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Sylvie Le Bihan: l’amour est un oiseau rebelle

« Les sacrifiés » (Denoël, 2022)


Sylvie Le Bihan: l’amour est un oiseau rebelle
Sylvie Le Bihan, écrivain français et directrice internationale des établissements Gagnaire - Photographiée dans les locaux de Denoël et sur les quais de Seine - 26 Avril 2022 - Paris © Garault / Éditions Denoël

Les sacrifiés, son dernier roman chez Denoël, est un spectaculaire tango à la fois romanesque et historique. 


Nous sommes happés par les personnages qu’elle a créés, à commencer par Juan Ortega, cuisinier, et la ténébreuse et volcanique Encarnación, danseuse de flamenco. Mais d’autres personnages participent à ce récit endiablé, de sueur et de sang, avec courts chapitres, rebondissements, enivrant comme une bouteille de Manzanilla bu sous le soleil andalou. 

Lorca, Picasso, Dali…

On croise Federico Garcia Lorca, au destin tragique, Pablo Picasso, Luis Búnel, Salvador Dali, ou encore Jean Moulin. L’Espagne, pays où la mort est une fête, est le théâtre du roman – l’Espagne de la guerre civile, la pire de toute, celle qui annonce le suicide collectif de 1939. La violence des sentiments y fait rage, le peuple espagnol aime le rouge qui jaillit du taureau sacrifié. Dieu ne frappe jamais au hasard. Le conflit généralisé entre nationalistes et républicains devait voir le jour sur les terres d’Isabelle la Catholique. 

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Sylvie Le Bihan nous fait également traverser l’Atlantique. Voici Juan à New York : « La ligne dentelée des gratte-ciel, que perçait la flèche de la toute nouvelle tour Chrysler, le terrorisa. C’était donc là l’avenir qu’espéraient nombre de jeunes Espagnols ? Lui, malgré ses vingt ans, préférait le charme des rues madrilènes, les cimes enneigées de la Sierra Nevada et les terres arides plantées d’oliviers de son Andalousie natale ». 

L’amour comme fil rouge

Puis, c’est Paris avec sa vie de bohème, ses artistes de génie, ses loques célestes, les cabarets à l’ambiance opiacée, la Seine pour noyer son chagrin. Le roman nous conduit jusqu’en l’an 2000, on échoue dans le « Catalan », restaurant de Juan qui a fermé définitivement les cuisines. C’est l’heure du bilan face au miroir. 

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L’amour est le fil rouge. L’amour qui ne connaît pas la loi. Parfois, c’est triste comme l’été qui décroche avant septembre. Pourquoi l’amour est-il vache avec les gens qui s’aiment ? Juan n’avait d’yeux que pour la danseuse de flamenco, jadis amante d’Ignacio, torero tué dans l’arène, dont il fut le jeune cuisinier. Le Bihan, experte en passions déchirantes, écrit à propos de Juan : « (…) mais pour lui, en cet instant suspendu de grâce pure, elle redevint Encarnación, sa guapa, la femme de sa vie, et plus rien d’autre n’eut d’importance à ses yeux. Ni sa déception ni son orgueil. Elle était là, toute proche, et il se sentit prêt à tout pour ne plus jamais la perdre. »

La fin nous réserve encore des surprises (nombreuses), car, jusqu’au bout, Sylvie Le Bihan tient fermement son récit. C’est ébouriffant comme un livre d’Alexandre Dumas.

Sylvie Le Bihan, Les Scarifiés, Denöel.

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Pascal Louvrier est écrivain. Dernier ouvrage paru: « Philippe Sollers entre les lignes. » Le Passeur Editeur.

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