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Osez l’érotisme !


Osez l’érotisme !

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On croyait lancer une petite provocation, ce fut un scandale. Les puritains s’étranglèrent. Or, on sait bien que derrière chaque puritain se trouve un pornographe obsédé par ce que le premier combat fanatiquement. Ne percevant les choses que selon la modalité binaire du sacré et de l’obscène, le puritain cherche moins à penser qu’à jouir de condamner, d’avoir raison, immédiatement et avec tous. Car le puritain ne prend son pied qu’en meute.

Les puritains de toutes obédiences détestent le second degré, comme ils haïssent la nuance.

Pornographes, ils veulent jouir salement, vite et sous une lumière crue. Ils détestent le jeu et les circonvolutions, ils veulent du simpliste, du transparent, du massif, pour éjaculer à la chaîne.[access capability= »lire_inedits »]

Outragés dans leur vertu citoyenne, deux bigots zélés mettent en ligne les photos et les adresses Twitter des « salauds », enjoignant leur public à aller tweeter quelques gouttes d’insultes sur les visages de l’infamie. Bukkake numérique. Si l’Internet a permis le porno en streaming, il a encouragé également tout ce qui, mentalement, s’y réfère.

Le gang bang verbal du lynchage en réseau, la surenchère d’insultes en 140 caractères, l’orgasme morne d’une victoire morale sans débat. Pas le temps de discuter, inutile de séduire : c’est brutal, rapide, anonyme. Pornographique. Et ce phénomène se reproduit crescendo, depuis quelques années, à chaque fois qu’une « affaire » éclate.

L’ironie, l’humour, la légèreté, le jeu, le trouble, la provocation, l’insolence, la polémique, la malice, le paradoxe, tout cela est suspect aux yeux du puritain-pornographe, tout cela qui appartient au registre érotique. Comme la durée ou le clairobscur, par ailleurs, comme la parole et comme le sous-entendu. Osez l’érotisme. Le pornographe, lui, préfère entrecouper de slogans ses feulements d’indigné, il n’individualise que pour abattre, et promeut un égalitarisme totalitaire, tout au contraire de l’érotisme qui se développe, lui, selon un subtil jeu de dominations qui s’inversent sans cesse, ce à quoi l’on assiste lorsque deux esprits éclairés s’opposent et s’écoutent au sein d’un débat loyal.

Aujourd’hui, des censeurs de tous bords guettent le « dérapage » comme le voyeur la fenêtre éclairée de sa voisine, dans l’espoir de s’astiquer la vertu à plusieurs. Voilà l’état de la libido mentale collective. Nous ne sommes plus au pays de Molière ou de Voltaire, mais dans la backroom d’une civilisation. Il y a de quoi regretter les bordels.[/access]

*Photo : Belle de jour.

Décembre 2013 #8

Article extrait du Magazine Causeur



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est journaliste littéraire et co-animateur du Cercle Cosaque

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