Le « putsch » des pays islamiques sur le football


Le « putsch » des pays islamiques sur le football

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En politique comme en football, seuls les résultats comptent. À défaut de briller sur le rectangle vert, les pays arabes de la zone Asie accumulent les victoires politiques sur le front du football mondial. Une prise de pouvoir savamment orchestrée en coulisse depuis début 2011, date à laquelle le prince Ali Ibn Al-Hussein, demi-frère du roi de Jordanie, a pris ses fonctions de vice-président et de membre du comité exécutif de la FIFA, au terme d’une élection sulfureuse. Batailles d’égos, soupçons de malversations, rumeurs de matchs truqués, détournements de fonds révélés par le New York Times : la « maison mère » du ballon rond est au fond du trou. Roublard, le prince jordanien comprend que l’image d’une FIFA minée par la gabegie lui donne une grande marge de manœuvre.

À peine nommé, le prince hachémite écope du dossier brûlant du hijab. Au printemps 2011, les joueuses de l’équipe nationale iranienne sont exclues, pour cause de port du voile, des épreuves qualificatives pour les Jeux olympiques de Londres. La FIFA s’appuie alors sur la loi 4 de son règlement qui interdit toute forme d’expression politiqueou religieuse sur les terrains. Une décision vécue comme une humiliation à Téhéran. La Jordanie et l’Iran entrent alors dans une colère noire et on frôle l’incident diplomatique lorsque Moustapha Mosleh Zadah, ambassadeur d’Iran en Jordanie, évoque une « violation des droits de l’homme ».[access capability= »lire_inedits »]

La FIFA décide alors d’entamer des négociations. Pour défendre les intérêts de ses amis iraniens, le prince Ali peut s’appuyer sur une jurisprudence du Comité international olympique (CIO) qui, lors des JO d’Atlanta en 1996, avait autorisé une athlète à concourir voilée. À l’automne 2011, tout le gratin du football se retrouve dans les très chics quartiers du prince jordanien, à Amman, pour une réunion au sommet qui prend des allures de vaste opération de communication. Contre toute attente, quelques semaines plus tard, les conclusions de la Commission exécutive de la FIFA donnent raison aux joueuses voilées ! Une décision entérinée en catimini, au printemps 2012, par l’IFAB (International Football Association Board), instance quasi étatique qui régit les règles du football. Après vingt mois d’expérimentation, la réforme vient d’être définitivement adoptée : les footballeuses professionnelles sont désormais autorisées à jouer la tête couverte. Et que les hommes ne se sentent pas lésés : à la demande de sikhs canadiens, les joueurs pourront aussi porter des turbans lors des matchs. « Nous ne pouvons pas faire de discrimination. Ce qui s’applique aux femmes doit aussi s’appliquer aux hommes », a précisé Jérôme Valcke, le secrétaire général de la FIFA, sans envisager que le port du voile imposé aux femmes puisse lui-même être tenu pour une discrimination.

Dans la France laïque, cette décision, qui signifie que la FIFA ne considère plus le hijab comme un signe religieux ostentatoire, mais comme une simple particularité culturelle, fait l’effet d’une bombe. « Les gens de la FIFA et du CIO ont cédé face au diktat de l’Iran, car ils sont achetés ! », déclare Annie Sugier, la directrice de la Ligue du droit international des femmes. Asma Guefin, présidente de Ni putes ni soumises, évoque pour sa part « le poids économique, notamment du Qatar, qui a joué un rôle majeur ».  Les gens sont méchants. On redoute que la « réforme » provoque un véritable imbroglio judiciaire autour des terrains de foot. D’autant que le voile a déjà créé des problèmes sur les terrains amateurs. À Narbonne, le dimanche 18 mars 2012, un arbitre a refusé de diriger un match parce que certaines joueuses portaient un foulard. L’homme en noir ne faisait qu’appliquer la fameuse loi n°4. En théorie, il ne pourrait plus le faire aujourd’hui. Sauf que Noël Le Graët, le patron du foot français, n’en démord pas : on ne verra pas de footballeuses voilées en France. Plusieurs clubs de football féminin arborent pourtant déjà un foulard ou un hijab lors de matchs amicaux et un simple recours en justice pourrait leur permettre de le porter lors des rencontres officielles. Le match est donc loin d’être gagné pour les dirigeants du foot hexagonal…

