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Querelle de clochers

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Contrairement à ce que prévoyaient les instituts de sondages, une majorité de Suisses (57,5 %) s’est prononcée hier, par référendum, en faveur de l’initiative visant à interdire la construction de minarets sur le territoire helvétique. La Confédération n’étant pas membre de l’Union, cet acte patent d’islamophobie ne saurait nous éclabousser. Néanmoins, il n’est pas à exclure que certains ulémas rigoristes tiennent pour complices de cette forfaiture calviniste l’ensemble des chrétiens. Et nous ne serions pas plus surpris que cela d’apprendre qu’il sera désormais interdit de construire des cathédrales à Djeddah, Ispahan ou Khartoum…

Intoxication élémentaire

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sarkozy

– Bonjour, monsieur le Président.
– Bonjour, cher ami. Alors que m’avez-vous prévu cette semaine ?
– Eh bien voilà, monsieur le Président, les élections régionales approchent et il y a un risque important que l’on se mette à parler de votre bilan à mi-mandat.
– Oui, effectivement, il ne vaudrait mieux pas. Alors, vous me suggérez quoi ?
– Un débat sur l’identité nationale…
– Ah, c’est pas mal comme idée. Tous ces cons vont se demander ce que c’est d’être français et pendant ce temps-là, ils oublieront qu’ils sont 3 millions chômeurs et qu’ils ont à peine de quoi croûter. Besson va me préparer ça aux petits oignons. Tout le monde va embrayer comme un seul homme, journaux, télévision, on ne parlera plus que de ça. Très bien mon vieux, très bien. Vous vous occupez des détails ?
– Pas de problème, monsieur le Président.
– Dites, j’ai une autre affaire sur les bras. Les chiffres de la sécurité sont catastrophiques, alors que j’ai quand même fait mes promesses de campagne là-dessus…
– Ne vous inquiétez pas, monsieur le Président, la cavale de Jean-Pierre Treiber commence à moins intéresser les gens. Faites-le arrêter, ça va faire la « une » pendant deux ou trois jours.
– Excellent… Hortefeux m’a dit qu’il était localisé depuis le début et qu’il attendait le moment propice. Ça plus le convoyeur de fond qui ne sait plus quoi faire du pognon qu’il a volé, on va bien détourner l’attention. Ce sera toujours moins risqué que MAM et ses anarcho-autonomes.
– Ah oui, monsieur le Président, j’allais oublier : il y a des ouvriers licenciés de Molex qui se sont déplacés à l’assemblée générale des actionnaires à Chicago et qui n’ont pas été reçus. Il faut faire attention avec les infos de ce genre. Si elles se répandent, ça va jouer sur le côté sentimental des Français. Et on va encore nous ressortir la mondialisation et le capitalisme sauvage, les petits contre les gros. Faudrait quand même éviter de leur faire trop de pub, à ces pue-la-sueur.
– Vous avez raison. On n’a rien sous la main, là ?
– J’ai bien une idée. Demandez à un de vos députés de déposer un projet de loi complètement débile mais qui fasse « sujet de société ». Je ne sais pas, moi, tenez, une loi pour interdire la fessée !
– La fessée ? Bah, pourquoi pas… Je demanderai à Fillon de me trouver un pédiatre dans les godillots de l’UMP. Ca doit pouvoir se faire assez vite.
– Attention quand même à ne pas être trop lourdingue, monsieur le Président. La dernière fois, quand vous avez voulu cacher la grève de la poste contre le changement de statut, ça a été très limite.
– Vous voulez parlez de l’affaire Marie N’Diaye et de son prix Goncourt avec ses déclarations sur la France « monstrueuse » ? Mais c’est vous qui m’avez donné cette idée !
– Certes, monsieur le Président, mais je ne vous ai pas dit de confier ça à Eric Raoult. Eric Raoult, monsieur le Président, vous vous rendez compte…
– Oui, vous avez raison, ce n’est vraiment pas le plus malin. Eric Raoult qui parle de littérature, c’est un peu comme si Laurence Parisot parlait augmentation de salaires : on n’y croit pas trente secondes. Sinon, il me faudrait quelque chose contre la fronde des élus locaux et la suppression de la taxe professionnelle. Je vais envoyer Fillon se faire huer par l’assemblée des maires de France, mais il me faudrait quelque chose de solide pour faire oublier que même des sénateurs de droite commencent à grogner.
– Bah, on a toujours la grippe A, monsieur le Président. Envoyez votre ministre de la Santé se faire vacciner devant les caméras.
– Et si le vaccin a des effets secondaires ?
– Vous savez, avec Bachelot, monsieur le Président, même s’il y en a des effets secondaires, on ne les verra pas plus que ça.
– Bon, je crois qu’on a fait le tour. Ah oui, il y a France-Irlande… Il ne faudrait pas qu’on perde, ça serait mauvais pour le moral. L’idéal, ce serait de gagner de manière à ce qu’on ne parle plus que de ça pendant au moins toute une semaine. Ca évitera de montrer qu’on a mis à la tête de l’Europe un Flamand réac et une Anglaise qui ne connaît rien aux Affaires étrangères.
– On pourrait gagner le match de manière honteuse, en trichant…. Une faute de main pour marquer un but, par exemple, monsieur le Président.
– Très bien ça, mon vieux. Vous pouvez m’arranger ça ?
– Je vais en parler avec Domenech, monsieur le Président.

Défense d’urner

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Le président du Honduras, Manuel Zelaya, a commis deux fautes de goût aux yeux du nouvel ordre mondial : il a un beau chapeau blanc et il fait partie de la bande à Chavez. Résultat, il y a cinq mois, un putsch qui sentait bon les seventies et la CIA l’a renversé alors qu’il se préparait à gagner un referendum. La communauté internationale, et en particulier les USA, ont condamné ce coup d’état avec de grosses larmes de crocodile. Après un exil et un retour rocambolesque dans son pays, via l’ambassade du Brésil où il est réfugié depuis fin septembre, il va vivre une expérience jamais vue pour un chef d’état : assister aux élections générales (présidentielles, législatives, municipales) qui vont se dérouler ce 29 novembre sans pouvoir y participer. Il a appelé ses partisans au boycott mais le fantôche mis en place à la tête du Honduras par les militaires a prévenu que « le vote est une obligation constitutionnelle. » On en est pour l’instant à une vingtaine de personnes exécutées et trois mille arrestations. L’urne ou le cercueil, en quelque sorte.

Air France, ou l’identité internationale

Depuis quelques jours, les murs du métro parisien sont recouverts, de très belles affiches 4×3, vantant les nouvelles offres commerciales d’Air France. Je vous passe le contenu, car c’est un infime détail qui a polarisé mon attention. Air France a changé de logo. Exit le drapeau tricolore stylisé en raies parallèles. Exit ce bleu blanc rouge éclatant,, d’une compagnie longtemps « nationale ». En lieu et place dudit drapeau, le nouveau logo , la compagnie a opté pour une « virgule graphique » d’un rouge bien insignifiant. Et Air France devient Airfrance en un seul mot., et ses communiquants ont même pris la peine de nous expliquer pourquoi : « Le nouveau logotype, qui se lit en un seul mot, dans un style épuré et avec une typographie allégée, vise à exprimer ce qu’est aujourd’hui Air France : une compagnie fidèle à son identité nationale et aux valeurs qui lui sont liées mais devenue, à travers notamment la création du groupe Air France-KLM, une marque mondiale dont plus de la moitié de la clientèle est internationale »… On la cherche encore, l’identité nationale… Je fais le pari que dans quelques années le mot « France » disparaîtra aussi du logo, et de la marque… et peut-être même du dictionnaire.

DSK, l’oncle d’Amérique

Flickr / International Monetary Fund
Flickr / International Monetary Fund

Vous bilez plus, le Messie est revenu. Et comme on vit au temps où qu’on vit, c’est pas sur le Mont Sinaï qu’il a fait son come-back, mais sur Canal +. Le Messie ayant par définition, et probablement aussi par contrat, une vocation universelle, c’était en clair, au  » Grand Journal de Denisot  » mercredi dernier. Mazette, il fallait le voir pour y croire, et a fortiori pour ne pas y croire.

