comme en septembre 1943 où, sous le pseudonyme de François la Colère, il fait imprimer clandestinement Le Musée Grévin. Le poème est ensuite distribué à Paris sous forme de tract. Nous vous en proposons un extrait pour le quarantième anniversaire de sa mort, intervenu il y a deux jours.

« ….Je vous salue ma France arrachée aux fantômes

O rendue à la paix Vaisseau sauvé des eaux

Pays qui chante Orléans Beaugency Vendôme

Cloches cloches sonnez l’angelus des oiseaux

 Je vous salue ma France aux yeux de tourterelle

Jamais trop mon tourment mon amour jamais trop

Ma France mon ancienne et nouvelle querelle

Sol semé de héros ciel plein de passereaux

 Je vous salue ma France où les vents se calmèrent

Ma France de toujours que la géographie

Ouvre comme une paume aux souffles de la mer

Pour que l’oiseau du large y vienne et se confie

 Je vous salue ma France où l’oiseau de passage

De Lille à Roncevaux de Brest au Mont-Cenis

Pour la première fois a fait l’apprentissage

De ce qu’il peut coûter d’abandonner un nid

Patrie également à la colombe ou l’aigle

De l’audace et du chant doublement habitée

Je vous salue ma France où les blés et les seigles

Mûrissent au soleil de la diversité. »

(in Le Musée Grévin)

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