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Femmes entre elles


On devrait ériger une statue à Valérie Trierweiler. Non seulement, elle rassure tous ceux qui, comme votre servante, craignaient que le quinquennat soit celui de l’ennui, mais en 140 signes, la girlfriend de Normal Ier a, en tout cas espérons-le, dessillé tous les benêts qui ânonnent depuis des lustres que les femmes apportent à la politique douceur et compassion. Bing ! Paf ! Tiens, prends ça, grognasse ! Mocheté ! Salope ! La tragi-comédie de La Rochelle calmera peut-être durant quelques jours les oies et dindons qui comptent les femmes partout pour découvrir toujours qu’il n’y en pas assez – imaginez une Assemblée entièrement féminisée, on n’y voterait peut-être pas beaucoup de lois mais on n’aurait pas fini de se marrer. Si ce crêpage de chignons ne lui a pas complètement retourné le cerveau, le Président de la République doit rêver du monde d’avant, quand les « femmes de » étaient bien contentes de faire potiches. Et peut-être se réveille-t-il la nuit avec des sueurs froides en se rappelant que son gouvernement compte une moitié de donzelles qui pourraient trouver amusant d’imiter la première chipie de France – par exemple, s’il prenait à Jean-Marc Ayrault l’envie de les débarquer…
Il serait injuste de faire payer à toutes les femmes les frasques de la première chipie de France. Pas une seule de mes copines ne serait capable, même par vengeance, de faire subir à son coquin une telle humiliation publique. Le gars n’est pas au pouvoir depuis un mois qu’il se fait ridiculiser devant la France hilare par celle dont on attendrait qu’elle se damne pour l’aider. On imagine le supplice, pour un homme qui, dit-on, déteste l’exhibition.

Pendant qu’il nous répète tous les jours qu’il n’est pas Nicolas Sarkozy, Miss Tweetweiler a réussi à nous faire oublier l’air égaré de Cécilia le soir du 6 mai 2007[1. On se rappelle que Cécilia, en 2007, n’était pas allée voter pour son mari, déclenchant la machine à ragots. Mais le plus amusant est que le même jour Valérie Trierweiler ne soit pas allée voter pour Ségolène Royal. Après ça, on nous dira que la politique n’est pas une affaire de cœur…], sa photo, au bras de son amant (en « une » de Paris Match, comme le monde est petit) et l’épouvantable « Carla, c’est du sérieux ! » de Nicolas Sarkozy. François Hollande et ses amis devront désormais s’abstenir de commenter avec des grands airs le mélange entre vie privée et vie publique dont s’était rendu coupable l’ex-président.

J’en entends qui, comme Bertrand Delanoë, la jouent « féministes irréprochables » en affirmant que, toute première dame qu’elle soit, madame Trierweiler a bien le droit d’avoir des opinions et de les exprimer. Eh bien, pas sur n’importe quel sujet ! Le problème, bien sûr, n’est pas que la première compagne dise ce qu’elle pense, mais qu’elle le dise au sujet de l’élection de la Rochelle: il ne faut pas avoir particulièrement mauvais esprit pour subodorer qu’il ne s’agit pas d’une prise de position, mais d’un règlement de comptes entre filles. Bien sûr, l’intéressée a juré qu’il s’agissait de politique et de rien d’autre; seulement ces confidences n’ont pas été diffusées, mais simplement rapportées par Alba Ventura sur RTL.
Certes, Ségolène Royal a été fort mal inspirée de s’entêter pour La Rochelle – et l’Île de Ré ! Que la chantre de la démocratie participative ait fait annuler la primaire pour s’offrir la circo la plus chic de sa région n’est pas très glorieux. Mais ça, c’est de la politique. Reste qu’entre la Première dame et la première femme, comme l’avait titré je ne sais plus quel journal, celle-ci emporte clairement le concours de l’élégance. Après tout, après avoir été trompée puis débarquée par le père de ses quatre enfants au vu et au su du PS puis de la nation, elle a su faire passer son orgueil de femme blessée au second plan pour soutenir son ex – appelant de ce fait à l’entrée à l’Elysée de sa rivale victorieuse. Peu importe en l’occurrence que ce fût pour son intérêt ou pour celui de la France, elle a, pour l’essentiel, épargné ses tourments amoureux à ses concitoyens.

L’ami David Abiker m’apprend que le premier tweet de la Première copine après l’élection fut une supplique: « Laissez-nous tranquilles, laissez-nous en paix! » Instinctivement, on a envie de lui répondre: « Laissez-nous tranquilles vous-mêmes ! » Mais soyons honnêtes: comme l’affaire DSK, comme les tourments conjugaux et amoureux de Nicolas Sarkozy, le tweetgate fait jaser la France, causer les couples et pouffer les copines. « Si cette histoire nous fascine, c’est parce que l’irrationalité a parlé », me souffle Abiker. De l’extérieur, il n’y a en effet aucune logique dans la vindicte dont la femme aimée poursuit celle qui ne l’est plus. Mais si les hommes et les femmes étaient rationnels, il n’y aurait ni littérature, ni Histoire.

À défaut de sortir grandi de cet épisode, le Président y apparaît comme humain-trop-humain. Que les hommes de notre époque aiment les femmes de caractère, c’est tout à leur honneur. Seulement, entre une femme de caractère et une « emmerdeuse de compétition » (pardonnez-moi cet écart de langage mais on se comprend), la limite est souvent ténue. On sait déjà que quand Valérie l’appelle, les mots « Mon amour » s’affichent sur le cadran du téléphone présidentiel. Perso, j’aurais du mal à être amoureuse d’un gars qui arbore sa sentimentalité au lieu de la planquer, mais bon chacune ses goûts. On se rappelle aussi l’impérieux « Embrasse-moi sur la bouche ! » du soir de la primaire, ordre suivi de son exécution immédiate. En tout cas, voilà un homme qui, comme tous les autres, déteste les conflits et, sauf mon respect, les « histoires de bonnes femmes », et qui se retrouve embarqué à son cœur défendant dans un conflit entre son actuelle et son ex, sur fond d’histoire de France. Comme le dit le camarade Gérard Pussey[2. Gérard Pussey, écrivain de son état, vient de rejoindre l’équipe de Causeur à la satisfaction générale.], il ne se montre pas normal mais ordinaire. Aussi a-t-on du mal à croire qu’il saura en imposer à Angela Merkel. En attendant, Assad et Ahmadinejad doivent bien rigoler.
 
*Photo : Patrick Peccatte



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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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