Ça commence très fort. Denisot l’intronise comme ayant « le rang de chef d’Etat » et dégaine immédiatement la preuve par l’image, magnéto Serge ! Nom de Dieu : c’est Dan Rather himself qui adoube l’ex-député du Val d’Oise comme star mondiale, qui explique tout de go que DSK est l’égal ou presque de Barack Obama ! Ça commence sec, on pressent un très grand moment d’irrévérence audiovisuelle, et on ne se trompe pas. Arrive Ariane Massenet, pas de surprise, la fausse blonde pose une vraie question de blonde. « Heuhaheu Monsieur Strauss-Kahn, comment ça marche le FMI? » Comme on est pas des surhommes, on peut seulement vous restituer le verbatim d’Ariane mais vous décrire dans toute sa splendeur mystique la bigote confuse en dévotion, c’est au-dessus de nos forces. Ariane ne s’émeut pas, elle fond. Si elle avait existé, elle aurait fini par disparaître…

Un miracle en appelle un autre : Apathie-Fouquier-Tinville s’est fait tout doux, ses réquisitoires sont saillants comme un champ de colza beauceron : les ondes bénéfiques strauss-kahniennes ont métamorphosé notre pitbull quotidien en bichon à sa mémère. Wow, c’est trop cool, l’effet DSK ! A la fin de l’interview, nos trois compères ont-ils demandé une photo dédicacée pour leurs enfants? Comme on n’était pas dans le studio, nous n’en jurerons pas, mais vu de loin tout cela évoquait furieusement une croisière low-cost de retraités accueillant Michelle Torr.

Face à des contradicteurs si incisifs, notre DG du FMI n’a pas trop de mal à dérouler son stock de banalités récupérées dieu sait où par un stagiaire qu’on imagine sous-payé, du genre : « Le FMI qui était un gendarme est devenu un médecin, il faut maintenant qu’il devienne un architecte ». On vous épargne les autres morceaux d’anthologie, on doit être des faux méchants, in fine.

Et comme on est vraiment des gentilles filles, on vous épargne aussi le résumé de l’édito de Joffrin, tout comme le compte-rendu de l’interview du Fig Eco, publiés le matin même, dans la foulée du sondage donnant DSK comme « le candidat de gauche le plus à même de battre Sarkozy en 2012 » et même les innombrables épigoneries subséquentes

On n’est pas méchants, donc, mais on n’est pas dingues non plus. Le même Bon Dieu qui a envoyé DSK redresser la France et le monde cette semaine, nous a malencontreusement dotés tous deux d’une anomalie congénitale à la naissance. La mémoire, ça s’appelle. Tout ce ramdam sur l’homme qui va sauver la gauche, ça vous rappelle rien ? Nous, si ! A ceci près que la dernière fois qu’on a entendu ça, l’homme en question était une femme. Même topo, mêmes sondages, même baratin péremptoire sur le seul qui peut barrer la route à la droite. Sauf que cette fois, on a rajouté un zeste d’exotisme, exit Poitou-Charentes, welcome NYC.

Sans vouloir fâcher la chef, il y a des jours où on pense qu’Elisabeth exagère un chouïa avec son explication globale de nos malheurs, de notre vacuité française, par l’omnipotence du Parti des Médias. Et puis il y a des jours où on se dit qu’elle est salement dans le vrai, et que notre consanguinité journalistique nous empêche d’y voir clair. Disons que ce mercredi était un jour comme ça. Un sondage, un Joffrin, un Denisot, et hop, l’affaire est dans le sac : la Ségolène nouvelle est arrivée ! Si Parti des Médias il y a, il a désigné son candidat, enfin son candidat socialiste, l’autre on va dire qu’on le connaît déjà. Si on organisait cette semaine des primaires dans les rédactions, DSK les raflerait fingers in the nose. Et il n’est absolument pas à exclure, Ségolène repetita placent, qu’il empoche, porté par la même hystérie médiatico-sondagière, les vraies primaires à gauche de 2011.

Manque de bol, les institutions de la Vème étant ce qu’elles sont, le suffrage universel n’est pas assujetti à la détention d’une carte de presse, ni d’une carte du PS, mais d’une carte d’électeur. Et là, ça se gâte.
Pourquoi ? Parce que, à l’image de sa prédécesseuse poitevine, DSK est incontestablement le pire candidat que la gauche puisse avancer. Et pire que pire parce que cette fois, le phénomène de démobilisation ne sera pas bêtement apolitique, centré sur le rejet psycho-morpho-machinbidulique de la candidate. Il s’agira bel et bien d’un échec politique de celui qui au premier tour, dégagera un boulevard à l’archéogauche (grand argentier, valet de Wall Street, blabla blabla) et simultanément, déroulera le tapis à la néogauche qui, si nos fiches sont à jour, s’appelle aujourd’hui les Verts (ennemi du tiers-monde, nucléariste forcené, époux d’une collabo de TF1 et tutti quanti). A l’arrivée, ben c’est le risque d’un candidat de gauche à vocation majoritaire qui ne rassemble au premier tour qu’un gros tiers des voix de son camp, et qui perd une moitié de celles qui restent au second tour.

En étant mauvaise langue, on pourrait donc dire que DSK n’est pas seulement le candidat de gauche intronisé par les médias pour 2012, mais surtout celui que Nicolas Sarkozy a choisi pour être son challenger, malheureux ça va de soi ?
Mais cette vision des choses est probablement issue de notre délire paranoïaque. Après tout c’est quand même pas Sarkozy qui a nommé DSK à la tête du FMI, non ?

Longtemps, je me suis douchée de bonne heure

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Une infâme petite crasseuse de dix ans refusait de prendre sa douche et faisait enrager sa mère à Ozark, dans l’Arkansas, Etat américain célèbre pour ses bêtes à cornes et ses présidents démocrates amateurs de cigare. Divorcée, certainement épuisée par sa journée de travail de quinze heures et ses trois métiers comme toute étasunienne qui se respecte, la génitrice désemparée décida de faire appel aux forces de l’ordre. Un agent de police, promptement arrivé sur les lieux, constatant l’attitude scandaleuse de cette mouflette aussi arrogante que malodorante, et sur la demande insistante de la mère, sortit son Taser, tira une décharge électrique sur l’insupportable gamine avant de l’emmener, sonnée et étourdie, au poste. C’est là que commence le scandale : le père de l’enfant, qui ne manque pas d’aplomb, a déclaré avec grandiloquence qu’on avait traité sa fille « comme un chien alors qu’elle avait simplement besoin d’amour » et le maire de la ville, tout aussi laxiste, a suspendu le courageux policier pendant une semaine. A vous dégoûter, vraiment, de vouloir donner des repères à des enfants qui se croient décidément tout permis.

Complètement frappées

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couple

Il y a deux manières, pour le vieux macho ronchon que je crois être, de réagir à la nouvelle cause enfourchée par les féministes radicales, la lutte pour la reconnaissance d’un « délit de violences psychologiques au sein du couple ». La première est d’entonner le chant des lamentations pour déplorer que le résultat de la suractivité du lobby féministe aboutisse encore une fois à une intrusion de plus en plus grande de l’Etat au sein de la sphère privée. Pour constater, avec Alain Finkielkraut, que l’essentiel pour un groupe humain est aujourd’hui d’accéder au statut de victime collective à laquelle la société doit protection et réparation. Et enfin pour se dire que l’on n’est pas mécontent, lorsque l’on a l’essentiel de sa vie derrière soi, d’avoir pu vivre son rapport à l’autre sexe sans avoir constamment l’ombre du gendarme et du juge sur le mur de la chambre à coucher.

Il est certes difficile de revendiquer, au nom du charbonnier maître chez soi, le droit de tabasser sa compagne. Les poursuites engagées contre les maris ou concubins violents sont légitimes car elles s’appliquent à un être humain qui porte atteinte à l’intégrité physique de l’un de ses semblables, avec la circonstance aggravante, la plupart du temps, que la femme est physiquement incapable de résister à la force masculine brutale.

