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DSK : Un complot ?


photo : AFP

Comme nous le laissions entendre dans notre analyse à chaud sur le coup de théâtre survenu le 1er juillet dans l’affaire DSK, les théories du complot n’ont pas manqué de ressurgir, faisant de ce dernier la possible victime d’une machination ourdie par des officines à la solde de ses ennemis. Deux seconds couteaux du PS, François Loncle et Michèle Sabban, ont ainsi déclaré que le comportement du groupe Accor, propriétaire du Sofitel de New York, n’était pas blanc-bleu, et que les liens de ses dirigeants avec les services français étaient notoires, si vous voyez ce que je veux dire…

Les ténors du parti se sont bien gardés de chanter le même air, mais n’ont pas explicitement désavoué leurs camarades « complotistes » : rien ne vaut une bonne petite rumeur cheminant dans l’esprit des futurs électeurs pour mettre en difficulté le camp d’en face.

Puisqu’il en est ainsi, soyons donc résolument tendance, et apportons notre contribution à la production d’hypothèses où les naïfs, incompétents ou encore fainéants se muent en agents machiavéliques d’un complot politique !

En ce moment, c’est le procureur de Manhattan, Cyrus Vance Jr, qui est accusé par les médias américains d’avoir bousillé par son incompétence et sa précipitation une affaire criminelle à résonnance mondiale. Rien de plus normal, dira-t-on, car un chef est par nature responsable des manquements de ses subordonnés et se doit d’en subir les conséquences. La figure du lampiste sacrifié pour sauver le général en chef n’appartient pas à la légende américaine.

On peut tout de même s’interroger sur le comportement des agents de cette fameuse unité spéciale de lutte contre les crimes sexuels, sise à Harlem, dont on nous avait brossé un portrait flatteur au moment du déclenchement de l’affaire DSK. Flics d’élite, inspirateurs de séries cultes, capables de traquer le moindre spermato égaré dans Penn Station, ils ne pouvaient être qu’à l’image de leur ville, les meilleurs du monde.
Or, il se révèle qu’ils n’ont même pas été fichus de « profiler » correctement la plaignante, qu’ils ont eue, seuls, à leur disposition pendant les quarante-huit heures séparant l’arrestation du présumé violeur et sa comparution devant le tribunal de Manhattan qui a décidé de son incarcération. Trois semaines plus tard, le 6 juin, l’accusation présente toujours la victime présumée comme une brave veuve africaine trimant dur pour élever sa fille de quinze ans.

À qui fera-t-on croire que les flics de Harlem n’ont pas au moins un lézard concernant la personnalité de Nafissatou Diallo ? Qu’ils ne disposaient pas, dans le milieu guinéen du Bronx, d’un équivalent de Huggy-les-bons-tuyaux capable de vous balancer sa mère en échange de la mansuétude de la police relative à ses petits trafics ? Que leurs neurones n’aient pas été titillés par le coup de téléphone de la femme de chambre à un « ami » incarcéré dans l’Arizona pour trafic de marijuana et séjour illégal aux USA ? D’accord, la conversation s’est déroulée en langue peuhle et on ne peut exiger, même d’un super-flic, la connaissance approfondie de cet idiome d’Afrique de l’ouest. On peut trouver cependant, à trois stations de métro du commissariat abritant l’unité spéciale anti crimes sexuels, un bâtiment imposant au fronton duquel est inscrit « Columbia University ». En cherchant un peu sur le web, ils auraient sans doute appris l’existence de Mme le professeur Mariame Sy, coordinatrice du département des langues africaines de cette prestigieuse université, qui leur aurait dégotté dans les vingt-quatre heures un collègue susceptible de traduire cette brève, mais éclairante, conversation téléphonique. Les policiers de l’Arizona, qui l’ont enregistrée l’ont transmise sans délai à leurs collègues de New York.

La transcription en anglais de cet échange où Nafissatou Diallo informe son correspondant – qui serait par ailleurs son époux coranique, sinon civil – que son « agresseur » était plein aux as ne parviendra au bureau du procureur que quelques jours avant l’audience du 1er juillet. Vous avez dit bizarre ?

On pourra, certes, tirer la conclusion que l’unité de lutte contre la criminalité sexuelle de Manhattan est la plus minable de celles exerçant entre l’Atlantique et le Pacifique et entre le Rio Grande et la frontière canadienne.

Mais on pourra aussi se demander si, au contraire, n’y avait pas, par hasard, parmi ses membres quelques petits futés qui avaient trouvé là une bonne occasion de jouer un tour de cochon à ce district attorney, Cyrus Vance Jr, issu d’une aristocratie wasp et libérale assez peu prisée chez les flics de bases. En poste depuis neuf mois après le règne de trente ans du procureur Robert Morgenthau, Vance s’était d’emblée montré beaucoup plus soucieux de prévention que de répression, et avait même envoyé des flics présumés violeurs devant une cour criminelle, dont ils sortirent acquittés. En pratiquant la rétention d’informations pour l’aider à se ramasser salement, les policiers n’auraient fait qu’ajouter un nouvel épisode à la série de coups tordus que peuvent se faire réciproquement la justice et la police des Etats-Unis, une mine inépuisable pour téléfilms à vocation mondiale…

Les mêmes petits futés auraient également pris un malin plaisir à mener ces « bloody leftists » du New York Times en bateau, en laissant le bureau du proc’ leur vendre, à la mi-juin, la légende d’une Nafissatou prix de vertu, alors qu’à cette époque, les flics savaient fort bien ce qu’il en était réellement. Le NYT, vexé, a publié samedi 2 juillet un papier très dur pour Cyrus Vance, alors qu’il avait été porté aux nues par ce même journal lors de son élection.

De nombreux cadres de la police new-yorkaise ont commencé leur carrière au début des années quatre-vingt, quand un certain Rudy Giuliani était procureur général du district de New-York-Sud, puis maire de « la Grosse pomme » avec des conceptions sécuritaires nettement plus droitières que celles professées par Cyrus Vance Jr. Or, nul n’ignore qu’il y a plus de ritals et d’Irlandais et de juifs que de descendants des passagers du Mayflower au sein du NYPD… Dans cette folle histoire, ce pauvre DSK n’aurait été que la chèvre attachée à un piquet de luxe au 15 Franklin Street pour attirer ce pauvre Cyrus dans un traquenard diabolique. Mais ce n’est, bien sûr, qu’une hypothèse qui attend tranquillement sa réfutation.



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