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Allons z’enfants


Allons z’enfants
Ce n'est pas de l'Abbé Pierre que Martin Hirsch a été le bras droit, mais du Père Noël.
Ce n'est pas de l'Abbé Pierre que Martin Hirsch a été le bras droit, mais du Père Noël.
Ce n'est pas de l'Abbé Pierre que Martin Hirsch a été le bras droit, mais du Père Noël.

Martin Hirsch est un homme exceptionnel. Son nom restera gravé dans l’histoire et, si la France n’est pas ingrate, elle le transférera, le jour venu, au Panthéon. Car, au fond, il n’y a rien eu, au long des âges, qui égale les réformes du haut commissaire qui vient de créer l’école que t’es payé quand t’y vas sinon tu touches rien. Ce n’est pas de l’Abbé Pierre que Martin Hirsch a été le bras droit, mais du Père Noël !

L’école que t’es payé quand t’y vas sinon tu touches rien, ça a quand même un peu plus d’allure que la tristounette école « laïque, gratuite et obligatoire » de Jules Ferry. Avec ses instituteurs et les blouses grises dont elle revêtait chacun de ses écoliers, elle a enfanté des générations de névrosés. Allez donc porter une blouse sur la burqa !

Qui se souvient, d’ailleurs, de Jules Ferry ? Absolument personne ! Et c’est tant mieux : les plus belles rouflaquettes de la IIIe République étaient peut-être progressistes, elles n’en restaient pas moins colonialistes. Martin Hirsch, lui, n’a jamais trempé dans de sordides aventures coloniales. Il est blanc comme neige. Enfin, je veux dire qu’il n’a rien à se reprocher. Je vous le dis comme je le pense : on parlera encore de Martin Hirsch dans cent ou deux cents ans, quand on aura oublié les personnages subsidiaires de l’histoire de France[1. Louis XIV, Napoléon, De Gaulle, Ségolène Royal.] et que les petits Français fréquenteront tous l’école que t’es payé quand t’y vas sinon tu touches rien.

Pour l’heure, tout le monde se paie la bille du haut commissaire et de son « expérimentation ». Les gens sont mauvaises langues et, pour tout dire, un peu jaloux. L’idée est tellement belle qu’ils grognent de ne l’avoir pas eue : au lieu de punir les élèves qui regimbent à prendre régulièrement le chemin de l’école, on file du fric à ceux qui y vont. L’école gratuite, c’est payant ! Il ne faut plus accomplir une bonne action pour être récompensé : il suffit d’agir. Le système est révolutionnaire. Il mériterait d’être généralisé.

Le président Sarkozy serait bien inspiré de nommer Martin Hirsch au ministère du Budget (de toute façon Eric Woerth ne ressemble à rien et il n’a même pas connu l’Abbé Pierre) : les contribuables qui s’acquitteraient de leurs impôts se les verraient reverser par l’Etat. Un passage éclair du Haut Commissaire au ministère de l’Environnement permettrait de mettre fin au principe « pollueur-payeur » : il instaurerait rapidement le principe « pas pollueur-payé ». Si vous ne rejetez pas de produits chimiques dans l’air ou la rivière qui passe à côté de chez vous, si vous n’enterrez pas de déchets radioactifs dans le fond de votre jardin, banco : le pactole est pour vous !

Trois semaines à la tête du ministère de l’Intérieur permettraient à Martin Hirsch de dépoussiérer fissa le Code de la Route : les automobilistes qui ne commettraient pas d’infraction seraient arrêtés tous les 10 kilomètres pour percevoir un timbre-amende de 75 euros. Si vous circulez aux abords d’une maison de retraite et que vous n’écrasez pas de vieilles, vous touchez automatiquement une prime de 130 euros. Le nombre de policiers et de gendarmes qu’il faudrait embaucher pour distribuer ces primes résoudrait définitivement le problème du chômage.

Le cas le plus épineux reste cependant le ministère de la Justice. Là, Martin Hirsch pourrait donner toute sa mesure. Vous êtes un homme, vous avez de grosses couilles et, pourtant, vous ne violez pas : le haut commissaire vous paie les putes et vous débraguette lui-même !

L’école que t’es payé quand t’y vas sinon tu touches rien va tout changer en France. Il faudra, certes, un peu de temps et les débuts seront difficiles. Habitués à recevoir de l’argent quand ils font des choses normales, les gosses deviendront vite des terreurs. Surtout pour les parents d’enfants sages comme des images. Le gosse qui ne dit pas un mot plus haut que l’autre, qui fait ses devoirs, qui ne tire pas les cheveux de sa soeur, qui se brosse les dents avant d’aller se coucher et mange de pleines assiettes de brocolis avant de demander la permission de se lever de table, ce gosse-là ruinera ses parents. Et il n’est pas dit que, dans les années qui viennent, la France ne connaisse une génération de multi-milliardaires en culottes courtes.



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Née à Stuttgart en 1947, Trudi Kohl est traductrice, journaliste et romancière. Elle partage sa vie entre Paris et le Bade-Wurtemberg.

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