La deuxième attitude consiste à regarder la chose de plus près pour y découvrir des perspectives insoupçonnées, mais intéressantes ayant échappé à la vigilance des vigilantes. Ce délit de « violences psychologiques au sein du couple » été défini d’une proposition de loi présentée mercredi 24 novembre par un groupe de députés siégeant au sein de la mission parlementaire contre les violences faites aux femmes. Leur texte stipule que le fait de « soumettre un conjoint à des agissements ou à des paroles répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de vie de la victime susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ou d’entraîner une altération de sa santé physique ou mentale est puni de trois ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende ».

Pour la députée de Paris (Parti de gauche) et membre de la mission parlementaire contre les violences faites aux femmes Martine Billard, il s’agit bel et bien d’une petite révolution, car on prend enfin en compte le fait que « des paroles très humiliantes répétées quotidiennement à une femme peuvent totalement la détruire »
Cette fois-ci on ne rigole plus ! Les paroles verbales peuvent vous conduire au trou plus sûrement qu’un délit d’initié quand on est PDG d’EADS.

Mais si l’on regarde bien ce projet de loi que François Fillon, courageux mais pas téméraire devant les meufs en colère, a promis de soumettre aux assemblées en 2010, il se pourrait bien que les furies légiférantes se soient tirées une balle dans le pied. Autant il est facile d’attribuer très majoritairement aux hommes des actes de violences physique dans le couple (encore que les cas de maris battus soient moins rares qu’on ne l’imagine, selon quelques magistrats de ma connaissance), autant on pourra constater que les dames ne sont pas les moins enclines à vous pourrir la vie par leurs jérémiades incessantes, leurs minables chantages, leurs coups tordus pour vous débiner dans votre environnement etc…Toutes actions qui, si elle sont menées avec constance et régularité, peuvent aboutir a des conséquences fâcheuses sur votre santé physique et mentale, comme il est indiqué dans le projet de loi.

L’imagination des « emmerdantes, emmerdeuses, ou emmerderesses », selon la classification du genre féminin établie par Sacha Guitry, pour vous faire tourner en bourrique jusqu’à ce qu’elles obtiennent satisfaction semble sans limite. En tout cas, jusque-là, rien ne permettait de mettre un terme aux agissements d’une compagne qui estime que le meilleur moment pour passer l’aspirateur dans le salon coïncide avec la diffusion du match entre le XV de France et les All Blacks. Voilà qui est réparé !

La loi Billard, si elle est votée et baptisée du nom de cette députée qui s’en fait si éloquemment la championne, pourrait bien être à plusieurs bandes…

Goncourt de circonstances

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arc

La France est monstrueuse. Il y aurait des montreurs de pays, comme il y eut des montreurs d’ours ou de femmes à barbe, on exhiberait ses difformités sur les foires. Les badauds s’amasseraient et, vite saisis d’effroi, ils iraient dégueuler cette horrible vision dans un coin. On ferait payer l’entrée, bien sûr, et l’on s’enrichirait, car il est dans la nature humaine de prendre plaisir à vomir la France. Ce serait Freaks tous les jours et à guichet fermé. La monstrueuse parade.

Les peuples du monde ont bien essayé, au cours de leur histoire, de faire quelque chose pour la France. Nous autres Allemands n’avons pas été en reste et, deux ou trois petites fois, nous avons tenté l’impossible pour mettre un peu de civilisation dans une monstruosité pareille. Rien n’y fit : la France accoucha de l’hydre sarkozyste.

L’hydre sarkozyste, c’est un truc plus petit que la normale, mais terrible quand même. Les totalitarismes du XXe siècle, la guerre, la barbarie, ça n’est rien à côté. Staline faisait taire ses rivaux à coup de pic à glace, pas en les battant sauvagement à chaque élection. Pol Pot ne voulait castrer personne chimiquement ; il se contentait de ranger les gens sagement dans un charnier. Qui n’a vu Patrick Devedjian s’exprimer au sujet de la relance ne sait pas ce que la férocité veut dire. Qui n’a pas frémi en écoutant un jour Frédéric Lefebvre parler de Ségolène Royal ne connaît pas la terreur.

Et ce n’est pas tout ça. Le plus monstrueux, c’est que la France est un pays raciste. Ça doit provenir du fait que son président est d’origine hongroise. Je ne vois pas d’autre explication. Il n’y a pas pire raciste que les Hongrois, mis à part les Italiens, les Anglais, les Suisses, les Polonais, les Russes, les Chinois, les Marocains, les Albanais, les Danois, les Grecs, les Roumains, les Autrichiens. Non, pas les Autrichiens, ça leur arrive parfois d’être assez ouverts à d’autres cultures, notamment lorsqu’elles sont allemandes.

Le fait est qu’en France ce n’est pas demain la veille qu’on confiera un poste en vue à des femmes, des gens de couleur ou à des homosexuels. J’en discutais la semaine dernière avec Frédéric Mitterrand et Harry Roselmack, qui me disaient qu’il n’y avait malheureusement aucun écrivain noir en France, avant que Pierre Bergé ne vienne nous interrompre en nous traitant de « myopathes » – ce à quoi nous lui avons rétorqué : « C’est celui qui dit qui est. »

Si je n’étais déjà pas allemande et que je ne vivais pas à Stuttgart, je prendrais mon courage à deux mains, franchirais le Rhin et irais m’installer loin de France, pour ne pas avoir à vivre dans pareil pays.

Maintenant, c’est pas tout ça. J’ai fait mes lignes. A quel guichet je m’adresse pour mon Goncourt ?

A n’en pas croire ses vieux

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C’est à bord d’une puissante berline de marque germanique, sur une route départementale des environs de Bailleul, dans la Sarthe, que madame X ayant été flashée à plus de 160 km/h, a été arrêtée par la gendarmerie après une course poursuite de plusieurs heures. Madame X avait 83 ans et était accompagnée de son mari qui en avait 85. L’octogénaire avait décidé d’échapper aux forces de l’ordre car elle ne disposait plus d’assez de points sur son permis, ce qui semble indiquer une pratique décidément assidue de la délinquance routière. Ce genre de fait-divers, tout de même inquiétant, devrait inciter le gouvernement à relancer d’urgence le débat sur les retraites. En effet, au lieu de mourir épuisés juste après avoir atteint l’age légal de 60 ans, les retraités profitent avec insolence de leur bonne fortune. L’augmentation de l’espérance de vie peuple en effet notre pays de vieillards aux revenus scandaleux, qui se gobergent pendant des décennies en riant des masses laborieuses ou chômeuses et qui adoptent, pour finir, des comportements nihilistes (drogue, vitesse, sarkozysme) tant l’existence leur semble ennuyeuse et interminable.

L’Etat, c’est nous. Nous tous.

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police

Il est bien regrettable qu’Anyss Arbib soit un Français comme vous et moi. Parce que je connais une palanquée de donzelles qui accepteraient volontiers un mariage gris ou même blanc avec ce jeune homme bien sous tous rapports : beau comme un camion, intelligent, promis à un brillant avenir au service de l’Etat, des initiales de premier de la classe. Et en prime, un républicain comme on n’en fait plus. Bref, si Marianne était un homme, je voterais pour qu’on lui donne le visage d’Anyss[1. D’accord, il est un peu jeune pour moi, mais ce n’est pas très élégant de le faire remarquer.].

Autant dire que la lecture de son témoignage dans Libé du 24 novembre m’a fait froid dans le dos – et, pour tout dire franchement honte. D’origine marocaine, Anyss habite Bondy et, après la victoire de l’Algérie, il décide d’aller faire la fête à Paris avec un copain d’origine algérienne. Un peu comme un Français d’ascendance italienne aurait pu accompagner son voisin d’origine portugaise dans des circonstances analogues – ou comme de nombreux Juifs feraient la fête si Israël remportait une compétition, ce qui, grâces soient rendues au dieu des Juifs, n’est pas très probable. Porte Maillot, Anyss assiste à des violences policières alors que, selon lui, il n’y avait pas de casseurs dans le secteur. Les policiers le prennent à partie – avant de le gratifier, en prime, d’un jet de lacrymo. « Dégage, sale Arabe ». Il explique qu’en tant qu’étudiant à Sciences Po, il connaît ses droits. Réplique : « Sciences Po ou pas, t’es un Arabe ».

