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Avant de parler de la police, passe ton BAC Nord d’abord

Le réalisateur Cédric Jimenez revient avec BAC Nord.


Avant de parler de la police, passe ton BAC Nord d’abord
Policiers au tribunal de Marseille après le procès de la Bac Nord, 22/4/2021 Frederic MUNSCH/SIPA 01015492_000013

Après Aux yeux de tous et, surtout, La French, le réalisateur Cédric Jimenez revient avec BAC Nord.


Si on en croit les mots d’ordre de certaines manifs, aujourd’hui, en France, « tout le monde déteste la police ».  Cédric Jimenez, le réalisateur de Bac Nord (2021, 1h44), ne l’aime pas. Il ne la hait pas non plus. Il essaye de voir les hommes derrière l’institution, leurs rapports entre eux, mais aussi avec le reste de la société, ou le « corps social », comme préfèreraient l’appeler les survivances contemporaines de ce que Lénine qualifiait naguère de « maladie infantile du communisme ».

Le moins que l’on puisse dire, une fois qu’on a vu Bac Nord, c’est que ces rapports sont à la fois complexes et, souvent, très tendus.  Du moins à Marseille, où se déroule l’action de ce film « inspiré de faits réels » – dix-huit policiers de la BAC des quartiers nord accusés au début des années 2010, entre autres choses, de corruption, dont sept ont finalement été relaxés, tandis que les autres n’ont écopé que de courtes peines de prison, avec sursis. A Marseille, mais aussi, sans doute, dans le reste de la France. Pour ne pas extrapoler outre mesure. Car le spectateur devine bien, en prenant Bac Nord dans les pupilles, par grand écran interposé, que l’anomie, la caducité des lois de la République française dans des pans entiers de Marseille, faute de forces de l’ordre pour veiller à leur application, et la violence débridée comme juge de « paix » en dernier recours ne concernent pas que la cité Phocéenne, les Bouches-du-Rhône, voire la Région Sud PACA. Que le mal est probablement plus profond et menace à terme de tuer le « corps social » dont il était question il y a quelques instants.

Le regard avec lequel Cédric Jimenez nous fait voir Marseille, mais aussi la France, est-il le bon ? L’économie parallèle, criminelle et mortifère prospère-t-elle comme il le laisse à penser ? Son expansion, que plus personne ne semble en mesure de freiner faute de volonté politique et faute d’avoir préservé un Etat en capacité de faire régner l’ordre juridique républicain, est-elle inéluctable ? La chicagoïsation de la France a-t-elle effectivement commencé ?

Tout l’art de Cédric Jimenez et du jeu des acteurs qu’il a choisis pour incarner le scénario de Bac Nord (Gilles Lellouche, François Civil, Karim Leklou, Adèle Exarchopoulos et la poignante Kenza Fortas) est, précisément, de suggérer ces interrogations avant qu’il ne soit trop tard pour leur chercher des réponses adéquates. Et de ne surtout pas nous asséner un point de vue ou, pire encore, quelque chose qui se voudrait « Vérité » mais ne serait jamais, comme trop souvent ces derniers temps, que parti pris idéologique.

Du grand art.

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