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Israël, une indignation désormais mécanique

« Comment peut-on ? » s'agace Jean Szlamowicz...


Israël, une indignation désormais mécanique
Cimetière militaire, Tel Aviv, 11 octobre 2023 © Stringer/SPUTNIK/SIPA

Abjection de l’antisionisme

Après les massacres de familles entières, les femmes violées et assassinées ; après le déchaînement de sauvagerie rigolarde des islamistes du Hamas ; après la joie de leurs adeptes face à la mort des Juifs, comment peut-on continuer à innocenter le projet palestinien ? Comment peut-on continuer à rendre Israël responsable de l’animosité principielle qui nourrit la rue palestinienne et ses milices ? Car les jihadistes arabo-palestiniens du Hamas, avec le soutien d’une majeure partie de leur population, ne sont pas différents des membres de Daesh. D’ailleurs, c’est bien ce qu’ils réclament : un État islamique. Comment peut-on l’ignorer ?

Seulement voilà, après le 7 octobre, nous avons été immédiatement ensevelis par des discours de justification et de mise en équivalence, par les retournements victimaires et l’hypocrisie, par une indignation fallacieuse ironisant sur un juste retour des choses écœurant de mauvaise foi.

Mathilde Panot bornée

« Nous ne changerons pas d’un iota notre position. La France Insoumise est le mouvement de la paix et nous souhaitons qu’une solution politique soit trouvée. Donc nous ne sommes pas d’accord avec les formes de surenchère qui se passent actuellement dans notre pays. Il est faux de dire que nous n’avons pas condamné les crimes de guerre qui ont eu lieu samedi, comme nous condamnons ceux qui ont lieu actuellement à Gaza. Nous ne sommes pas d’accord avec l’escalade de la violence ».
Mathilde Panot, 10 octobre 2023 à l’Assemblée Nationale

Comment peut-on seulement imaginer une solution politique avec des miliciens qui ont décapité, ou brûlé des familles à Kfar Aza ? Comment peut-on accuser Israël de « crime de guerre » pour la réplique légitime à ce crime contre l’humanité ? Comment peut-on parler d’« escalade » pour la légitime défense d’un pays agressé depuis son origine par des hordes antisémites ? Comment peut-on se dire « mouvement de la paix » quand on incite ainsi au relativisme moral le plus abject de notre époque ? Comment peut-on encore oser prendre la parole publiquement et faire de la politique quand on trouve des excuses au pire pogrom depuis la Shoah ?

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Ersilia Soudais compromise

Sur l’intervention de Mariam Abou Daqqa, à l’Assemblée nationale, à l’occasion de la projection du documentaire « Yallah Gaza », organisée par Ersialia Soudais le 9 novembre 2023 : « Je pensais en effet convier Abou Daqqa pour son militantisme féministe. Non pour son appartenance supposée au FPLP », a réagi Ersilia Soudais auprès de l’AFP. « Je n’ai d’ailleurs pas encore communiqué sur la projection que j’organise. Elle a lieu dans un mois. Il ne me serait pas venu à l’esprit de m’exprimer là-dessus aujourd’hui, deux jours après l’attaque du Hamas. Je regrette que Yaël Braun-Pivet n’ait pas eu la même retenue »
Ersilia Soudais, députée de Seine-et-Marne

Comment peut-on se cacher dans les jupes du féminisme pour accueillir une terroriste ? Comment peut-on sans rougir nier l’intention partisane que l’on revendique dans le même temps ? Comment peut-on jouer la vertu offensée réclamant de la retenue quand on s’affiche à la Fête de l’Humanité avec les membres de BDS ? Comment peut-on se dissimuler derrière un calendrier malheureux pour masquer son intention politique ? Comment peut-on ne pas faire tête basse quand on se fait prendre la main dans le sac du prosélytisme palestinien meurtrier ?

Mme Abu Daqqa, membre du front populaire de libération de la Palestine (FPLP), organisation classée terroriste par l’Union Européenne, invitée puis déprogrammée, fut présente à l’Université Lyon II le jeudi le 5 octobre et prit la parole à une conférence intitulée « Colonisation et apartheid israélien, quel avenir pour les palestinien.nes ? » Comment peut-on se prétendre universitaire, psalmodier mécaniquement les mots « esprit critique » chaque jour, et inviter pareille personnalité ? Comment peut-on prétendre régir le monde de la pensée — car les universitaires sont les doctes théologiens de notre temps — et organiser pareille conférence ?

Comment peut-on écrire « Colonisation et apartheid israélien, quel avenir pour les palestinien.nes ? » sans se rendre compte que le monde arabo-palestinien est tout sauf inclusif ? Décidément, l’inclusivité est le signe d’une dégénérescence de l’esprit critique et d’une abjection morale qui se paye de mots et de son exhibitionnisme bavard.

« L’apartheid, l’apartheid, l’apartheid! » La presse pas en reste

« Gaza assiégée et bombardée » titre L’Est Républicain le 10 octobre 2023. Comment peut-on se vouloir journaliste et victimiser ainsi les bourreaux ? Comment peut-on diriger une rédaction et formuler un titre transformant ainsi l’agresseur en population martyre ? Comment peut-on prétendre informer et ne pas saisir la gravité existentielle du pogrom du 7 octobre 2023 et ce qu’il révèle de la nature de la cause palestinienne ?