Quand Anyss parle de guerre franco-française, il faut l’entendre et même le remercier. Oui, Anyss a été maltraité par la police de son pays. Oui, Anyss est français, et même ce qu’on pourrait appeler un bon Français si on avait encore le droit de dire ce genre de choses. Un résumé de notre identité. Quand il invoque ses droits, il se montre plus romain que les Romains. Et peu nous chaut qu’il fasse le ramadan ou qu’il aille à la mosquée. Quand il dit que c’est sa République qui est en danger, il a raison. Qu’un agent de police, détenteur de la force publique, lui renvoie ses origines à la face, montre qu’il faudra faire un peu plus que l’affichage de la déclaration des droits de l’homme dans les commissariats pour enfoncer dans le crâne de nos flics que la France n’est pas une nation ethnique et que quiconque adopte ses valeurs, son histoire et sa langue est aussi français que si ses ancêtres étaient à Gergovie avec Vercingétorix.

Je sais, les flics se font caillasser, traiter de « sales Céfrans » quand ce n’est pas de « Français de merde ». Ceux qui s’en sont pris à Anyss Porte Maillot en avaient certainement bavé sur les Champs Elysées. And so what ? Si le fait d’être pauvre et chômeur ne justifie pas le vol de mobylette ou le trafic de drogue, on voit encore moins pourquoi les difficultés (par ailleurs réelles) du métier de policier justifieraient des comportements illégaux voire délictueux, quand leur boulot est précisément de faire respecter la loi. La politique de l’excuse, ça ne marche pas plus pour les gendarmes que pour les voleurs. Et personne n’est obligé de travailler dans la police.

Même s’ils avaient eu affaire à un vrai zyva qui dit « nique la France » toutes les trois phrases, le comportement des flics aurait été inexcusable. Mais en plus, il faut que ça tombe sur Anyss. Anyss, c’est pas le genre à traiter ses concitoyens de Gaulois ni à passer son temps à se plaindre d’être une victime. Il ne demande pas que la France s’adapte à lui. Il pense qu’il est normal que la police arrête les malfaiteurs présumés, pas qu’elle leur casse la gueule comme il l’a vu ce soir-là. Je l’avoue, si je n’avais pas peur d’être confondue avec Ségolène Royal, je lui demanderais bien pardon, à Anyss, pas au nom de la France, puisque la France c’est lui, mais au nom de sa police.

Seulement, le policier-voyou n’est pas la police et la police n’est pas la France. Or, à lire et à écouter les journalistes au grand cœur qui peuplent les rédactions hexagonales, on pourrait croire que la France est le Chili de Pinochet…ou l’Algérie d’octobre 1988 (date à laquelle des émeutes de la faim ont été réprimées dans le sang). De Libé à Canal + en passant par France Inter, on s’est jeté avec délectation sur l’histoire d’Anyss, parce qu’elle arrivait à point pour confirmer ce que tout le monde savait déjà, à savoir que ce vieux pays est peuplé de beaufs et de racistes. Heureusement, il se trouve de courageux journalistes pour dénoncer les dérives policières et l’atmosphère de chasse aux immigrés qui sévit aux quatre coins de l’Hexagone. On ne peut que se désoler pour les Inrocks et Télérama qui sortent le mercredi et ont donc raté cette affaire « exemplaire ». Qu’ils se rassurent, d’ici une semaine, ils trouveront bien autre chose pour prouver que la France est décidément le pays du racisme ordinaire.

D’accord, ce n’est pas très grave. Si mes confrères aiment exhiber leur belle âme et se gargariser silencieusement du courage qui leur fait dire à tous la même chose comme si chacun défiait cet Etat inique en combat singulier, grand bien leur fasse. Il n’est pas mauvais d’avoir une belle âme et, sur ce cas précis, leur indignation, quoiqu’un peu surjouée, est parfaitement justifiée. Le problème, c’est que la bavure policière a totalement fait disparaître des écrans radars les manifestations elles-mêmes et leurs débordements. Peu importe qu’à Toulouse on ait, semble-t-il, décroché les drapeaux français de la mairie pour les remplacer par des drapeaux algériens. Peu importe que les Parisiens et touristes de toutes origines aient subi, le soir du fameux match, des violences qui n’étaient pas seulement policières. Peu importent les vitrines brisées et les équipements dégradés. On ne va pas en faire une histoire. S’ils cassent, c’est parce que nous ne sommes pas gentils, non ? La preuve par Anyss.

Le résultat, c’est que les seuls à évoquer ce qui s’est passé, et de la pire façon, sont les Le Pen, père et fille, le premier estimant sans ambages que les supporters de l’Algérie ne sont pas français et qu’il n’y a qu’à les renvoyer « chez eux », tant pis si ce chez eux n’existe pas. Notez, c’est exactement ce dont ils rêvent, les confrères : un nouveau 21 avril, une quinzaine antifasciste comme disait Muray, qui leur permettrait, une fois encore, de se prendre pour Jean Moulin, la torture et le chapeau en moins.

Le Pen, donc, comme d’habitude, n’a pas déçu ceux à qui l’antilepénisme tient lieu de pensée politique. Reste que ce « déni de réel » permanent, pour reprendre l’expression employée chez Yves Calvi par mon cher Alain Finkielkraut, ce « flagrant déni » me souffle Gil Mihaely, ne peut que conduire à un désastre. Pour les malheureux autochtones qui ont le front de ne pas lire Libé et les Inrocks, voire de les lire sans adopter leur point de vue pourtant confondant de subtilité et de nuances, ces proclamations répétées d’hostilité à la France proférées par des Français sont inquiétantes, voire révoltantes. Si on ajoute à cela le syndrome « on nous cache tout », allez donc expliquer ensuite à ces crétins qui, comme leurs concitoyens d’origine étrangère, sont nés quelque part, que les sauvageons ne représentent pas plus la France issue de l’immigration que les électeurs du Front national ne représentent la France de souche. Allez leur dire, à ces braves gens qui finissent par l’être un peu moins, que la France est multiraciale parce qu’elle se fiche des races, multi-religieuse parce qu’elle est laïque, et multiculturelle parce qu’elle a une grande culture capable de s’enrichir de tous les apports sans se perdre. Allez donc porter la bonne parole dans ces quartiers populaires où les blancs votent Le Pen parce qu’ils en ont marre d’être traités de salauds.

À ce sujet, je ne résiste pas au plaisir de vous raconter le dialogue entre Eva Bettan, l’inaltérable Madame Cinéma à la voix de sucre de France Inter, et Bruno Dumont dont le dernier film, Hadewich, sort cette semaine. Madame Bettan juge ce film « maladroit », car il y est question d’une chrétienne qui épouse un musulman et devient islamiste. « Pourquoi ne pas avoir fait l’inverse, Bruno Dumont ? Pourquoi n’est-ce pas l’islam qui va vers la tolérance plutôt que la chrétienne qui va vers l’intégrisme ? » Jouez donc avec Eva, chers lecteurs. Réponse a : Dumont est islamophobe. Réponse b : Dumont est raciste. Réponse c : son scénario correspond plus à ce que vivent les vrais gens dans la vraie vie. Non, ne vous inquiétez pas, Dumont n’a pas dit ça, il s’en est sorti en invoquant Médée (je n’ai pas bien compris le rapport mais il doit exister).

Moi, j’ai honte quand des flics s’en prennent à mon concitoyen parce qu’il a une tête d’Arabe (et j’ai honte aussi quand ils s’en prennent à un Arabe non français parce qu’il a une tête d’Arabe). Et vous, chers confrères, vous n’avez jamais honte de ne pas voir ce qui crève les yeux ?
Martine Aubry trouve pour sa part que Sarkozy fait honte à la France « en voulant opposer identité nationale et immigration » (j’avais compris qu’il s’agissait plutôt de les réconcilier mais ça doit être une nouvelle attaque de mon virus sarkozyste). Sans doute veut-elle protéger son parti contre tout risque de victoire électorale. C’est son problème.

En attendant, cher Anyss, faites-moi une faveur comme disent les Anglais : continuez, malgré ce qui vous est arrivé, à être fier d’être français. Moi, je suis fière que vous le soyez. Et bonne chance : comme on dit chez moi, l’an prochain à l’ENA.

