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PPDA, tricheur ou victime ?


PPDA, tricheur ou victime ?

Patrick Poivre d’Arvor est actuellement la cible des quolibets de quelques-uns de ses confrères après les révélations, par L’Express, de quelques emprunts massifs et grossièrement maquillés à un auteur américain, Peter Griffin, pour écrire sa biographie d’Ernest Hemingway. Celle-ci, déjà tirée à 20.000 exemplaires, est publiée par les éditions Arthaud, une filiale de Flammarion, et était prévue pour arriver en librairie le 19 janvier.

Comme il est d’usage dans ce genre de circonstances, les « épreuves » de cet ouvrage ont été adressées courant décembre à quelques journalistes triés sur le volet, susceptibles de rédiger des recensions au moment de la mise en vente du livre.

C’est ce qui a permis à Jérôme Dupuis, de L’Express, de lever le lièvre d’un plagiat dont la réalité ne peut être raisonnablement niée, à la lecture en simultané de quelques paragraphes figurant dans les deux biographies. L’argument de l’éditeur, selon lequel les journalistes auraient reçu une « version de travail » du livre de PPDA malencontreusement confondue par ces crétins d’imprimeurs avec la « bonne » version est une lamentable tentative de sauver les meubles, qui ne trompe évidemment personne ! Il eût été plus convaincant de présenter aux critiques du présumé plagiaire un exemplaire du livre déjà imprimé, mais on aurait sans doute pu y rencontrer les mêmes phrases volées que dans les épreuves…

Visiblement, PPDA a été victime, comme d’autres avant lui (Alain Minc, Thierry Ardisson) d’un nègre indélicat qui s’est contenté de bidouiller grossièrement un livre antérieur sur le même sujet, en se servant du dictionnaire des synonymes pour masquer son forfait.

Ne faisons pas, pourtant, retomber tout l’opprobre de ce comportement inélégant sur l’ancien présentateur du JT de TF1.

Personnellement, j’aurais plutôt pour lui la compassion que l’on peut éprouver pour un drogué : la came de PPDA, c’est la notoriété, le paraître, l’exposition médiatique permanente. Celle-ci lui a été garantie pendant trois décennies sur les grandes chaînes françaises, mais aujourd’hui, il faut qu’il rame pour maintenir son image au premier plan du PAF.

Publish or perish ! Cette règle ne s’applique pas seulement aux universitaires d’outre Atlantique, mais à ceux qui doivent être en « promo » permanente sur les médias pour qu’on ne les oublie pas. C’est un boulot de galérien, comme on peut le constater en voyant tout ce que PPDA a produit au cours de l’année 2010 : une émission hebdomadaire de télé, une chronique quotidienne dans France Soir, six préfaces pour des auteurs amis, et une mise en scène d’opéra avec son frère Olivier.

Donc, comme on n’a pas quatre mains et trois cerveaux, il est nécessaire de se faire aider. Et c’est là qu’intervient l’éditeur, ce marchand de bouquins à l’œil rivé sur le compteur des ventes, qui ont tendance à se réduire à un rythme comparable à celui des journaux et magazines en papier. Non, j’exagère, tous ne sont pas des épiciers sans scrupules, mais il faut bien qu’ils fassent tourner la boutique pour que leur passion pour des textes de qualités écrits par des gens peu connus puisse trouver leur chemin vers le public. Quand on n’a pas la chance, comme Gallimard, de posséder un fond de littérature française et étrangère classique vous assurant de confortables revenus, il faut bien se débrouiller. Le recours à des pipoles pour signer un livre est l’une des manières de se procurer des picaillons, mais ce n’est pas la seule. Combien d’éditeurs dits « sérieux » ont accepté de publier l’autobiographie d’un patron, grand ou petit, en échange de l’achat par ce dernier de la quasi-totalité du tirage ? J’en connais plusieurs, mais chuuut ! Cela vaut aussi pour les hommes politiques qui s’assurent une présence éditoriale immédiatement avant l’ouverture officielle des périodes électorales, ce qui leur permet ne pas faire entrer cette propagande dans les comptes de campagne…

Le trait commun à toutes ces publications, c’est le recours aux « nègres », souvent des écrivains de talent, mais d’accès trop difficile pour que cela leur permette de vivre de leur plume sous leur signature. Dans ce domaine l’omerta est encore plus stricte que dans la Camorra : un nègre qui se dévoile est un nègre mort, professionnellement, du moins.

Donc, dans cette affaire Hemingway tout le monde est coupable et personne n’est en faute, sinon le responsable de chez Arthaud qui a malencontreusement choisi un escroc pour tenir la plume de PPDA.

Faut-il « assainir » le milieu de l’édition en rendant transparent le mode de production des best-sellers ? Pas si sûr, car le lecteur de ce genre d’ouvrages, comme le spectateur du Tour de France n’est pas dupe quant aux méthodes employées par ses idoles pour parvenir aux sommets des cols ou de la notoriété littéraire. Mais il s’en fout.



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