Ces positions et ces propos, on peut les assumer quand on brandit la pancarte de l’apartheid comme un bouclier argumentatif. Cela vous assure une immunité permettant de transformer l’antisémitisme en critique politique vertueuse. On n’a pas oublié la motion déposée par des députés communistes en mai 2023 pour fustiger le régime d’« apartheid » d’Israël. Ni la campagne d’Amnesty International de février 2022, suivie par Human Rights Watch et les ONG palestiniennes hurlant à l’apartheid. Ni Jean-Yves Le Drian parlant de « risque d’apartheid » lors des émeutes anti-juives de mai 2021 à Haifa, Akko, Yaffo et Ramleh. Par son hyperbole déliée de la réalité sociale et juridique, cette accusation affecte le signe juif d’une singulière imputabilité : malgré l’hostilité arabe et le maintien par Israël d’une citoyenneté égalitaire, c’est bien Israël qui est systématiquement considéré comme fauteur de division. Ce dispositif argumentatif se fonde sur un deux-poids, deux-mesures qui est le signe le plus évident d’un antisémitisme racinaire : la totalité des pays islamiques pratiquent la discrimination religieuse et c’est Israël, qui garantit l’égalité de droits de tous ses citoyens, musulmans, chrétiens ou juifs, qui est la cible de cette accusation. Les chrétiens sont persécutés dans le monde islamique, les Juifs en ont été chassés, mais c’est Israël le coupable ! Le futur État palestinien se veut islamique et judenrein, le Hamas promet d’exterminer les Juifs et commence à mettre son idéal à exécution… mais c’est Israël l’oppresseur raciste ! À ce niveau de déréalisation, que peut-on encore écrire pour ramener les consciences à la raison ?

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Ce retournement de culpabilité indique une mutation saisissante qui affecte l’évocation même du mot Israël. En effet, la répétition intarissable de l’association Israël = apartheid constitue un martèlement frappant les esprits d’une stupeur chronique, aménageant comme réflexe de pensée l’équivalence entre le nom Israël et l’évidence de sa négativité. Ce ressassement morbide a construit une haine inextinguible, puisant dans le consensus de la bienveillance justicière la naïveté de son indignation désormais mécanique. Disséminée dans les discours qui irriguent le quotidien des rédactions, l’accusation radicale d’apartheid s’est imposée comme une formule convenue. Ainsi, cette association discursive est aujourd’hui ancrée comme une pathologie idéologique dotée d’effets sociaux d’une gravité qui n’a malheureusement rien d’inédit. Le phénomène accusatoire constitue même le préalable récurrent des flambées pogromiques.

Réseaux sociaux : ça pue

Car à côté des figures publiques qui révèlent la virulence de leurs intentions, il faut voir le marigot puant des commentaires sur les réseaux sociaux : l’intoxication mentale de décennies de mensonges a produit une évidence désormais solidement ancrée dans les idées reçues — Israël est un État colonisateur par son existence même et il faut l’en punir. C’est pourtant là une situation originale : une colonie se définit normalement comme la conquête d’une métropole qui annexe des territoires plus ou moins lointains. On peut décoloniser un tel territoire en s’en retirant, mais il s’agit ici du pays lui-même: où Israël pourrait-il donc aller? On ne peut donc que vouloir l’effacer et c’est précisément la revendication palestinienne, qui ne désire aucune solution politique, uniquement la destruction de la souveraineté juive. Car la « Palestine » n’a jamais été un pays et ses habitants n’avaient jamais revendiqué d’existence autonome sous les régimes islamiques avant que des Juifs n’y rétablissent l’État d’Israël. Il semble donc que la conquête islamique de cette terre soit le point de légitimité dont partent tous les raisonnements traitant Israël de « colonie ». Visiblement, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ne s’applique pas aux Juifs. Comment peut-on, sans pourriture morale pathologique, défendre une telle argumentation ?

Or, Le Monde, Libération, l’AFP, Le Monde Diplomatique et tant d’associations et de militants diffusent depuis des décennies leurs larmes hypocrites sur « la cause palestinienne », propageant insinuations et demi-vérités, récits pleurards et biaisés. J’y suis d’autant plus sensible qu’à vingt ans, je les croyais et pensais qu’Israël était un état-voyou : il est toujours flatteur de croire se dresser face à l’injustice. Mais on finit par s’instruire, par se méfier et face à la récurrence éternelle de l’incrimination des Juifs, ces discours apparaissent pour ce qu’ils sont : non le signe d’une vertu supérieure, mais l’impérissable et immuable maudissement des Juifs comme préalable à la tentative de les anéantir.

Après l’horreur sanglante, suivie des discours de diversion ; après l’aveu strident que le Mal existe, suivie de sa justification ; après l’exultation jihadiste, suivi de sa dissimulation par ses complices ; après le dévoilement fulgurant des hypocrisies politicardes, suivies de leur renforcement par davantage de mauvaise foi et de déni, il faut continuer à expliquer, raisonner, écrire.

Mais comment peut-on ?




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Spécialiste de linguistique, professeur en Université et traducteur.

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