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Plutôt rouge que mort-vivant


Plutôt rouge que mort-vivant

« Ceux qui espèrent que le Parlement européen résoudra une attaque zombie aussi facilement qu’une grève de routiers feraient mieux de se rappeler ce qui s’est produit la dernière fois qu’un fléau a frappé leur pays. Il suffirait de cinq zombies en Andalousie pour générer une épidémie qui déferlerait sur le Pays de Galles moins de trois semaines plus tard. »

À qui doit-on ce salutaire avertissement à moins de trois semaines des élections européennes ? Évidemment pas aux listes présentées par le bloc central du libéralisme et/ou de la fausse contestation médiatique (UMPS, Modem, FN, Verts, Ecolos, Libertas, NPA). Mais enfin, nous aurions pu décemment espérer que des mouvements responsables comme le Front de gauche ou Debout la République réagissent sur cet important problème et mettent en garde leurs concitoyens sur le « solanum », ce virus qui envahit la circulation sanguine à partir d’une morsure initiale et atteint le cerveau, tuant au bout d’une vingtaine d’heures avant de vous transformer en mort-vivant, très précisément à H+23. On comprend que la grippe porcine fait évidemment figure d’aimable plaisanterie voire de leurre pour ne pas avoir à affronter cette effroyable vérité.

Hélas, l’honnêteté intellectuelle nous force à reconnaître que cet avertissement de bon sens nous vient d’un Américain, Max Brooks, dont nous vous avions déjà entretenu il y a quelques temps déjà pour son roman World War Z. C’était par le biais de la fiction qu’il avait essayé de nous sensibiliser à la question zombie mais devant notre indifférence, il a décidé d’attaquer frontalement en nous donnant ce Guide de survie en territoire zombie qui va s’avérer des plus utiles lorsque le monde qui s’effondre sous nos yeux aura achevé son processus de décomposition. Evidemment, dans la mesure où l’on n’est pas ouvrier chez Continental, Tigre tamoul, fumeur ou électeur social-démocrate, il est difficile d’imaginer à quel point tout ce qui fait notre quotidien peut disparaître dans l’horreur, et avec la même rapidité que celle de la police pour mettre en garde-à-vue des syndicalistes d’EDF-GDF.

Pourtant que ferez-vous quand cela arrivera, parce que cela va forcément arriver et pour nous en convaincre, Max Brooks consacre une partie importante de son livre aux nombreuses épidémies qui ont été soigneusement occultées car les autorités étaient parvenues à les circonscrire in extremis. Citons pour mémoire, parmi les 223 recensées dans ce guide, celle d’Edo en 1611, celle de la baie de Santa Monica en 1994 mais aussi celle qui nous intéresse au premier chef car elle frappa Paris en 1807 et obligea Napoléon à fermer un hôpital après le rapport du médecin Reynald Boise décrivant un « patient incohérent, quasi animal et doté d’une insatiable soif de violence ».

Vous avez le droit de prendre ce livre pour un canular, une aimable fantaisie qui pourrait être l’œuvre d’un érudit borgésien se lançant dans l’écriture d’un manuel des castors juniors. C’est que vous n’avez jamais vu des adolescents en voyage scolaire avec des écouteurs sur les oreilles recevant du son MP3 directement dans le cortex, des courtiers aux gestes désordonnés dans une salle des marchés ou encore des supporteurs ethno-différentialistes dans les tribunes du PSG. Sinon vous sauriez, comme le disait le célèbre générique d’une série des années soixante, que le cauchemar a déjà commencé.

Ne vous trompez pas de danger, chers Causeurs de tous bords, comme d’autres se trompent de colères. Chassez vos fièvres obsidionales concernant l’immigration, clandestine, les gauchistes dans les universités ou les patrons voyous. Ce n’est pas de là que viendront les vraies invasions barbares mais du péril zombie. Quand ils arriveront en force, il sera très utile, par exemple, de savoir s’il vaut mieux se déplacer en berline, en SUV ou en moto quand on n’a pas la chance d’avoir trouvé un véhicule blindé. Il faudra aussi être capable de choisir le terrain de survie le plus adéquat : jungle, désert ou châteaux de la Loire mais en tout cas plus jamais les villes. D’apprendre à porter des vêtements serrés et des cheveux courts ainsi que de penser, lorsque vous vous réfugierez dans une maison pour soutenir un siège, à remplir tout de suite la baignoire car on ne sait jamais à quel moment l’eau sera coupée. Néanmoins, par sa concision, le conseil donné par Max Brooks que l’on préfèrera est une judicieuse remarque sur les armes les plus efficaces contre les zombies : « Les machettes n’ont pas besoin de munitions. »

Les morts-vivants vont arriver et vos pauvres vacances n’y pourront rien, pourrait-on dire pour paraphraser un slogan de Tiqqun. Alors plutôt que de vous offrir un bien inutile Routard pour Bali, investissez dans ce Guide de survie en territoire zombie.

La Crise, c’est aussi savoir acheter utile.

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