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Affaire Theo Francken: des juges contre la démocratie


Affaire Theo Francken: des juges contre la démocratie
Theo Francken. Numéro de reportage : 00724346_000029.
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Theo Francken. Numéro de reportage : 00724346_000029.

Montesquieu disait que “Le juge est la bouche de la loi”. On se demande actuellement qui en est le cerveau. Tandis que Manuel Valls propose de placer les cours d’assises sous contrôle de l’exécutif, la presse politico-judiciaire s’agite elle aussi, au nord des Hauts-de-France.

Un devoir de protection illimité?

L’Etat belge, par la voix de son secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration, Théo Francken, a refusé un visa de 3 mois à une famille d’Alep. Mercredi 7 décembre, la Cour d’appel de Bruxelles a confirmé l’arrêt du Conseil du contentieux des étrangers et suspendait donc le refus de délivrance du fameux visa sous peine d’une astreinte de 4 000 euros par jour. Pour réfuter la décision de l’Etat belge, la cour s’est appuyée sur l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme ratifiée par la Belgique et qui précise que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains et dégradants » La paisible Belgique aurait donc un devoir de protection et d’accueil envers les suppliciés potentiels de toute la planète.

Mais Théo Francken refuse net : « Accorder des visas humanitaires est le pouvoir discrétionnaire du Ministre ! » martèle-t-il.

Le SM, cette vierge outragée

Et chacun de s’offusquer. Un ministre n’est pas au-dessus des lois, si la Cour décide que ce visa doit être délivré, il ne reste plus audit ministre qu’à s’exécuter. Nombre de magistrats agitent leurs manchettes et prennent publiquement position contre le gouvernement, appelant à la barre les infatigables heures les plus sombres de notre histoire. Ils sont en cela soutenus par la Cour européenne des droits de l’homme, toujours très désireuse de donner des injonctions aux 47 nations qui la composent. Et bien entendu, ils peuvent aussi compter sur le soutien illimité du Syndicat de la magistrature dont la présidente, Manuella Cadelli nous a refait, sur tous les plateaux de tous les JT, sa grande spécialité : la vierge outragée. Comment peut-on, dit-elle en substance et la larme à l’œil, se soustraire à une décision de justice ?! Dura lex, sed lex

Cependant, Théo Francken ne se dérobe pas vraiment à la décision de justice. Il en prend acte, paie l’astreinte et rappelle que c’est lui et personne d’autres – surtout pas les juges – qui délivre les visas humanitaires. Car c’est là, le vrai débat. Au-delà du cas de cette famille syrienne, au-delà du risque de faire de la Belgique un distributeur automatique de visas pour tout pays en guerre par la magie de la jurisprudence, l’enjeu réel, c’est la séparation des pouvoirs. La justice peut casser une décision gouvernementale jugée non conforme à la loi. Mais elle ne peut en aucun cas se substituer au gouvernement en décidant la politique du pays.

La magistrature a lancé un ballon d’essai et tenté de voir si elle pouvait, à coups de jurisprudence, faire les lois, et à coups de sanctions, donner ordre aux dirigeants. Instance non élue, elle cumulerait ainsi les trois pouvoirs, sans aucune surveillance externe ! Le gouvernement des juges, ça c’est cool !

Changeons le peuple…

Il faut dire que la magistrature et son syndicat ne raffolent pas d’être contrôlés par les deux autres pouvoirs. Entre deux sanglots, Madame Cadelli avait déjà confié, cet été, son désir que soit supprimé le ministère de la Justice et que seule la Cour des Comptes  soit habilitée à évaluer le travail de la magistrature, ce qui, ne lui en déplaise, est encore à ce jour une prérogative parlementaire.

La fameuse « bouche de la loi » frétille à l’idée de devenir à elle seule le cerveau et le bras armé. Mais dans une démocratie, fût-elle représentative, le cerveau, en principe, c’est le corps électoral, c’est-à-dire le peuple, ce sagouin qui cultive l’art de tomber comme un cheveu dans la soupe.  Et qui rappelle, comme il le peut, qu’il n’a pas élu les juges.

Qu’on le déplore ou pas, c’est bien le peuple qui a hissé l’ultra-droitier Francken à son poste. Vox populi, vox dei !

A contrario, Madame Candelli ne représente qu’elle-même et les magistrats syndiqués. Et ceux-ci n’ont pas pour vocation d’édicter des lois mais de sanctionner ceux qui ne les respectent pas. CQFD.

P.S : Au cas où le syndicat belge de la magistrature voudrait singer sa grande sœur française et édifier un « mur des cons » dans ses locaux, je précise qu’il y a une très chouette photo de moi sur mon mur Facebook ! Tant qu’à faire…



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Romancière et scénariste belge, critique BD et chroniqueuse presse écrite et radio. Dernier roman: Sophonisbe.

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