Querelle de clochers

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Contrairement à ce que prévoyaient les instituts de sondages, une majorité de Suisses (57,5 %) s’est prononcée hier, par référendum, en faveur de l’initiative visant à interdire la construction de minarets sur le territoire helvétique. La Confédération n’étant pas membre de l’Union, cet acte patent d’islamophobie ne saurait nous éclabousser. Néanmoins, il n’est pas à exclure que certains ulémas rigoristes tiennent pour complices de cette forfaiture calviniste l’ensemble des chrétiens. Et nous ne serions pas plus surpris que cela d’apprendre qu’il sera désormais interdit de construire des cathédrales à Djeddah, Ispahan ou Khartoum…

Intoxication élémentaire

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sarkozy

– Bonjour, monsieur le Président.
– Bonjour, cher ami. Alors que m’avez-vous prévu cette semaine ?
– Eh bien voilà, monsieur le Président, les élections régionales approchent et il y a un risque important que l’on se mette à parler de votre bilan à mi-mandat.
– Oui, effectivement, il ne vaudrait mieux pas. Alors, vous me suggérez quoi ?
– Un débat sur l’identité nationale…
– Ah, c’est pas mal comme idée. Tous ces cons vont se demander ce que c’est d’être français et pendant ce temps-là, ils oublieront qu’ils sont 3 millions chômeurs et qu’ils ont à peine de quoi croûter. Besson va me préparer ça aux petits oignons. Tout le monde va embrayer comme un seul homme, journaux, télévision, on ne parlera plus que de ça. Très bien mon vieux, très bien. Vous vous occupez des détails ?
– Pas de problème, monsieur le Président.
– Dites, j’ai une autre affaire sur les bras. Les chiffres de la sécurité sont catastrophiques, alors que j’ai quand même fait mes promesses de campagne là-dessus…
– Ne vous inquiétez pas, monsieur le Président, la cavale de Jean-Pierre Treiber commence à moins intéresser les gens. Faites-le arrêter, ça va faire la « une » pendant deux ou trois jours.
– Excellent… Hortefeux m’a dit qu’il était localisé depuis le début et qu’il attendait le moment propice. Ça plus le convoyeur de fond qui ne sait plus quoi faire du pognon qu’il a volé, on va bien détourner l’attention. Ce sera toujours moins risqué que MAM et ses anarcho-autonomes.
– Ah oui, monsieur le Président, j’allais oublier : il y a des ouvriers licenciés de Molex qui se sont déplacés à l’assemblée générale des actionnaires à Chicago et qui n’ont pas été reçus. Il faut faire attention avec les infos de ce genre. Si elles se répandent, ça va jouer sur le côté sentimental des Français. Et on va encore nous ressortir la mondialisation et le capitalisme sauvage, les petits contre les gros. Faudrait quand même éviter de leur faire trop de pub, à ces pue-la-sueur.
– Vous avez raison. On n’a rien sous la main, là ?
– J’ai bien une idée. Demandez à un de vos députés de déposer un projet de loi complètement débile mais qui fasse « sujet de société ». Je ne sais pas, moi, tenez, une loi pour interdire la fessée !
– La fessée ? Bah, pourquoi pas… Je demanderai à Fillon de me trouver un pédiatre dans les godillots de l’UMP. Ca doit pouvoir se faire assez vite.
– Attention quand même à ne pas être trop lourdingue, monsieur le Président. La dernière fois, quand vous avez voulu cacher la grève de la poste contre le changement de statut, ça a été très limite.
– Vous voulez parlez de l’affaire Marie N’Diaye et de son prix Goncourt avec ses déclarations sur la France « monstrueuse » ? Mais c’est vous qui m’avez donné cette idée !
– Certes, monsieur le Président, mais je ne vous ai pas dit de confier ça à Eric Raoult. Eric Raoult, monsieur le Président, vous vous rendez compte…
– Oui, vous avez raison, ce n’est vraiment pas le plus malin. Eric Raoult qui parle de littérature, c’est un peu comme si Laurence Parisot parlait augmentation de salaires : on n’y croit pas trente secondes. Sinon, il me faudrait quelque chose contre la fronde des élus locaux et la suppression de la taxe professionnelle. Je vais envoyer Fillon se faire huer par l’assemblée des maires de France, mais il me faudrait quelque chose de solide pour faire oublier que même des sénateurs de droite commencent à grogner.
– Bah, on a toujours la grippe A, monsieur le Président. Envoyez votre ministre de la Santé se faire vacciner devant les caméras.
– Et si le vaccin a des effets secondaires ?
– Vous savez, avec Bachelot, monsieur le Président, même s’il y en a des effets secondaires, on ne les verra pas plus que ça.
– Bon, je crois qu’on a fait le tour. Ah oui, il y a France-Irlande… Il ne faudrait pas qu’on perde, ça serait mauvais pour le moral. L’idéal, ce serait de gagner de manière à ce qu’on ne parle plus que de ça pendant au moins toute une semaine. Ca évitera de montrer qu’on a mis à la tête de l’Europe un Flamand réac et une Anglaise qui ne connaît rien aux Affaires étrangères.
– On pourrait gagner le match de manière honteuse, en trichant…. Une faute de main pour marquer un but, par exemple, monsieur le Président.
– Très bien ça, mon vieux. Vous pouvez m’arranger ça ?
– Je vais en parler avec Domenech, monsieur le Président.

Défense d’urner

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Le président du Honduras, Manuel Zelaya, a commis deux fautes de goût aux yeux du nouvel ordre mondial : il a un beau chapeau blanc et il fait partie de la bande à Chavez. Résultat, il y a cinq mois, un putsch qui sentait bon les seventies et la CIA l’a renversé alors qu’il se préparait à gagner un referendum. La communauté internationale, et en particulier les USA, ont condamné ce coup d’état avec de grosses larmes de crocodile. Après un exil et un retour rocambolesque dans son pays, via l’ambassade du Brésil où il est réfugié depuis fin septembre, il va vivre une expérience jamais vue pour un chef d’état : assister aux élections générales (présidentielles, législatives, municipales) qui vont se dérouler ce 29 novembre sans pouvoir y participer. Il a appelé ses partisans au boycott mais le fantôche mis en place à la tête du Honduras par les militaires a prévenu que « le vote est une obligation constitutionnelle. » On en est pour l’instant à une vingtaine de personnes exécutées et trois mille arrestations. L’urne ou le cercueil, en quelque sorte.

Air France, ou l’identité internationale

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Depuis quelques jours, les murs du métro parisien sont recouverts, de très belles affiches 4×3, vantant les nouvelles offres commerciales d’Air France. Je vous passe le contenu, car c’est un infime détail qui a polarisé mon attention. Air France a changé de logo. Exit le drapeau tricolore stylisé en raies parallèles. Exit ce bleu blanc rouge éclatant,, d’une compagnie longtemps « nationale ». En lieu et place dudit drapeau, le nouveau logo , la compagnie a opté pour une « virgule graphique » d’un rouge bien insignifiant. Et Air France devient Airfrance en un seul mot., et ses communiquants ont même pris la peine de nous expliquer pourquoi : « Le nouveau logotype, qui se lit en un seul mot, dans un style épuré et avec une typographie allégée, vise à exprimer ce qu’est aujourd’hui Air France : une compagnie fidèle à son identité nationale et aux valeurs qui lui sont liées mais devenue, à travers notamment la création du groupe Air France-KLM, une marque mondiale dont plus de la moitié de la clientèle est internationale »… On la cherche encore, l’identité nationale… Je fais le pari que dans quelques années le mot « France » disparaîtra aussi du logo, et de la marque… et peut-être même du dictionnaire.

DSK, l’oncle d’Amérique

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Flickr / International Monetary Fund
Flickr / International Monetary Fund
Flickr / International Monetary Fund

Vous bilez plus, le Messie est revenu. Et comme on vit au temps où qu’on vit, c’est pas sur le Mont Sinaï qu’il a fait son come-back, mais sur Canal +. Le Messie ayant par définition, et probablement aussi par contrat, une vocation universelle, c’était en clair, au  » Grand Journal de Denisot  » mercredi dernier. Mazette, il fallait le voir pour y croire, et a fortiori pour ne pas y croire.

