Haïr Merkel: ça fait du bien, c’est sans danger et ça ne sert à rien


« Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines,
Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu’on enchaîne,
Ohé ! partisans, ouvriers et paysans, c’est l’alarme !
Ce soir l’ennemi connaîtra le prix du sang et des larmes… »

Eh oui ils ont quitté leurs mines, leurs champs, leurs usines, pour se dresser contre l’occupation allemande. Dans la foule des résistants on reconnaît Mélenchon qui fustige « La Prussienne », Pierre Laurent qui dénonce le « diktat germanique » et Dupont Aignan, le plus perspicace de tous, qui annonce qu’on assiste à la naissance d’un « IVe Reich » !

Autour d’eux, une multitude de souverainistes de tout poil et à géométrie variable. Il y en a qui sont de gauche. Des qui sont de droite. Et aussi ceux qui sont d’extrême droite ou d’extrême gauche. Des patriotes de tout bord engagés dans un courageux combat contre le bourreau du peuple grec, Angela Merkel. Manque depuis quelques jours à l’appel Marine Le Pen : elle a déserté le champ de bataille, jugeant, car elle est fine, que dire trop de bêtises nuirait à sa crédibilité.

J’avoue mon incompétence totale dans le domaine économique. Mais, comme ceux qui essayent de sauver le peuple grec de la botte allemande le sont également, nous pouvons nous comprendre à défaut de nous entendre. Le souverainiste est un être bizarre. En dehors de ceux cités plus haut, il offre une palette infinie de sous-espèces. Il y a en a même de fascistoïdes et, bien plus rarement, des stalinoïdes. Dans leur colère anti-germanique, tous, quelle que soit leur obédience, usent d’un langage que des Champollion s’emploient à déchiffrer.

On peut lire par exemple, sous leur plume, que les instances européennes – aux ordres bien sûr d’Angela Merkel – n’ont pas été « démocratiquement élues » contrairement à Alexis Tsipras. Les mécanismes européens sont, il est vrai, d’une complexité propre à décourager les meilleures volontés. C’est pourquoi les partisans en lutte contre l’Allemagne ignorent que le Conseil Européen (c’est lui qui décide in fine) est composé des chefs d’états et de gouvernements des 27 membres de l’Union. Comment sont-ils arrivés au pouvoir ? Par un putsch ? Par une guerre ?

Par ailleurs (et n’ayant aucun diplôme en matière de souverainisme je peux certes me tromper), il m’avait semblé que le souverainiste était un farouche partisan du retour aux monnaies nationales. Le franc pour la France, la lire pour l’Italie, la peseta pour l’Espagne, etc… Et pourquoi pas, en suivant cette logique, la drachme pour la Grèce ? Eh bien, non ! Le souverainiste, pourtant prêt à se battre jusqu’au dernier Grec, n’a pas manifesté pour que la Grèce abandonne l’euro. Pas facile à comprendre. Mais, comme celles du Seigneur, les voies du souverainiste sont impénétrables !

J’ai quand même le souci de ne pas passer pour un grecophobe. C’est très, très mal vu. Alors que germanophobe… C’est pourquoi je tiens à proclamer que je préfère le résiné à la bière. Le Parthénon à la porte de Brandebourg. L’Olympe au Valhalla. La vénus de Milo à toutes les walkyries wagnériennes. Zeus à Odin. Je vais, pour parvenir à la perfection, m’employer à préférer Alexis Tsipras à Angela Merkel. C’est pas gagné. D’autant plus que j’ai un faible pour Heine et sa Lorelei…
PS : Dominique Strauss-Kahn vient de critiquer durement les conditions imposées à la Grèce. Il écrit pourtant : « Hollande a tenu bon. Merkel a bravé ceux qui ne voulaient à aucun prix d’un accord. C’est à leur honneur. » Ce qui n’empêche pas l’ex patron du FMI de trouver « effrayant » l’accord imposé aux Grecs. Comme cet accord a été validé sous l’égide de Merkel et de Hollande, qu’il félicite par ailleurs, on en déduira que DSK ne fait pas ici de l’économie. Il a juste envie, très envie, de revenir en politique. Et en politique, tout est permis.



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est journaliste et essayiste

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