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Pas de pitié pour Denis Balbir !

Le déchaînement médiatique contre le journaliste a pris une ampleur orwellienne


Pas de pitié pour Denis Balbir !
Denis Balbir a prononcé des propos considérés comme homophobes hors antenne après le OM-Leipzig, jeudi 12 avril.

Le journaliste, Denis Balbir, a été suspendu par W9 pour avoir lâché une insulte à caractère homophobe, après le match de football entre l’OM et Leipzig, jeudi 12 avril. Des propos tenus pourtant hors antenne. Quand la réalité dépasse la fiction…


J’ai vu un film étonnant vendredi dernier, faut que je vous raconte. L’histoire se déroule en France, de nos jours, et commence de manière anodine. Le commentateur d’un match de football balance hors antenne, après la victoire de l’OM face à Leipzig, au sujet des joueurs allemands : « Je suis bien content pour ces pédés-là… arrogants au match aller… comme ils étaient… sûrs de gagner… enfoirés ».

Aucune rime baudelairienne ni alexandrin ici, mais le début d’un scandale qui emporte dès le lendemain Denis Balbir – c’est le nom du personnage central de cette histoire -, certes pas très finaud pour le coup, mais surtout coupable d’avoir prononcé un mot interdit. Et ce, quel que soit le contexte.

Dark Balbir contre la galaxie du Bien

Cette série B de science-fiction, à cheval entre « Bienvenue à Gattaca » et « Un monde parfait », nous tient en haleine jusqu’au bout. On y retrouve l’univers totalitaire de George Orwell, le style furieusement angoissant et prémonitoire de David Cronenberg, mais aussi le manichéisme onirique d’un George Lucas et le délire absurde d’un Tim Burton. Bref, une fiction qui fout les jetons et va sans doute cartonner à Cannes, aux César ou au festival de Gérardmer.

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Dans ce film fantastique, au sens propre comme au figuré, le Bien combat le Mal en s’échinant désespérément à imposer un monde idéal. Les écarts de langage sont prohibés, le moindre mot de travers vous cloue publiquement au pilori et vous condamne à la peine de mort professionnelle. Denis Balbir, seul contre tous ou presque, paie sa naïveté car il n’ignore pas les risques du métier. Un flash-back nous apprend ainsi que, quelques mois auparavant, l’animateur d’un jeu télé a été limogé pour avoir (à l’antenne cette fois-ci) sorti du grenier une balourdise éculée depuis un demi-siècle, mais désormais considérée comme sexiste et inadmissible par le camp du Bien.

Sémantique tique tique…

Au lieu de lâcher un vulgaire « pédé », ce mot abject que plus personne ne prononce aujourd’hui, même en privé, même sous le coup de l’énervement et même au second degré, Denis (qui manque de malice pour le coup) aurait mieux fait d’éructer autre chose à la place : « ces scélérats-là », « ces canailles-là », « ces chenapans-là », « ces vauriens-là », « ces malandrins-là » ou encore « ces fripouilles-là ». Bref, il avait le choix (sacrebleu) ! Avant de ponctuer son envolée par un « saperlipopette » ou un « flûte alors » de bien meilleur aloi que cet « enfoiré » si peu coluchien. Même un viril mais incorrect «  fils de pute » lui aurait, qui sait, permis de passer entre les gouttes de ces innombrables Fouquier-Tinville anonymes de l’ère numérique. En ce qui concerne « enculé », par contre, là j’ai un doute…

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Le film gagne même en intensité dramatique lorsqu’on apprend qu’un acte malfaisant est à l’origine du tumulte, puisque c’est un employé évidemment anonyme de W9 qui balance publiquement la vidéo de la honte. Les scénaristes mettent ainsi subtilement en exergue cet art de la délation à la française, si bien ancré dans nos traditions. Et tant pis si Denis, apparemment touché par un deuil personnel le jour de son dérapage, peut avancer quelques circonstances atténuantes. Il paiera cher quoi qu’il arrive son homophobie latente (qu’il ignore peut-être lui-même d’ailleurs). Logique enfin qu’après Marlène Schiappa pour l’animateur de jeu télé, ce soit une autre ministre, Laura Flessel, qui donne cette fois-ci le coup de grâce.

Rien d’étonnant pour quelqu’un qui manie si bien l’épée. Le Camp du Bien peut compter sur des ministres qui veillent au grain et savent déterminer les priorités ou hiérarchiser les menaces…

Même les commentateurs de foot doivent montrer l’exemple

Pendant le film, on est presque pris d’un fou rire incontrôlé, même si ce n’est pas drôle. On se dit qu’à ce rythme, il risque de ne plus rester grand monde dans le Camp du Bien. On aimerait presque voir l’inspecteur Columbo surgir pour enquêter sur les moindre faits, gestes et propos tenus en privés par nos ministres exemplaires, par les responsables de W9 à l’origine de cette sanction ou encore par ces milliers d’indignés de la Toile, une des rares espèces à ne pas être en voie de disparition. Mais bon, la ficelle scénaristique serait peut-être un peu trop grosse et l’histoire perdrait en crédibilité. Autant, pendant qu’on y est, imaginer un ministre du Budget dénoncer la fraude fiscale… alors qu’il possède des comptes cachés à l’étranger, un député se peindre les lèvres pour soutenir la cause des femmes… avant d’être accusé de harcèlements et d’agressions sexuelles ou encore un Rastignac de la politique en pointe dans le combat progressiste et antiraciste… tomber le masque rue de la Soif. On aurait du mal à y croire.

C’est d’ailleurs la principale limite de l’histoire qui nous est racontée ici : c’est trop gros pour être vrai et les principaux protagonistes sont privés du bon sens le plus élémentaire. Le film s’achève sur cette jolie citation de Serge Gainsbourg, qui aurait pris cher lui aussi s’il était encore parmi nous : « Je voudrais que la terre s’arrête pour pouvoir descendre. »



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Journaliste. Il a notamment participé au lancement du quotidien 20 Minutes en France début 2002 et a récemment écrit pour Causeur

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