Ça commence très fort. Denisot l’intronise comme ayant « le rang de chef d’Etat » et dégaine immédiatement la preuve par l’image, magnéto Serge ! Nom de Dieu : c’est Dan Rather himself qui adoube l’ex-député du Val d’Oise comme star mondiale, qui explique tout de go que DSK est l’égal ou presque de Barack Obama ! Ça commence sec, on pressent un très grand moment d’irrévérence audiovisuelle, et on ne se trompe pas. Arrive Ariane Massenet, pas de surprise, la fausse blonde pose une vraie question de blonde. « Heuhaheu Monsieur Strauss-Kahn, comment ça marche le FMI? » Comme on est pas des surhommes, on peut seulement vous restituer le verbatim d’Ariane mais vous décrire dans toute sa splendeur mystique la bigote confuse en dévotion, c’est au-dessus de nos forces. Ariane ne s’émeut pas, elle fond. Si elle avait existé, elle aurait fini par disparaître…

Un miracle en appelle un autre : Apathie-Fouquier-Tinville s’est fait tout doux, ses réquisitoires sont saillants comme un champ de colza beauceron : les ondes bénéfiques strauss-kahniennes ont métamorphosé notre pitbull quotidien en bichon à sa mémère. Wow, c’est trop cool, l’effet DSK ! A la fin de l’interview, nos trois compères ont-ils demandé une photo dédicacée pour leurs enfants? Comme on n’était pas dans le studio, nous n’en jurerons pas, mais vu de loin tout cela évoquait furieusement une croisière low-cost de retraités accueillant Michelle Torr.

Face à des contradicteurs si incisifs, notre DG du FMI n’a pas trop de mal à dérouler son stock de banalités récupérées dieu sait où par un stagiaire qu’on imagine sous-payé, du genre : « Le FMI qui était un gendarme est devenu un médecin, il faut maintenant qu’il devienne un architecte ». On vous épargne les autres morceaux d’anthologie, on doit être des faux méchants, in fine.

Et comme on est vraiment des gentilles filles, on vous épargne aussi le résumé de l’édito de Joffrin, tout comme le compte-rendu de l’interview du Fig Eco, publiés le matin même, dans la foulée du sondage donnant DSK comme « le candidat de gauche le plus à même de battre Sarkozy en 2012 » et même les innombrables épigoneries subséquentes

On n’est pas méchants, donc, mais on n’est pas dingues non plus. Le même Bon Dieu qui a envoyé DSK redresser la France et le monde cette semaine, nous a malencontreusement dotés tous deux d’une anomalie congénitale à la naissance. La mémoire, ça s’appelle. Tout ce ramdam sur l’homme qui va sauver la gauche, ça vous rappelle rien ? Nous, si ! A ceci près que la dernière fois qu’on a entendu ça, l’homme en question était une femme. Même topo, mêmes sondages, même baratin péremptoire sur le seul qui peut barrer la route à la droite. Sauf que cette fois, on a rajouté un zeste d’exotisme, exit Poitou-Charentes, welcome NYC.

Sans vouloir fâcher la chef, il y a des jours où on pense qu’Elisabeth exagère un chouïa avec son explication globale de nos malheurs, de notre vacuité française, par l’omnipotence du Parti des Médias. Et puis il y a des jours où on se dit qu’elle est salement dans le vrai, et que notre consanguinité journalistique nous empêche d’y voir clair. Disons que ce mercredi était un jour comme ça. Un sondage, un Joffrin, un Denisot, et hop, l’affaire est dans le sac : la Ségolène nouvelle est arrivée ! Si Parti des Médias il y a, il a désigné son candidat, enfin son candidat socialiste, l’autre on va dire qu’on le connaît déjà. Si on organisait cette semaine des primaires dans les rédactions, DSK les raflerait fingers in the nose. Et il n’est absolument pas à exclure, Ségolène repetita placent, qu’il empoche, porté par la même hystérie médiatico-sondagière, les vraies primaires à gauche de 2011.

Manque de bol, les institutions de la Vème étant ce qu’elles sont, le suffrage universel n’est pas assujetti à la détention d’une carte de presse, ni d’une carte du PS, mais d’une carte d’électeur. Et là, ça se gâte.
Pourquoi ? Parce que, à l’image de sa prédécesseuse poitevine, DSK est incontestablement le pire candidat que la gauche puisse avancer. Et pire que pire parce que cette fois, le phénomène de démobilisation ne sera pas bêtement apolitique, centré sur le rejet psycho-morpho-machinbidulique de la candidate. Il s’agira bel et bien d’un échec politique de celui qui au premier tour, dégagera un boulevard à l’archéogauche (grand argentier, valet de Wall Street, blabla blabla) et simultanément, déroulera le tapis à la néogauche qui, si nos fiches sont à jour, s’appelle aujourd’hui les Verts (ennemi du tiers-monde, nucléariste forcené, époux d’une collabo de TF1 et tutti quanti). A l’arrivée, ben c’est le risque d’un candidat de gauche à vocation majoritaire qui ne rassemble au premier tour qu’un gros tiers des voix de son camp, et qui perd une moitié de celles qui restent au second tour.

En étant mauvaise langue, on pourrait donc dire que DSK n’est pas seulement le candidat de gauche intronisé par les médias pour 2012, mais surtout celui que Nicolas Sarkozy a choisi pour être son challenger, malheureux ça va de soi ?
Mais cette vision des choses est probablement issue de notre délire paranoïaque. Après tout c’est quand même pas Sarkozy qui a nommé DSK à la tête du FMI, non ?

Longtemps, je me suis douchée de bonne heure

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Une infâme petite crasseuse de dix ans refusait de prendre sa douche et faisait enrager sa mère à Ozark, dans l’Arkansas, Etat américain célèbre pour ses bêtes à cornes et ses présidents démocrates amateurs de cigare. Divorcée, certainement épuisée par sa journée de travail de quinze heures et ses trois métiers comme toute étasunienne qui se respecte, la génitrice désemparée décida de faire appel aux forces de l’ordre. Un agent de police, promptement arrivé sur les lieux, constatant l’attitude scandaleuse de cette mouflette aussi arrogante que malodorante, et sur la demande insistante de la mère, sortit son Taser, tira une décharge électrique sur l’insupportable gamine avant de l’emmener, sonnée et étourdie, au poste. C’est là que commence le scandale : le père de l’enfant, qui ne manque pas d’aplomb, a déclaré avec grandiloquence qu’on avait traité sa fille « comme un chien alors qu’elle avait simplement besoin d’amour » et le maire de la ville, tout aussi laxiste, a suspendu le courageux policier pendant une semaine. A vous dégoûter, vraiment, de vouloir donner des repères à des enfants qui se croient décidément tout permis.

Complètement frappées

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couple

Il y a deux manières, pour le vieux macho ronchon que je crois être, de réagir à la nouvelle cause enfourchée par les féministes radicales, la lutte pour la reconnaissance d’un « délit de violences psychologiques au sein du couple ». La première est d’entonner le chant des lamentations pour déplorer que le résultat de la suractivité du lobby féministe aboutisse encore une fois à une intrusion de plus en plus grande de l’Etat au sein de la sphère privée. Pour constater, avec Alain Finkielkraut, que l’essentiel pour un groupe humain est aujourd’hui d’accéder au statut de victime collective à laquelle la société doit protection et réparation. Et enfin pour se dire que l’on n’est pas mécontent, lorsque l’on a l’essentiel de sa vie derrière soi, d’avoir pu vivre son rapport à l’autre sexe sans avoir constamment l’ombre du gendarme et du juge sur le mur de la chambre à coucher.

Il est certes difficile de revendiquer, au nom du charbonnier maître chez soi, le droit de tabasser sa compagne. Les poursuites engagées contre les maris ou concubins violents sont légitimes car elles s’appliquent à un être humain qui porte atteinte à l’intégrité physique de l’un de ses semblables, avec la circonstance aggravante, la plupart du temps, que la femme est physiquement incapable de résister à la force masculine brutale.

