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Instaurer une taxe sur les dérapages : plus efficace et juteux que la taxe carbone.
Instaurer une taxe sur les dérapages : plus efficace et juteux que la taxe carbone.

Cela aurait pu être une soirée comme une autre. D’un mortel ennui. Mais je ne me souviens plus très bien pourquoi Willy était obsédé ce jour-là plus qu’un autre par le réchauffement climatique. Il n’avait que ce mot à la bouche et c’est par charité chrétienne que nos hôtes, le pasteur S. et sa femme, écoutaient les verts délires de mon mari sans broncher. Cet idiot s’avisa même de faire le bilan carbone de la femme du pasteur S., en lui mettant la tête sous un sac plastique afin de démontrer l’étendue du désastre. Quel plaisantin !

Trois jours plus tard, au sortir des funérailles de la malheureuse épouse du pasteur S., Willy s’employa à expliquer au croque-mort l’avantage écologique de l’incinération sur l’ensevelissement.

– Tu vas nous pomper l’air encore longtemps avec ton climat ?
– Tant que ça durera et qu’il y aura de dangereux irresponsables à polluer l’atmosphère !
– Les dangereux irresponsables, j’en ai un beau spécimen devant moi. Elle a eu beau se débattre, la femme du pasteur S, quand tu l’asphyxiais avec le sac. Tu lui as maintenu la tête, en l’abreuvant de tes vertes paroles, jusqu’à ce qu’elle ne bouge plus. Tu es un criminel, un assassin. Tout ce que tu mérites est d’être jugé sévèrement. Tiens, voilà ma sentence : chaque fois que tu prononceras le mot « réchauffement climatique », tu devras déposer 20 € dans une tirelire. Cinq pour le réchauffement, cinq autres pour le climat et le reste en pourboire.

Cela fait trois semaines que le système fonctionne : Willy ne s’est pas arrangé, il parle toujours autant de réchauffement climatique et, moi, je ne dessaoule pas.

J’ai l’âme philanthrope. Réserver un procédé aussi astucieux à un simple usage domestique me fait mal au cœur. Les nations du monde en tireraient de grands bénéfices si elles l’étendaient à de plus vastes causes.

Tenez, prenez l’exemple de la France : il serait possible d’éponger la dette en instaurant une taxe sur les dérapages oraux des politiciens français. J’ai fait le calcul : cinq ou six années devraient suffire. La création d’un Observatoire National des Dérapages, chargé de repérer les sales petites phrases des élus français et de percevoir la taxe, est la solution.

Bien entendu, certaines régions surpasseraient toutes les autres : en deux ou trois jours, Languedoc-Roussillon pourrait, par exemple, apurer ses comptes et rembourser tous ses emprunts. On y suspendrait les prélèvements fiscaux. On y interdirait même le travail, puisque tous les habitants pourraient vivre sur le dos de la taxe prélevée sur les dérapages du président de région.

Le problème, c’est que toutes les régions françaises n’ont pas la chance d’avoir à leur tête un président qui dérape aussi vite et aussi bien que M. Frêche. Qu’à cela ne tienne : l’Observatoire National des Dérapages se verrait adjoindre un Institut National du Dérapage, qui préparerait au concours d’entrée à l’END, l’Ecole Nationale du Dérapage. La voie royale pour débusquer et en finir avec tout ce qui ressort du racisme, de l’antisémitisme, du sexisme et de l’arachnophobie ! En expurgeant leurs propos de toute homophobie, les Français montreraient qu’ils ne sont pas de grosses tapettes qui n’en ont pas. La France peut en finir, une fois pour toutes, avec le racisme : ce pays est, quand même, un peu plus évolué que le premier pays africain venu ?

Je ne demande rien pour cette généreuse idée, que je soumets gracieusement au gouvernement français. Rien ou si peu. Juste de quoi devenir Rockfeller en dix jours. Merde, il n’était pas juif, Rockfeller ? Je sens que je vais avoir Fabius sur le dos.



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Née à Stuttgart en 1947, Trudi Kohl est traductrice, journaliste et romancière. Elle partage sa vie entre Paris et le Bade-Wurtemberg.

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