Accueil Culture Christian Millau maniait aussi bien le fleuret que la fourchette

Christian Millau maniait aussi bien le fleuret que la fourchette

Hommage à un gastronome polémiste


Christian Millau maniait aussi bien le fleuret que la fourchette
Christian Millau. Sipa. Numéro de reportage : 00614992_000016.

– Article initialement publié le 9 février 2013 –

On a longtemps cru Christian Millau indissociable de son complice Henri Gault avec lequel il composa le Lagarde et Michard de la gastronomie française, qui est un art et une science depuis l’époque bénie des papilles de Brillat-Savarin.

Provocateur dans la lignée de Nimier

Depuis quelques années et la disparition de son alter ego, Millau redémarre une seconde carrière de hussard du verbe. Résolument réac, bien qu’il nourrisse un « goût profond pour les imposteurs », l’admirateur de Nimier n’usurpe pas la qualité de provocateur.

Pour se faire une idée du mauvais esprit de Christian Millau, lisons l’entrée « mariage pour tous » de son Dictionnaire de tout et n’importe quoi (Le Rocher) : « Nota bene : le Président de la République  est délié de cette ardente obligation ». Injurier du même coup le premier des Français, une institution millénaire et la communauté homosexuelle (si, si, avec un peu d’imagination et une mauvaise foi infinie, on peut tirer cette interprétation par les cheveux), voilà qui choque « la société parisienne des talons rouges » que notre homme goûte peu, à la différence des grands millésimes. C’en fut en tout cas assez pour faire déprogrammer Millau de l’antenne d’Europe 1 – crime de lèse-« mariage pour tous » oblige – et nous le rendre définitivement sympathique.

Culture n’est pas vertu

Comme le veut la loi du genre, son abécédaire hésite entre plusieurs tonalités. De l’acide, lorsqu’il est question du journal Le Monde : « J’ai eu deux chances dans ma vie. La première, d’entrer au Monde à vingt ans. La seconde, d’en sortir à vingt-deux ». De la gravité, quand Millau interroge les rapports entre culture et vertu de nos politiques, Staline offrant le prototype du monstre sanguinaire érudit propriétaire d’une bibliothèque pléthorique.  Acerbe lorsque le vieux sage s’attaque à un centenaire bifrons : Radical (Parti) : Comme un seul ne suffisait pas, nous en avons deux. L’un est radicalement neuneu, l’autre radicalement planplan ». Désespéré lorsqu’il se fait le chroniqueur de la tragédie qui se joue actuellement entre Damas, Alep et Palmyre : « Le drame syrien ou le régime de la double peine entre un dictateur fou et des islamistes fanatiques qui attendent leur tour. C’est comme si, pour chasser la Gestapo, on appelait au secours Lavrenti Beria, le chef du NKVD, que Staline avait présenté à Roosevelt en ces termes : « Voici notre Himmler » ».

Ô vous frères bonobos…

Christian Millau se montre enfin poignant à la vue anthropomorphique d’un primate, reflet animal de notre basse condition d’humains : « le regard d’un chimpanzé, d’un gorille ou d’un bonobo est une tragédie bouleversante. C’est comme si une main invisible le retenait de devenir un homme ».

Quand bien même on ne le suivrait pas dans ses diatribes contre une gauche française qu’il juge trop dispendieuse, laxiste et marxisante, le panache de ses saillies force l’admiration, toute considération politique mise à part. Avec l’élégance du gentilhomme, Millau nous provoque dans un duel pacifique qui s’étale au fil des pages, sans que nos désaccords parfaits n’émoussent le plaisir de la lecture. Seule compte la vitalité du style. Et le style, c’est l’homme !

Christian Millau, Dictionnaire d’un peu tout et n’importe quoi (Le Rocher, 2013)

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