Quand la droite sauve le collège unique


Quand la droite sauve le collège unique

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On retiendra surtout de la bataille singulièrement avortée autour de la dernière réforme du collège que la droite française, qui se porte bien dans les sondages et dans les urnes, qui a les dents sarkozystes qui poussent à l’idée de reprendre le pouvoir en 2017, qui a vu une divine surprise dans le bal tragique à Montretout où s’est déchirée la famille Le Pen, bref une droite qui a le vent en poupe, demeure décidément, selon la célèbre expression de l’un des siens, « la plus bête du monde ». La droite française a en effet sauvé le collège unique puisqu’elle a sauvé la réforme portée par Najat Vallaud-Belkacem qui consacre un désastre égalitariste et la fin de la possibilité, pour les meilleurs élèves des quartiers populaires, de contourner l’enfermement et l’assignation grâce au jeu des options qui permettaient de constituer, de facto, des classes à peu près viables pour jouer une orientation en seconde.

Mais non, la droite française est soit pavlovienne, soit cynique, soit un  mélange des deux. À tout seigneur, tout honneur: l’ouverture du feu, le permis de tirer à vue sur la ministre de l’Éducation Nationale a été donné par Sarkozy lui-même. Il l’a fait  en des termes tellement outranciers que cela prouve que l’Ex n’a décidément rien compris à la fonction présidentielle sous la Cinquième qui est de rassembler plutôt que de diviser. Ses propos ne pouvaient que provoquer des réactions tout aussi exagérées dans le camp d’en face. Que cherchait au juste Nicolas Sarkozy en parlant de « course à la médiocrité entre Christiane Taubira et NVB? » À souder ce qu’il y a de plus xénophobe et machiste dans son propre parti? À draguer, mal comme d’habitude, le FN? Ou à marquer son indignation sincère contre le déclin de notre école? Parce que si un Finkielkraut ou un  Debray parlent de « médiocrité » (mais c’est peu probable, ils ne pratiquent pas l’insulte), on pourrait  leur trouver à la limite une certaine légitimité pour le faire. Quand c’est Sarkozy, entouré d’esprits aussi brillants et nuancés qu’Estrosi, Geoffroy Didier ou Nadine Morano, il y a certains mots qu’on devrait éviter.

Qu’a eu comme conséquence cet acharnement de la droite, cette préemption d’un camp politique sur l’opposition à cette réforme en tapant le plus vite et le plus fort possible? Tout bêtement de recréer le clivage droite-gauche, très artificiel sur la question de l’éducation, et de faire accroire  que l’UMP avait le monopole de l’amour des lettres classiques (on ne rit pas) et que la gauche était peuplée en matière d’éducation d’animateurs socio-culs qui ânonnent Bourdieu et Meirieu comme des Krishna ânonnent des mantras. C’est tellement plus simple comme ça. Tout ceux qui pouvaient vouloir dire non à Najat Vallaud-Belkacem (comme Ségolène Royal) du côté de la gauche se sont retrouvés en porte-à-faux, presque obligés malgré eux de se taire pour ne pas rajouter au pilonnage de la droite qui disait que l’élitisme appartenait forcément à son camp et que l’égalitarisme niveleur était forcément de gauche. Qu’une partie importante des profs, des universitaires, des politiques connus à la fois pour leur engagement à gauche ET leur vision républicaine de l’Ecole, n’aient pu être audibles a permis à la « gauche Najat » qui peut donc dire merci à la droite, de s’offrir même le luxe pervers de sortir le décret d’application au lendemain de la manif du 19 mai et de dire en substance, non sans ironie: « Maintenant que la réforme est dans les tuyaux, on va pouvoir discuter » Sur ce mode là, j’en ai une autre, madame le ministre: « Maintenant que le malade est mort, on va pouvoir le soigner. »

L’autre preuve que la droite a rendu un sacré service à la réforme, via Sarkozy mais aussi Le Maire, c’est que beaucoup de profs ne sont pas allés manifester par peur de donner raison à l’UMP. Pourtant le front syndical anti-réforme était des plus originaux puisqu’il unissait le Snalc, pour les « conservateurs » et le SNES (très majoritaire), SUD, CGT’éduc pour la gauche. Les syndicats partisans de la réforme eux, représentaient plutôt cette deuxième gauche réformiste et pédagogique incarnée par la CFDT, voire FO.

C’est dommage, décidément. Si la droite l’avait jouée un peu plus finement, mais c’est beaucoup demander, elle aurait au contraire fait ressortir ces clivages chez ces adversaires, elle aurait pu aussi s’interroger sur ce qui a mobilisé nombre de profs (droite et gauche confondue) contre cette réforme et notamment la question de « l’autonomie des établissements » qui transforme de plus en plus les proviseurs et principaux en chefs de PME, ce qui là aussi pose un sacré problème puisque cela signifierait à terme que l’éducation s’évaluerait en terme de rentabilité et non d’émancipation de ceux dont elle a la charge.

D’ailleurs, comme par hasard, un fantôme de la droite libérale a ressurgi pour dire qu’il approuvait cette réforme de NVB: c’est Alain Madelin qui, fidèle à ses convictions, trouve que ça va dans le bon sens puisqu’un collège deviendra enfin une entreprise comme les autres.



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