Carton rouge pour Michel Platini à la FIFA


Carton rouge pour Michel Platini à la FIFA

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Ça flingue à tout va dans la planète foot ! Cet été, après le démission forcée du président de la FIFA, Sepp Blatter, mis en cause par la justice des Etats-Unis dans un scandale de corruption de dirigeants de fédérations exotiques, l’idole du football français Michel Platini, président de l’UEFA semblait  promis à une élection de maréchal à la présidence du football mondial. Le storytelling d’une victoire annoncée, celle d’un Monsieur propre capable de nettoyer les écuries d’Augias du football-business, était tellement convaincant que le gouvernement français s’est précipité pour soutenir la candidature du N° 10 le plus célèbre de l’histoire du football tricolore (seuls les vieux pépés de ma génération peuvent encore juger injuste l’oubli dans lequel est tombé Roger Piantoni, inter gauche de la dream team de 1958, celle de Raymond Kopa et Just Fontaine)…

Aveuglés par l’admiration justifiée qu’ils portaient à l’ancien joueur, et à sa reconversion réussie comme entraineur, puis comme dirigeant de club, les observateurs de la planète foot ont négligé un fait majeur : l’argent qui désormais coule à flot dans les caisses des instances dirigeantes du football mondial, essentiellement issu de l’explosion des tarifs des droits de retransmissions télévisées des grandes compétitions, peut faire perdre le sens de la mesure et de la décence au plus vertueux des petits gars sortis du prolétariat à la force des crampons. Seule exception : Aimé Jacquet, héros modeste et génial de la victoire française à la coupe du monde de 1998.

Tous les chasseurs le confirmeront : rien n’est plus dangereux qu’un vieux sanglier blessé. Sentant sa fin prochaine, il met toute ses dernières forces dans la destruction du tireur imprécis… Sepp Blatter l’octogénaire sait parfaitement que son temps est fini, mais il ne veut pas quitter la scène sans démolir celui qu’il juge responsable de son éviction, Michel Platini. De son repaire zurichois, le Suisse le plus connu après Roger Federer distille pendant tout l’été des informations relatives au comportement du Français, qui fut son ami et son obligé, dans les instances du football européen et mondial. Des fuites opportunes révèlent que Michel Platini, désireux, après le succès organisationnel de la Coupe du Monde 1998 en France, de trouver sa place dans les instances du football européen et mondial, avait soutenu Sepp Blatter pour succéder à Joao Havelange à la tête de la FIFA, et sollicité peu après un contrat d’un million de francs suisses annuels pour « conseiller » le nouveau président sur l’harmonisation du calendriers des grandes compétitions. « Tu veux combien ? » demande Blatter, «  Un million ? » «  Un million de quoi ? »  rétorque le Suisse ? « De francs ? De dollars ? De roubles ? ». L’accord (oral) se conclut sur une rémunération d’un million de francs suisses annuels pour ces précieux conseils. Le contrat se poursuit jusqu’en 2002, alors que Platini est entré dans les instances du football européen, ce qui le place dans une situation de conflit d’intérêts, particulièrement lorsque, devenu président de l’UEFA, il demande à la FIFA, en 2011, le versement de deux millions d’arriérés de salaire de son activité de conseil… Fine mouche, Blatter paie sans discuter (deux millions de francs, même suisses, c’est une part infinitésimale du budget de la FIFA, qui brasse chaque année environ 1500 millions de dollars), estimant que cette casserole accrochée aux basques d’un potentiel rival pouvait toujours être utile. Ces révélations conduisent le comité d’éthique de la FIFA a suspendre le Français pour 90 jours de ses activités au sein des instances où il siège, la présidence de l’UEFA, et le comité directeur de la FIFA. Cette sanction paralyse la campagne de Platini, interdit pour trois mois de solliciter les suffrages de ses pairs pour une élection prévue pour le 26 février 2016. En octobre, Platini contre attaque en donnant au «  Monde » un entretien exclusif, où il fait argument de son mépris total des questions financières pour justifier le fait d’avoir attendu dix ans pour réclamer son dû à Sepp Blatter. L’intervieweuse, la subtile Raphaëlle Bacqué, note alors que l’épouse de Platini, dans un geste théâtral opportun, lève les yeux au ciel pour confirmer la nullité de son mari en matière d’économie domestique. Cette communication de crise fait pschitt, et le dispositif électoral de Platini se fissure. L’UEFA, jusque là apparemment unie derrière son président, se fissure : la puissante fédération britannique, déjà fort mécontente de l’attribution de la coupe du monde 2018 au Qatar, en faveur de laquelle Platini s’est prononcé annonce qu’elle soutien le Cheikh Salman Al Khalifa, président bahreini de la fédération asiatique. Dans une manœuvre désespérée pour sauver sa candidature, Platini avance, pour l’UEFA, la candidature de son adjoint, l’avocat suisse Gianni Infanti, qui se retirerait en sa faveur s’il était blanchi par la justice.

Dès le lendemain, Blatter repart à l’attaque dans un entretien à l’agence russe ofiicielle TASS, accusant Platini d’avoir été le principal artisan de la victoire du Qatar pour 2018, privant les Etats-Unis de l’organisation de la coupe du monde, un deal que Blatter avait conclu dans un coup diplomatique à sa façon : aux USA 2018, et aux Russes 2022…

Le gouvernement français reste silencieux sur ces dernières péripéties, visiblement sonné par les sulfureuses révélations sur le gentil Platoche. On ne s’était pas aperçu, dans les hautes sphères française que le système mondial du football, c’est l’ONU en pire : chaque pays, quelque soit sa puissance et sa contribution aux institutions dirigeantes, dispose d’une seule voix dans l’élection du président. C’est la porte ouverte à la corruption généralisée de dirigeants sportifs de pays faillis, sous couvert de soutien au football de nations sans moyens. Et ce parlement mondial du ballon rond n’a même pas l’équivalent d’un Conseil de sécurité où les puissances dominantes peuvent limiter les nuisances des magouilles sordides au sein de l’assemblée générale. Sepp Blatter est, certes, une sorte de parrain mafieux du foot mondialisé, mais Platini vient de démontrer qu’il n’avait pas la carrure pour lui succéder, et encore moins pour transformer ce monde de voyous en une ONG humanitaire.

*Photo : SIPA.AP21804892_000004



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