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Mauvais aéroport, 3h de retard et aucune indemnisation!

Il y a un déséquilibre contractuel entre les voyageurs et leurs compagnies


Mauvais aéroport, 3h de retard et aucune indemnisation!
Orly © IBO/SIPA Numéro de reportage: 00693825_000002

5 juin 2019, la compagnie aérienne Transavia annonce à ses passagers au départ d’Athènes un retard de plusieurs heures en direction de Paris-Orly. Décollant ainsi trop tard, l’avion ne sera jamais autorisé à s’y poser, obligeant tous les passagers à être déroutés vers l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle. Surprise: si l’avion n’est ainsi arrivé ni à la bonne heure, ni au bon endroit, aucune indemnisation n’est pour autant envisageable!


L’état du droit laisse parfois perplexe. A ce jour, si votre vol est retardé du fait de la compagnie aérienne, vous n’obtiendrez aucune indemnisation pour le tort causé si vous atterrissez avec moins de trois heures de retard sur l’heure d’arrivée prévue pas plus que vous ne bénéficierez du remboursement du prix du billet si votre départ est retardé de moins de cinq heures; sans parler de n’avoir droit à aucune indemnisation en cas de déroutement proche. 

Moins de 3 heures de retard à l’arrivée: aucune indemnisation pour le tort causé 

Principalement piloté par les conventions européennes, le droit aérien s’est perdu peu à peu dans les hauteurs de Bruxelles, devenant ainsi complètement étranger à la réalité que vivent les passagers. 

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En effet, contrairement à ce que l’on pourrait croire, la prise en compte du retard se calcule par rapport à l’heure d’arrivée, et non de départ. 

Autrement dit, il n’est possible de bénéficier d’une indemnisation qu’à condition d’arriver à destination avec au moins trois heures de retard par rapport à l’heure d’arrivée prévue, au mépris de l’objet de votre billet d’avion disposant pourtant clairement d’une heure de départ précise. 

Autrement dit encore, vous vous devez d’être à l’heure de votre vol, voire sur certaines compagnies plusieurs heures avant. En revanche, dans un déséquilibre contractuel évident, la compagnie aérienne n’a quant à elle aucune obligation équivalente, ayant ainsi la liberté de prendre jusqu’à trois heures de retard… sans aucune conséquence. 

Moins de 5 heures de retard à l’heure au départ: aucun remboursement du billet 

À l’aberration du système d’indemnisation s’ajoute le refus de rembourser votre billet si le départ est retardé de moins de 5 heures; la seule obligation légale consistant à offrir en compensation des rafraîchissements, voire deux appels téléphoniques gratuits pour informer vos proches (notez la précision du chiffre deux!). 

Quoi que dans la pratique, cela ne soit jamais proposé, on ne vous accordera un remboursement qu’à condition d’avoir subi un retard : 

– de deux heures ou plus pour tous les vols de 1 500 kilomètres ou moins ; – de trois heures ou plus pour tous les vols intracommunautaires de plus de 1 500 km, et pour tous les autres vols de 1 500 à 3 500 km. 

Par conséquent, si votre départ est par malchance seulement retardé de 2 h 35 pour un vol d’une distance de 2000 km, comme cela était le cas en l’espèce, n’espérez aucun remboursement de la compagnie aérienne. 

Déroutante réglementation aérienne 

À l’injustice de ce système de seuils horaires, s’ajoute l’impossibilité d’être indemnisé si votre avion, censé atterrir à Orly, est dérouté vers Roissy (depuis une décision du Ministère des transports du 4 avril 1968, la réglementation d’Orly prévoit, afin d’éviter les nuisances sonores la nuit, qu’«aucun atterrissage pour retard accidentel ne sera admis après 23h30»).

Fort de cet arrêté, la compagnie fait ainsi valoir qu’il est indépendant de sa volonté de pouvoir se poser à l’aéroport convenu, écartant du même coup tout remboursement. 

En résumé, le système et le droit en vigueur ne prévoient aucune indemnisation dès lors qu’un vol a moins de trois heures de retard à l’arrivée, aucun remboursement s’il a moins de 5 heures de retard au départ, quand bien même serait-il dérouté en plein vol, obligeant finalement les voyageurs à se déplacer par leurs propres moyens et à leurs frais jusqu’à la destination souhaitée. À la lecture des chiffres d’affaires des compagnies aériennes, et particulièrement celles à bas coût, la conclusion en est à la précarisation évidente, imposant donc un aménagement des textes en vigueur plus en phase avec la réalité de terrain, et ainsi plus respectueuse des voyageurs.



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est avocat au barreau de Paris.

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