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Pour une Internationale des chauves


Pour une Internationale des chauves

En 1993, Larry David, co-créateur, producteur exécutif et scénariste de la série Seinfeld, obtint un Emmy award pour un épisode intitulé The contest (le concours). Il monta à la tribune et prononça ces mots remarquables : « This is all very well and good, but I’m still bald ! » (Tout cela est très bien, mais je suis toujours chauve !)

Par ces mots, Larry David fit entendre pour la première fois le cri de douleur de millions d’hommes chauves et dégarnis. Depuis, il n’a cessé de faire entendre cette douleur toutes les fois que cela lui fut possible. Dans la série Curb your enthusiasm (HBO), dont la production et la diffusion sont en cours aux Etats-Unis, il ne perd jamais une occasion de pointer les vexations, les discriminations auxquels nous autres, chauves, sommes régulièrement soumis.

Les expressions ne manquent pas en français pour stigmatiser notre trop visible différence : crâne d’œuf, « tu te coiffes avec une éponge ! », chauve comme un genou… Certains hommes ne sont même restés dans l’histoire que pour leur calvitie, ainsi de Charles le Chauve (petit-fils de Charlemagne, qui fut gratifié d’un plus généreux qualificatif), le torero Rafael-le-Chauve (connu aussi sous le nom Rafael El Gallo), contemporain de Belmonte…

A contrario, l’un des rois vikings les plus célèbres fut sans conteste Harald-à-la-Belle-Chevelure, qui unifia la Norvège et en fut le premier roi.

Tant que Zinédine Zidane officiait en équipe de France, nous avions un digne représentant, mais depuis son retrait, ce n’est que faux chauves (ces chevelus qui se rasent la tête et nous singent) et ébouriffés.

A la télévision, un homme semblait patiemment sur le chemin qui menait à notre petite communauté, mais, honteux Ganelon, il préféra les implants à la solidarité. Son éviction récente nous apparaît comme un juste retour de balancier.

Jean-Pierre Coffe, l’un de nos plus dignes représentants vient d’être évincé des ondes, où pourtant on le savait chauve.

Pour qu’enfin notre souffrance soit reconnue à l’égale de tant d’autres minorités visibles, pour que la discrimination qui nous frappe dans la parole comme dans les regards fût enfin combattue avec l’énergie nécessaire,

Chauves de tous les pays et de toutes les couleurs, unissons-nous !

Je propose, par ailleurs la création d’un prix Yul Brynner, attribué à notre frère qui aura fait le plus pour la reconnaissance de la beauté et de la dignité de la calvitude.



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A 32 ans, Cyril de Pins est professeur agrégé de philosophie. Traducteur, il poursuit des recherches en histoire de la linguistique.

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