Force est de constater que cette décision n’est pas isolée : depuis que le prince est aux manettes, toutes les décisions de la FIFA, aussi bien sportives que politiques, semblent aller dans le sens des intérêts des pays arabes. La FIFA est le théâtre d’un lobbying intense qui a peu à voir avec le football et beaucoup avec le conflit israélo-palestinien et les revendications islamistes. Sur l’injonction du prince jordanien, c’est Joseph Blatter, le président du football mondial, en personne, qui demande aux autorités israéliennes d’intervenir en faveur de Mahmoud Sarsak, joueur palestinien incarcéré en Israël. Le 10 juillet 2012, après des tractations menées par les pays du Golfe, le prisonnier, soutenu par Éric Cantona, est libéré en catimini et accueilli en héros à Gaza.

En juillet 2013, c’est encore Sepp Blatter, et encore à la demande du prince, qui joue les entremetteurs entre Benyamin Netanyahou et les pays du Golfe lors d’une tournée en Palestine et en Israël. Sa mission : résoudre la question de la libre circulation des footballeurs. Jibril Rajoub, le président de la fédération palestinienne, a annoncé à cette occasion qu’il n’hésiterait pas à demander des sanctions contre Israël lors du prochain congrès de la FIFA prévu en juin 2014. On peut gager qu’il sera soutenu par l’Iran et la Jordanie, pays amis de la fédération asiatique. Dont Israël avait déjà été exclu en 1974.

Quelques semaines avant l’accession à la vice-présidence de la FIFA du prince Ali Ibn Al-Hussein, le Qatar obtenait l’organisation de la Coupe du monde 2020. Cette décision, que Barack Obama lui-même a qualifié de « mauvaise », a été fort décriée, pour des raisons pragmatiques comme la météo, l’insuffisance des équipements ou les problèmes logistiques, mais surtout parce qu’elle était entachée par la corruption. Depuis, le Sunday Times a révélé que plusieurs membres de la Confédération africaine et asiatique avaient été littéralement achetés par le Qatar.

Quant à Michel Platini, président de l’UEFA et membre du comité exécutif de la FIFA, il n’a même pas condamné la corruption. Silence assourdissant ! En revanche, il s’est montré beaucoup plus bavard sur la candidature qatarie, qu’il a défendu bec et ongles. Un an après la victoire de Doha, son fils, l’avocat Laurent Platini, était nommé responsable du pôle européen du fonds Qatar Sports Investments (QSI). Un véritable « mécène » du foot européen, présent aussi bien sur les maillots du FC Barcelone que dans les caisses du PSG. La situation à la tête de la FIFA est telle que les parlementaires du Conseil de l’Europe ont officiellement demandé à la haute autorité du football de faire la lumière sur les divers scandales qui l’ont touchée.

Quatar 2000, du soleil et des zones d’ombre

Quelques semaines avant l’accession à la vice-présidence de la FIFA du prince Ali Ibn Al-Hussein, le Qatar obtenait l’organisation de la Coupe du monde 2020. Cette décision, que Barack Obama a lui-même a qualifié de « mauvaise », a été fort décriée, pour des raisons pragmatiques comme la météo, l’insuffisance des équipements ou les problèmes logistiques, mais surtout parce qu’elle était entachée par la corruption. Depuis, le Sunday Times a révélé que plusieurs membres de la Confédération africaine et asiatique avaient été littéralement achetés par le Qatar. Quant à Michel Platini, président de l’UEFA et membre du comité exécutif de la FIFA, il n’a même pas la corruption. Silence assourdissant ! En revanche, il s’est montré beaucoup plus bavard sur la candidature qatarie, qu’il a défendu bec et ongles. Un an après la victoire de Doha, son fils, l’avocat Laurent Platini, était nommé responsable du pôle européen du fonds Qatar Sports Investments (QSI). Un véritable « mécène » du foot européen, présent aussi bien sur les maillots du FC Barcelone que dans les caisses du PSG. La situation à la tête de la FIFA est telle que les parlementaires du Conseil de l’Europe ont officiellement demandé à la haute autorité du football de faire la lumière sur les divers scandales qui l’ont touchée.[/access]

*Photo: Flickr Creative Commons

Avril 2014 #12

Article extrait du Magazine Causeur



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