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Y a-t-il des volontaires pour accompagner la sortie scolaire?

Pour une défense pragmatique de la «maman voilée»


Y a-t-il des volontaires pour accompagner la sortie scolaire?
Le 29 octobre 2019, des femmes originaires de Marseille, au Sénat à Paris, s'affichent avec leur voile islamique © DOMINIQUE FAGET / AFP

Ceci n’a que la valeur d’un témoignage, et est vieux de dix ans de surcroît. Mais…


Le ton est tellement vite monté à propos du voile que je livre ce témoignage tel quel, même si je me doute bien que ce n’est pas nécessairement ce que veut entendre le lectorat de Causeur. Comme le malheur des temps m’y oblige –on se croirait dans les années 70-, je vais dire d’où je parle. Une double filiation communiste et chrétienne, mais si, ça existe tout comme en Italie d’ailleurs, quelque part entre le PCF et la JOC pour ceux qui se souviennent encore de ce que recouvre ces cycles.

Je n’ai pas ailleurs aucun gage à donner en matière de laïcité. J’ai été élève puis professeur, pendant vingt-cinq ans dans l’enseignement public, à une époque où la laïcité, on n’en parlait pas parce qu’elle était sûre d’elle-même. Cioran remarque quelque part que dire « Je suis en bonne santé » suppose déjà qu’on ne l’est plus puisque la bonne santé va de soi. Dire aujourd’hui « Je suis laïque », c’est soit parce qu’on veut réaffirmer ce qui ne va plus de soi, ce qui est mon cas, soit parce que l’on veut affirmer une position idéologique qui vise d’abord l’Islam.

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Sur les vingt-cinq ans, pendant dix-neuf, j’ai travaillé dans un collège roubaisien (rentrée 1990-rentrée 2008). C’était une ZEP, une Zone Sensible, une Zone violence, etc… C’est à dire que cet endroit concentrait toutes les sortes de violences sociales, économiques, ethniques que l’on puisse imaginer. La misère, la vraie, pas franchement décorative quand on voit sur des années le même pull passer du frère à la soeur et de la soeur au petit frère puis au cousin, puis à la cousine. Evidemment, à 80%, il s’agissait d’élèves d’origine étrangère comme on dit, pour aller vite des Arabes, des Kabyles, des Noirs, un peu d’Asiatiques. C’était un drôle de Grand Remplacement puisqu’ils ne remplaçaient rien du tout sinon le vide créé par la modernisation, c’est-à-dire la saignée opérée dans les vieilles industries du textile.

Tous les problèmes que nous rencontrions étaient le fruit de cette misère: aucun gamin n’a envie de puer, de porter des fringues pourries, de se battre avec des adultes, de foutre le feu à une poubelle, de se défoncer à la 8.6. Au contraire, à cet âge-là, on a plutôt envie d’apprendre, de faire un bras d’honneur aux déterminismes, d’écrire des poèmes en cours de Français ou de monter une serre automatisée en cours de Techno.

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Parmi ces problèmes, il y avait aussi la manière de mobiliser les parents pour qu’ils suivent l’éducation de leurs mômes et éviter d’avoir trois pelés et deux tondus aux réunions de parents profs.

Il se trouve que nos rares interlocutrices étaient des mamans, il se trouve que c’était parfois des mamans voilées ou plutôt des mamans avec un foulard. Elles n’étaient pas là pour prêcher de jihad mais pour savoir si Chemsedine pourrait aller en seconde générale et si je pouvais aussi donner le bulletin pour la fille de madame Khelifi, ce serait gentil de ma part. Et puisque j’étais là, si je pouvais comme ça, réexpliquer un peu cette histoire d’options en seconde.

« – Ok, madame B., Mais dites donc, on a besoin d’accompagnateurs pour la sortie à Vimy, voir les cimetières militaires de 14, ce serait possible pour vous parce que là, vraiment, on n’a personne? »

« – Pas de problème, monsieur Leroy! »

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Et dans le car, avec la maman en fichu, on parlait des enfants, de la guerre de 14, du ciel, du temps qu’il faisait.

Je le répète, je  suis laïque. Mais je suis aussi, dans la mesure du possible à la fois humaniste (et pragmatique). C’est peut-être pour cela que je considère l’humiliation infligée par Julien Odoul, conseiller RN de Bourgogne Franche-Comté, à la maman qui accompagnait une sortie scolaire comme un geste impardonnable. Il n’a pas fait respecter la laïcité, il a flatté sa micro-clientèle qui fantasme la guerre des races et au passage il a renforcé dans une bonne vieille rivalité mimétique les indigénistes, ses frères jumeaux. Et tout ceux qui vont dire « Oui, mais bon, c’était brutal sur la forme, mais au fond… » comme la girouette Aurore Bergé et autres ministres de l’éducation nationale, font la même chose que cet individu chez qui le cynisme et  l’inconscience jouent un match incessant et épuisant.

On n’humilie pas une mère de bonne volonté.

On n’humilie pas son fils.

Ce n’est pourtant pas très compliqué à comprendre. Il suffit d’un peu d’humanité.



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