Referendum grec: les médias français irresponsables


Referendum grec: les médias français irresponsables

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Dix ans après le référendum sur le Traité constitutionnel européen en France, la quasi-totalité des médias français n’a tiré aucune leçon de ses échecs. Cette fois-ci, il ne s’agissait pas d’un référendum français mais peu importe. Dès l’annonce de la consultation par le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, les mêmes firent chorus avec les états-majors des Républicains, de l’UDI et du PS, bref les « gens raisonnables ». Pas un journaliste, lorsque Tsipras donna au référendum une dimension plébiscitaire gaullienne, pour faire remarquer aux élus du parti sarkozyste que cette méthode de gouvernement devrait logiquement recueillir leur assentiment. Pas un, non plus, pour faire remarquer aux partisans de Tsipras et membres de la convention sur la VIe république que tout cela n’était pas très raccord avec leur conception des institutions. Les paradoxes, la vraie politique, c’est moins intéressant que de se nourrir à la moraline, et tenter maladroitement de se ranger dans le camp du Bien en toutes occasions.

Pour l’observateur lambda, cela comporte quelques avantages. Par exemple, on peut arriver à voir dans la décomposition des visages présents sur une chaîne info le niveau du OXI (Non) monter, monter… C’est assez impressionnant. Vous pensez : ils y croyaient au sondage annoncé in extremis et donnant le oui vainqueur. Pourtant, l’autre jour, quand il a fallu réviser la vie de Pasqua, ils avaient bien vu qu’on pouvait fabriquer des faux sondages pour tenter d’influencer un vote, comme en 1981 quand l’organisateur en chef du RPR s’amusait à dézinguer Giscard. Mais de là à faire le lien… Penser que le camp du Bien serait capable de telles méthodes, vous n’y pensez pas !

Donc, le Mal, c’était Tsipras. Il était désigné. Désigné notamment par le duo reconstitué Sarkozy-BHL, lequel avait été si efficace dans le règlement de l’affaire libyenne… comme on le mesure chaque jour. Tsipras était d’extrême gauche et il s’était allié avec l’extrême droite. On a même entendu Baroin, devenu un zélé porte-flingues sarkozyste, reprendre l’antienne de BHL selon laquelle Syriza était alliée avec Aube Dorée, mensonge des mensonges, sans que Jean-Pierre Elkabbach ne moufte. Complicité ou incompétence ?

Heureusement, pour oublier qu’ils avaient choisi exceptionnellement le diable Sarkozy contre le diable Tsipras (c’est compliqué, d’être dans le camp du Bien, parfois), il y a eu Vincent Bolloré. Pendant deux jours, ils ont oublié un peu la Grèce pour se soucier des Guignols de l’info qui, paraît-il, étaient menacés de disparition par le nouveau propriétaire de Canal +, accessoirement fournisseur de yacht pour les lendemains d’élection gagnée en Sarkozye. Et, évidemment on y voyait la main du diable (qui n’est pas diable quand il s’agit d’insulter Tsipras, vous suivez toujours ?) Sarkozy. Oh, la divine surprise ! Cette pantalonnade de mobilisation a bien occupé tout de monde, pendant que les Grecs murissaient leur décision écrasante. La patrie était en danger à cause de la disparition de créatures en latex. Pendant ce temps, le Président Hollande répondait à l’appel vibrant de la sphère médiatique indignée depuis l’Angola. Au passage, on mesure ce qui reste du caractère subversif d’une émission alors que toute la classe politique, de Florian Philippot à Olivier Besancenot, prend fait et cause pour elle. Finalement, joli coup de pub pour Bolloré, pour zéro centime d’euro. On est ainsi revenu à Athènes, contraints et forcés, pour assister à la défaite du cercle de la raison. Et marteler que ceux qui s’en réjouissent sont des « irresponsables », expression entendue dans la bouche de cette éditorialiste de haut vol, et à la diction de cours moyen deuxième année, Nathalie Saint-Cricq.

Bref, ce fut une semaine compliquée pour le camp du Bien médiatique : croire gagner avec les Guignols, et perdre contre les irresponsables, ça fait beaucoup!



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