Touche pas à ma piscine!


Touche pas à ma piscine!

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À peine réélu maire de Lyon, le socialiste très modéré Gérard Collomb a fait voter par le conseil municipal une augmentation de 135% du prix d’entrée journalier au Centre nautique du Rhône (CNR), qui passe ainsi de 3,40 à 8 euros. Cet établissement balnéaire situé sur le quai du grand fleuve, proche du centre-ville et de l’université, permet de faire trempette et de prendre des bains de soleil avec, devant les yeux, un panorama embrassant Fourvière, la colline qui prie, la Croix-Rousse, la colline qui travaille, et les quais de la rive droite ornés de bâtiments historiques. Un pur délice apprécié les jours de canicule dont la capitale des Gaules est régulièrement frappée pendant les mois d’été. En 2012, cette piscine, construite dans les années 1960, a fait l’objet d’une rénovation somptueuse la dotant d’équipements dignes des « spas » les plus modernes : bains bouillonnants, jets d’eau massants, toboggans vertigineux et autres accessoires de « wellness », comme  on désigne aujourd’hui le fait de  prendre son pied en milieu humide.

La raison avancée par les édiles pour justifier cette augmentation brutale des tarifs d’accès au CNR et son découplage d’avec le tarif unique jusque-là appliqué pour toutes les piscines de la ville est le caractère exceptionnel de ses équipements. Les opposants de gauche au maire de Lyon ont alors beau jeu de faire remarquer qu’avec un tel raisonnement, le tarif des abonnements à la Bibliothèque municipale centrale, la deuxième de France après la BN, devrait être au moins dix fois plus cher que celui pratiqué dans les bibliothèques de quartier.[access capability= »lire_inedits »]

Ce qu’oublient de préciser les responsables lyonnais du PCF, initiateurs d’une pétition contre l’augmentation du prix d’entrée au CNR, c’est que l’on n’a pas constaté, à ce jour, à la Bibliothèque municipale centrale, d’afflux de jeunes gens venus des quartiers réputés « difficiles » de la ville et de sa périphérie immédiate. Ils se rendent, certes, en masse en fin de semaine dans le quartier de La Part-Dieu où elle est située, mais passent devant sans même y jeter un regard avant de s’engouffrer dans le centre commercial géant qui la jouxte. Là, les frais de sécurité (caméras de surveillance et vigiles privés) sont assumés par les commerçants exerçant leur activité dans ces lieux, et non par la collectivité.

En revanche, au cours de l’été 2013, première saison de fonctionnement du CNR rénové, la belle jeunesse masculine de Vaulx-en-Velin, Vénissieux  et autres lieux ayant naguère défrayé la chronique des émeutes urbaines, a trouvé l’endroit fort à son  goût. Ses membres y sont venus en masse, en oubliant d’ailleurs d’emmener leurs sœurs, qui ne doivent sans doute pas savoir nager…

Comme cette jeunesse est un peu turbulente, en conséquence, l’atmosphère de l’endroit n’était pas celle souhaitée par les autres usagers, familles avec enfants du centre-ville, étudiant(e)s venu(e)s faire quelques longueurs de bassin entre deux cours, retraités soucieux du maintien de leur forme. Les abords du bassin furent même, à plusieurs reprises, le théâtre d’affrontements entre des bandes rivales se disputant un territoire de drague…

Les plaintes affluant à la mairie, il fallait bien faire quelque chose, mais quoi ? Réserver la piscine aux seuls ressortissants de la ville de Lyon aurait puni les habitants des banlieues aisées, et compliqué le renouvellement du bail de Gérard Collomb à la tête de la Métropole.

Un tarif à la durée, du genre de celui pratiqué dans certaines stations de ski, aurait été bon pour les cadres venus se détendre à l’heure de la pause-déjeuner, mais trop compliqué à mettre en œuvre dans un contexte social plus complexe, où l’on risquait des départs en masse et musclés de jeunes peu enclin à régler a posteriori leurs ébats nautiques.

Alors, on trancha pour l’augmentation franche et massive du prix d’entrée, seul moyen de dissuader les indésirables de venir semer le souk.

Tout cela, bien entendu, dans une parfaite hypocrisie : personne, dans la majorité de gauche comme dans l’opposition de droite et d’extrême gauche, n’a parlé franchement des causes réelles de cette augmentation. La droite a voté contre, parce qu’elle est dans l’opposition, en approuvant in petto. Les Front de gauche et assimilés ont voté contre parce que c’est antisocial, et les Verts se sont abstenus, parce qu’ils n’étaient pas d’accord entre eux. Devinez qui va ramasser la mise ![/access]

*Photo: C. Villemain/20 MINUTES/SIPA.00660611_000002

Eté 2014 #15

Article extrait du Magazine Causeur



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