La deuxième attitude consiste à regarder la chose de plus près pour y découvrir des perspectives insoupçonnées, mais intéressantes ayant échappé à la vigilance des vigilantes. Ce délit de « violences psychologiques au sein du couple » été défini d’une proposition de loi présentée mercredi 24 novembre par un groupe de députés siégeant au sein de la mission parlementaire contre les violences faites aux femmes. Leur texte stipule que le fait de « soumettre un conjoint à des agissements ou à des paroles répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de vie de la victime susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ou d’entraîner une altération de sa santé physique ou mentale est puni de trois ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende ».

Pour la députée de Paris (Parti de gauche) et membre de la mission parlementaire contre les violences faites aux femmes Martine Billard, il s’agit bel et bien d’une petite révolution, car on prend enfin en compte le fait que « des paroles très humiliantes répétées quotidiennement à une femme peuvent totalement la détruire »
Cette fois-ci on ne rigole plus ! Les paroles verbales peuvent vous conduire au trou plus sûrement qu’un délit d’initié quand on est PDG d’EADS.

Mais si l’on regarde bien ce projet de loi que François Fillon, courageux mais pas téméraire devant les meufs en colère, a promis de soumettre aux assemblées en 2010, il se pourrait bien que les furies légiférantes se soient tirées une balle dans le pied. Autant il est facile d’attribuer très majoritairement aux hommes des actes de violences physique dans le couple (encore que les cas de maris battus soient moins rares qu’on ne l’imagine, selon quelques magistrats de ma connaissance), autant on pourra constater que les dames ne sont pas les moins enclines à vous pourrir la vie par leurs jérémiades incessantes, leurs minables chantages, leurs coups tordus pour vous débiner dans votre environnement etc…Toutes actions qui, si elle sont menées avec constance et régularité, peuvent aboutir a des conséquences fâcheuses sur votre santé physique et mentale, comme il est indiqué dans le projet de loi.

L’imagination des « emmerdantes, emmerdeuses, ou emmerderesses », selon la classification du genre féminin établie par Sacha Guitry, pour vous faire tourner en bourrique jusqu’à ce qu’elles obtiennent satisfaction semble sans limite. En tout cas, jusque-là, rien ne permettait de mettre un terme aux agissements d’une compagne qui estime que le meilleur moment pour passer l’aspirateur dans le salon coïncide avec la diffusion du match entre le XV de France et les All Blacks. Voilà qui est réparé !

La loi Billard, si elle est votée et baptisée du nom de cette députée qui s’en fait si éloquemment la championne, pourrait bien être à plusieurs bandes…

Goncourt de circonstances

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arc

La France est monstrueuse. Il y aurait des montreurs de pays, comme il y eut des montreurs d’ours ou de femmes à barbe, on exhiberait ses difformités sur les foires. Les badauds s’amasseraient et, vite saisis d’effroi, ils iraient dégueuler cette horrible vision dans un coin. On ferait payer l’entrée, bien sûr, et l’on s’enrichirait, car il est dans la nature humaine de prendre plaisir à vomir la France. Ce serait Freaks tous les jours et à guichet fermé. La monstrueuse parade.

Les peuples du monde ont bien essayé, au cours de leur histoire, de faire quelque chose pour la France. Nous autres Allemands n’avons pas été en reste et, deux ou trois petites fois, nous avons tenté l’impossible pour mettre un peu de civilisation dans une monstruosité pareille. Rien n’y fit : la France accoucha de l’hydre sarkozyste.

L’hydre sarkozyste, c’est un truc plus petit que la normale, mais terrible quand même. Les totalitarismes du XXe siècle, la guerre, la barbarie, ça n’est rien à côté. Staline faisait taire ses rivaux à coup de pic à glace, pas en les battant sauvagement à chaque élection. Pol Pot ne voulait castrer personne chimiquement ; il se contentait de ranger les gens sagement dans un charnier. Qui n’a vu Patrick Devedjian s’exprimer au sujet de la relance ne sait pas ce que la férocité veut dire. Qui n’a pas frémi en écoutant un jour Frédéric Lefebvre parler de Ségolène Royal ne connaît pas la terreur.

Et ce n’est pas tout ça. Le plus monstrueux, c’est que la France est un pays raciste. Ça doit provenir du fait que son président est d’origine hongroise. Je ne vois pas d’autre explication. Il n’y a pas pire raciste que les Hongrois, mis à part les Italiens, les Anglais, les Suisses, les Polonais, les Russes, les Chinois, les Marocains, les Albanais, les Danois, les Grecs, les Roumains, les Autrichiens. Non, pas les Autrichiens, ça leur arrive parfois d’être assez ouverts à d’autres cultures, notamment lorsqu’elles sont allemandes.

Le fait est qu’en France ce n’est pas demain la veille qu’on confiera un poste en vue à des femmes, des gens de couleur ou à des homosexuels. J’en discutais la semaine dernière avec Frédéric Mitterrand et Harry Roselmack, qui me disaient qu’il n’y avait malheureusement aucun écrivain noir en France, avant que Pierre Bergé ne vienne nous interrompre en nous traitant de « myopathes » – ce à quoi nous lui avons rétorqué : « C’est celui qui dit qui est. »

Si je n’étais déjà pas allemande et que je ne vivais pas à Stuttgart, je prendrais mon courage à deux mains, franchirais le Rhin et irais m’installer loin de France, pour ne pas avoir à vivre dans pareil pays.

Maintenant, c’est pas tout ça. J’ai fait mes lignes. A quel guichet je m’adresse pour mon Goncourt ?

A n’en pas croire ses vieux

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C’est à bord d’une puissante berline de marque germanique, sur une route départementale des environs de Bailleul, dans la Sarthe, que madame X ayant été flashée à plus de 160 km/h, a été arrêtée par la gendarmerie après une course poursuite de plusieurs heures. Madame X avait 83 ans et était accompagnée de son mari qui en avait 85. L’octogénaire avait décidé d’échapper aux forces de l’ordre car elle ne disposait plus d’assez de points sur son permis, ce qui semble indiquer une pratique décidément assidue de la délinquance routière. Ce genre de fait-divers, tout de même inquiétant, devrait inciter le gouvernement à relancer d’urgence le débat sur les retraites. En effet, au lieu de mourir épuisés juste après avoir atteint l’age légal de 60 ans, les retraités profitent avec insolence de leur bonne fortune. L’augmentation de l’espérance de vie peuple en effet notre pays de vieillards aux revenus scandaleux, qui se gobergent pendant des décennies en riant des masses laborieuses ou chômeuses et qui adoptent, pour finir, des comportements nihilistes (drogue, vitesse, sarkozysme) tant l’existence leur semble ennuyeuse et interminable.

L’Etat, c’est nous. Nous tous.

327

police

Il est bien regrettable qu’Anyss Arbib soit un Français comme vous et moi. Parce que je connais une palanquée de donzelles qui accepteraient volontiers un mariage gris ou même blanc avec ce jeune homme bien sous tous rapports : beau comme un camion, intelligent, promis à un brillant avenir au service de l’Etat, des initiales de premier de la classe. Et en prime, un républicain comme on n’en fait plus. Bref, si Marianne était un homme, je voterais pour qu’on lui donne le visage d’Anyss[1. D’accord, il est un peu jeune pour moi, mais ce n’est pas très élégant de le faire remarquer.].

Autant dire que la lecture de son témoignage dans Libé du 24 novembre m’a fait froid dans le dos – et, pour tout dire franchement honte. D’origine marocaine, Anyss habite Bondy et, après la victoire de l’Algérie, il décide d’aller faire la fête à Paris avec un copain d’origine algérienne. Un peu comme un Français d’ascendance italienne aurait pu accompagner son voisin d’origine portugaise dans des circonstances analogues – ou comme de nombreux Juifs feraient la fête si Israël remportait une compétition, ce qui, grâces soient rendues au dieu des Juifs, n’est pas très probable. Porte Maillot, Anyss assiste à des violences policières alors que, selon lui, il n’y avait pas de casseurs dans le secteur. Les policiers le prennent à partie – avant de le gratifier, en prime, d’un jet de lacrymo. « Dégage, sale Arabe ». Il explique qu’en tant qu’étudiant à Sciences Po, il connaît ses droits. Réplique : « Sciences Po ou pas, t’es un Arabe ».

Quand Anyss parle de guerre franco-française, il faut l’entendre et même le remercier. Oui, Anyss a été maltraité par la police de son pays. Oui, Anyss est français, et même ce qu’on pourrait appeler un bon Français si on avait encore le droit de dire ce genre de choses. Un résumé de notre identité. Quand il invoque ses droits, il se montre plus romain que les Romains. Et peu nous chaut qu’il fasse le ramadan ou qu’il aille à la mosquée. Quand il dit que c’est sa République qui est en danger, il a raison. Qu’un agent de police, détenteur de la force publique, lui renvoie ses origines à la face, montre qu’il faudra faire un peu plus que l’affichage de la déclaration des droits de l’homme dans les commissariats pour enfoncer dans le crâne de nos flics que la France n’est pas une nation ethnique et que quiconque adopte ses valeurs, son histoire et sa langue est aussi français que si ses ancêtres étaient à Gergovie avec Vercingétorix.

Je sais, les flics se font caillasser, traiter de « sales Céfrans » quand ce n’est pas de « Français de merde ». Ceux qui s’en sont pris à Anyss Porte Maillot en avaient certainement bavé sur les Champs Elysées. And so what ? Si le fait d’être pauvre et chômeur ne justifie pas le vol de mobylette ou le trafic de drogue, on voit encore moins pourquoi les difficultés (par ailleurs réelles) du métier de policier justifieraient des comportements illégaux voire délictueux, quand leur boulot est précisément de faire respecter la loi. La politique de l’excuse, ça ne marche pas plus pour les gendarmes que pour les voleurs. Et personne n’est obligé de travailler dans la police.

Même s’ils avaient eu affaire à un vrai zyva qui dit « nique la France » toutes les trois phrases, le comportement des flics aurait été inexcusable. Mais en plus, il faut que ça tombe sur Anyss. Anyss, c’est pas le genre à traiter ses concitoyens de Gaulois ni à passer son temps à se plaindre d’être une victime. Il ne demande pas que la France s’adapte à lui. Il pense qu’il est normal que la police arrête les malfaiteurs présumés, pas qu’elle leur casse la gueule comme il l’a vu ce soir-là. Je l’avoue, si je n’avais pas peur d’être confondue avec Ségolène Royal, je lui demanderais bien pardon, à Anyss, pas au nom de la France, puisque la France c’est lui, mais au nom de sa police.

Seulement, le policier-voyou n’est pas la police et la police n’est pas la France. Or, à lire et à écouter les journalistes au grand cœur qui peuplent les rédactions hexagonales, on pourrait croire que la France est le Chili de Pinochet…ou l’Algérie d’octobre 1988 (date à laquelle des émeutes de la faim ont été réprimées dans le sang). De Libé à Canal + en passant par France Inter, on s’est jeté avec délectation sur l’histoire d’Anyss, parce qu’elle arrivait à point pour confirmer ce que tout le monde savait déjà, à savoir que ce vieux pays est peuplé de beaufs et de racistes. Heureusement, il se trouve de courageux journalistes pour dénoncer les dérives policières et l’atmosphère de chasse aux immigrés qui sévit aux quatre coins de l’Hexagone. On ne peut que se désoler pour les Inrocks et Télérama qui sortent le mercredi et ont donc raté cette affaire « exemplaire ». Qu’ils se rassurent, d’ici une semaine, ils trouveront bien autre chose pour prouver que la France est décidément le pays du racisme ordinaire.

D’accord, ce n’est pas très grave. Si mes confrères aiment exhiber leur belle âme et se gargariser silencieusement du courage qui leur fait dire à tous la même chose comme si chacun défiait cet Etat inique en combat singulier, grand bien leur fasse. Il n’est pas mauvais d’avoir une belle âme et, sur ce cas précis, leur indignation, quoiqu’un peu surjouée, est parfaitement justifiée. Le problème, c’est que la bavure policière a totalement fait disparaître des écrans radars les manifestations elles-mêmes et leurs débordements. Peu importe qu’à Toulouse on ait, semble-t-il, décroché les drapeaux français de la mairie pour les remplacer par des drapeaux algériens. Peu importe que les Parisiens et touristes de toutes origines aient subi, le soir du fameux match, des violences qui n’étaient pas seulement policières. Peu importent les vitrines brisées et les équipements dégradés. On ne va pas en faire une histoire. S’ils cassent, c’est parce que nous ne sommes pas gentils, non ? La preuve par Anyss.

Le résultat, c’est que les seuls à évoquer ce qui s’est passé, et de la pire façon, sont les Le Pen, père et fille, le premier estimant sans ambages que les supporters de l’Algérie ne sont pas français et qu’il n’y a qu’à les renvoyer « chez eux », tant pis si ce chez eux n’existe pas. Notez, c’est exactement ce dont ils rêvent, les confrères : un nouveau 21 avril, une quinzaine antifasciste comme disait Muray, qui leur permettrait, une fois encore, de se prendre pour Jean Moulin, la torture et le chapeau en moins.

Le Pen, donc, comme d’habitude, n’a pas déçu ceux à qui l’antilepénisme tient lieu de pensée politique. Reste que ce « déni de réel » permanent, pour reprendre l’expression employée chez Yves Calvi par mon cher Alain Finkielkraut, ce « flagrant déni » me souffle Gil Mihaely, ne peut que conduire à un désastre. Pour les malheureux autochtones qui ont le front de ne pas lire Libé et les Inrocks, voire de les lire sans adopter leur point de vue pourtant confondant de subtilité et de nuances, ces proclamations répétées d’hostilité à la France proférées par des Français sont inquiétantes, voire révoltantes. Si on ajoute à cela le syndrome « on nous cache tout », allez donc expliquer ensuite à ces crétins qui, comme leurs concitoyens d’origine étrangère, sont nés quelque part, que les sauvageons ne représentent pas plus la France issue de l’immigration que les électeurs du Front national ne représentent la France de souche. Allez leur dire, à ces braves gens qui finissent par l’être un peu moins, que la France est multiraciale parce qu’elle se fiche des races, multi-religieuse parce qu’elle est laïque, et multiculturelle parce qu’elle a une grande culture capable de s’enrichir de tous les apports sans se perdre. Allez donc porter la bonne parole dans ces quartiers populaires où les blancs votent Le Pen parce qu’ils en ont marre d’être traités de salauds.

À ce sujet, je ne résiste pas au plaisir de vous raconter le dialogue entre Eva Bettan, l’inaltérable Madame Cinéma à la voix de sucre de France Inter, et Bruno Dumont dont le dernier film, Hadewich, sort cette semaine. Madame Bettan juge ce film « maladroit », car il y est question d’une chrétienne qui épouse un musulman et devient islamiste. « Pourquoi ne pas avoir fait l’inverse, Bruno Dumont ? Pourquoi n’est-ce pas l’islam qui va vers la tolérance plutôt que la chrétienne qui va vers l’intégrisme ? » Jouez donc avec Eva, chers lecteurs. Réponse a : Dumont est islamophobe. Réponse b : Dumont est raciste. Réponse c : son scénario correspond plus à ce que vivent les vrais gens dans la vraie vie. Non, ne vous inquiétez pas, Dumont n’a pas dit ça, il s’en est sorti en invoquant Médée (je n’ai pas bien compris le rapport mais il doit exister).

Moi, j’ai honte quand des flics s’en prennent à mon concitoyen parce qu’il a une tête d’Arabe (et j’ai honte aussi quand ils s’en prennent à un Arabe non français parce qu’il a une tête d’Arabe). Et vous, chers confrères, vous n’avez jamais honte de ne pas voir ce qui crève les yeux ?
Martine Aubry trouve pour sa part que Sarkozy fait honte à la France « en voulant opposer identité nationale et immigration » (j’avais compris qu’il s’agissait plutôt de les réconcilier mais ça doit être une nouvelle attaque de mon virus sarkozyste). Sans doute veut-elle protéger son parti contre tout risque de victoire électorale. C’est son problème.

En attendant, cher Anyss, faites-moi une faveur comme disent les Anglais : continuez, malgré ce qui vous est arrivé, à être fier d’être français. Moi, je suis fière que vous le soyez. Et bonne chance : comme on dit chez moi, l’an prochain à l’ENA.