Accueil Médias Un œil indigné sur la planète

Un œil indigné sur la planète


France 2

L’objectivité journalistique est un vœu pieux puisque quoi que l’on regarde on le regarde toujours de quelque part. De même, l’idéal d’un traitement impartial de la question israélo-palestinienne relève de la chimère intellectuelle. Sur ce sujet, je ne connais en effet personne qui, sans forcément mentir ou se montrer malhonnête, ne dise que les choses qui l’arrangent.

Je ne reprocherai donc pas à l’émission Un œil sur la planète, diffusée le 3 octobre sur France 2, d’avoir pris fait et cause pour les Palestiniens. Non, le problème est ailleurs. Les journalistes de France 2 s’efforcent de convaincre le téléspectateur que les faits parlent objectivement pour eux sans qu’ils en forcent le sens…

Puisque je n’ai pas l’intention de trancher le vrai du faux dans tout ce qui s’est dit durant ces différents reportages, ni de choisir forcément un camp au détriment de l’autre à partir de ces bribes télévisuelles qui reflètent moins la complexité du théâtre géopolitique que la mauvaise foi de leurs auteurs, je ne donnerai que deux exemples.

D’un côté, on nous présente le témoignage flouté d’un ex activiste du Hamas qui raconte son passage entre les mains des anciens disciples de Cheikh Yassine. A l’entendre, le Hamas serait un parti aux méthodes « totalitaires » n’ayant rien à envier à l’Union Soviétique. Nous sommes bien loin de l’image policée des militants « pragmatiques » capables d’évoluer (mais pas trop, leur charte rêvant encore à la destruction d’Israël) que certains occidentaux nous décrivent la main sur le cœur.

De l’autre, on nous montre un ministre « d’extrême droite » israélien qui se félicite de l’installation des colonies et argue de la légitimité de son pays à se défendre en oppressant. Beau procédé rhétorique, à la limite de la sophistique tant il nous donne à voir un Soulages tout de noir en guise de tableau à la Goya.

Après la partialité, voici à présent l’incohérence. Car dans la même émission, on nous décrit une population gazaouie en train de s’émanciper de la main de fer du Hamas, lequel laisse plus ou moins faire (étrange pour le parti fasciste dépeint plus tôt) par crainte de contagion révolutionnaire arabe – encore plus étrange pour un parti dont on ne cesse depuis son élection de nous casser les oreilles avec son adhésion populaire.

Cela ne vaut tout de même pas le ministre israélien interrogé sur le saccage d’oliviers palestiniens par des colons, qui non content de rétorquer que les palestiniens faisaient de même peu avant, rappelle que le statut des colons ne les autorisent pas à contrevenir à la loi et qualifie de « criminels » ces abatteurs d’arbres…

Pourquoi ces deux exemples ? Parce qu’ils révèlent la mécanique globale de cette émission qui n’interroge pas les faits mais les envoient à la figure de la ménagère de moins de cinquante ans, comme le cobra crache son venin sur les yeux de sa proie afin de l’aveugler.

Ainsi, on ne saura rien des contradictions éthiques d’Israël, des causes du succès électoral du Hamas ou de l’éventuelle responsabilité de ses électeurs sur la conduite d’une politique apparemment fanatique,

Un œil sur la planète ne s’est pas davantage interrogé sur la possibilité- ou non- pour l’Etat hébreu de respecter le droit international face à des adversaires qui se moquent des droits de l’homme et réclament la condition de victime unilatérale.

Non, rien de tout cela n’a été évoqué, à peine apprendra-t-on qu’il y a des vilains partout, et parmi les vilains des vilains encore plus vilains que les autres (mention spéciale aux fanatiques palestiniens plus fanatiques que les fanatiques du Hamas !). In fine, et sans que l’on sache vraiment pourquoi, le plus vilain d’entre les vilains c’est quand même Israël.

Autant dire que les rédacteurs de cette émission se sont donné un mal bien inutile pour nous convaincre de ce que la doxa ambiante récite déjà avec l’histrion indigné Hessel : le fort c’est le méchant, le faible c’est le bon.

Reste à savoir, ce que ne nous expliquera hélas jamais Un œil sur la planète, quelle est la définition du fort et du faible et qui en cette situation l’est ou ne l’est pas.

Mais n’en demandons pas trop à France 2 ; au vu de l’objectivité de leurs journalistes, n’attendons pas non plus qu’ils fassent œuvre de philosophes…



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent Michael Jackson : un monument ou incontinent ?
Article suivant Sensuelle mais sans suite
est critique littéraire et professeur de philosophie.

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Le système de commentaires sur Causeur.fr évolue : nous vous invitons à créer ci-dessous un nouveau compte Disqus si vous n'en avez pas encore.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération