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Vue d’Allemagne, une drôle de campagne…


Vue d’Allemagne, une drôle de campagne…
Martin Schulz et Benoît Hamon. Sipa. Numéro de reportage : AP22033029_000002.
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Martin Schulz et Benoît Hamon. Sipa. Numéro de reportage : AP22033029_000002.

Une semaine en Allemagne, pour la promotion du Bloc qui vient d’être traduit. On se met à suivre l’actualité d’un peu plus loin, même si elle ne vous lâche pas. Par exemple, alors que la France de Manuel Valls, qui a naguère présenté cela comme un exploit, a accueilli péniblement 12 000 migrants, j’apprends que Stuttgart, 600 000 habitants, à elle seule,  en a accueilli 9000. Manifestement, la ville n’est pas à feu et à sang. Je demande à mes interlocuteurs (un chauffeur de taxi, une infirmière SPD, un journaliste local) si ça ne va pas faire perdre les élections à Angela Merkel. Réponse unanime, à quelques nuances près : « Si elle les perd, ce ne sera pas à cause de ça. Plutôt un besoin d’une légère inflexion sociale parce que c’est un peu dur, quand même. »

Les exilés fiscaux votent-ils Macron?

À Fribourg, qui ressemble à Colmar, il est vrai qu’on n’est pas bien loin puisque depuis les hauteurs, on voit la ligne bleue des Vosges, mais de l’autre côté,  j’aperçois près d’un distributeur de banque un autocollant de la France Insoumise. Il est déchiré. Je n’y vois pas un signe, ma religion n’est pas faite : Hamon, Mélenchon ou même Nathalie Arthaud qui est encore la seule à mettre le mot « communiste » sur ses affiches. À force de ne plus le voir, je vais finir par ne plus savoir l’écrire. Avec un aime ou deux.

A une lecture-signature, le soir, je rencontre la candidate EELV pour les députés des Français de l’étranger. Elle se présente sans trop d’espoir sur une circonscription qui recouvre l’Allemagne, la Pologne, l’Europe centrale et balkanique. A l’exception de la Suisse et du Lichtenstein qui forme une circonscription toute seule puisqu’il y a assez d’exilés fiscaux pour ça. La sienne représente 90 000 électeurs. Son pronostic : Macron va tout rafler. Les mauvais esprits vont encore dire que c’est le candidat des élites mondialisées.

La France d’Angot

Dans le petit hôtel sur la Rathausplatz, pendant un déjeuner qui est un délicieux attentat diététique avec sa saucisse de foie, je regarde sur la tablette l’accrochage entre Fillon et Angot. Je ne savais pas qu’Angot était une écrivaine filloniste. La France de Fillon, avec son ordre moral conservateur et son ultralibéralisme impitoyable, me terrifie mais soyons bien clairs, celle d’Angot aussi, ou plutôt celle qui a permis à Angot d’être Angot, c’est-à-dire une petite fraction médiatique et puissante à la fois, qui fait « référence » et qui a révéré et pipolisé une personne qui pratique une littérature écrite avec cinquante mots de vocabulaire et une syntaxe d’élève de 3ème qui se remet d’une mononucléose. Une littérature « autofictionnelle », c’est-à-dire avec ceinture et bretelles: « Je balance des saloperies sur la terre entière, je parle des gens célèbres ou inconnus jusqu’à les ridiculiser, les briser, les humilier mais je me réfugie derrière la fiction dès que je risque de prendre une « baffe » réelle ou juridique. » Pour le juridique, elle commence d’ailleurs à en prendre, et on la remerciera de n’avoir pas été pour rien dans une autre catastrophe: la judicarisation du roman, la façon dont la fiction se retrouve attaquée désormais devant les tribunaux. Sans cette bêtise snobinarde qui a monté Angot comme, d’ailleurs, elle a monté Edouard Louis, parce qu’ils sont des briseurs de « tabous » alors qu’ils sont surtout des épate-bourgeois, on n’aurait pas vu hier soir une arrogante transformée en Grand Inquisiteur qui a osé dire « Moi, j’écris la vérité » (ce qui est glaçant et révèle en même temps qu’elle n’a rien compris à la littérature) servir de conscience morale de ce temps pour aller porter la fausse contradiction a celui qui n’a besoin de personne pour tuer la droite.

Valls, traître de théâtre

Entre Francfort et Leipzig, le train s’arrête à Gotha. Mon côté snob me dit que j’aurais bien aimé en faire partie. Mon côté marxiste, qu’il faut toujours critiquer les programmes. Au retour, j’apprends que Mélenchon refuse de participer au débat de France 2 à quelques jours du premier tour. C’est tout à son honneur. On parle souvent, en souvenir de Mirbeau, de la grève des électeurs. Il faudrait aussi une grève, au moins médiatique, des candidats. Rien ne les oblige à subir ces humiliations quotidiennes de la part de trop nombreux journalistes qui ne sont ni experts, ni neutres ni même élus et qui font passer leur désir d’audience avant celui d’informer. À Leipzig, je vois les images de Schulz serrant la main de Hamon et lui apportant son soutien. Je me souviens de la Grèce en 2015. J’espère que Hamon aussi.

On atterrit à Roissy sur une belle traîtrise, une traîtrise de théâtre. Manuel Valls votera Macron dès le premier tour. Il n’avait pas tout à fait raison le Valls de 2016 : « Il y a deux gauches irréconciliables. » Le Valls de 2017 a précisé sa pensée, et c’est mieux : « Il y a deux gauches irréconciliables dont une s’appelle la droite, et moi, je suis de droite. »

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