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Obama : oui, il peut !


Obama : oui, il peut !
Photo Flickr / Barack Obama
Barack Obama
Photo Flickr / Barack Obama

Aucun anniversaire ni événement médiatique carillonné ne justifie ce texte : ce qui rend le moment propice pour parler de la présidence d’Obama. La très longue campagne présidentielle de 2007-2008 avait de quoi faire douter de sa capacité à se libérer de la cage dorée des attentes quasi messianiques qui ont accompagné la montée en puissance de sa candidature. Mais comme l’a dit le romancier israélien Amos Oz, le plus surprenant ne fut pas que les Américains aient élu un Noir mais qu’ils aient installé à la Maison-Blanche un véritable intellectuel.

Les premiers mois de sa présidence ont surtout confirmé cette dimension-là du personnage ainsi que ses talents d’orateur, capable de puiser à la fois dans la tradition des preachers, les prédicateurs des Eglises américaines, notamment noires, et dans celle des avocats. Pourtant, Obama n’abuse pas des formules faciles. Dans son adresse au monde musulman prononcée au Caire le 4 juin 2009, le président américain a évoqué les relations « immuables » entre Israël et les Etats-Unis, rappelé le droit des juifs à un Etat-nation en Palestine, sans oublier de parler des coptes et d’appeler à plus de tolérance religieuse en terre d’islam. Certes, ceux qui attendaient une dénonciation des excès de l’islam ont été déçus et beaucoup, en France, ont été agacés par ses critiques à peine voilées des restrictions au port du voile, mais Obama devait se rendre audible avant d’agir.

En réalité, le président démocrate s’inscrit plutôt dans le sillon d’un Richard Nixon que dans celui d’un Carter ou d’un Kennedy, comme en témoigne notamment son discours de réception du prix Nobel de la paix. « Nous n’allons pas éradiquer les conflits violents de notre vivant. Il y aura des moments où des nations, agissant seules ou de concert, trouveront le recours à la force non seulement nécessaire mais aussi moralement justifié. » Evitant à la fois l’angélisme droit-de-l’hommiste et le cynisme, il remet à la mode – et ce n’est pas trop tôt – la realpolitik. C’est ainsi qu’il tarde à faire rentrer les GI d’Irak et envisage de renforcer le dispositif militaire américain en Afghanistan. Tout cela, il l’avait annoncé. Mais ce n’est pas du goût de ceux qui l’adoraient religieusement hier dont certains n’hésitent pas, depuis quelques mois, à le critiquer publiquement.

Pendant presque un an, Obama a pris son temps, parlant plus qu’il n’agissait, soucieux de comprendre et d’être compris avant de prendre des décisions. Contrairement à ses prédécesseurs, il ne croit pas que les choses qui ne sont pas faites pendant les trois premiers mois d’un mandat ne le seront jamais. D’ailleurs, l’une des rares décisions prise à la hâte, la fermeture de Guantanamo, est largement considérée comme une erreur, y compris par lui.

Après l’assurance-maladie, la réforme des banques ?

C’est donc à l’automne que Barack Obama a réellement commencé à agir. Sa politique étrangère est certes critiquable, notamment pour ceux qui croient plus aux bâtons qu’aux carottes, mais elle a le mérite de la cohérence. Exemple : face à l’Iran, il a réussi à rallier Moscou et Pékin aux sanctions, au prix, il est vrai d’une certaine dilution de la menace. Reste qu’il y a un an, ce consensus était difficilement imaginable. Bien sûr, il a aussi commis des erreurs, notamment sur le conflit israélo-palestinien dont il a – selon ses propres dires – mésestimé la complexité. Et sur les dossiers irakien et afghan, seize mois après son entrée à la Maison Blanche, tout reste à faire. Au moins a-t-il appliqué la première règle enseignée aux futurs médecins : primo non nocere, d’abord ne pas nuire.

Sur le front intérieur, la méthode Obama, faite de ténacité et d’intelligence politique, lui a permis de mener à bien le chantier de l’assurance-maladie. Il a négocié, écouté, vu la mouvance Tea party prendre son envol tandis que sa cote de popularité prenait le chemin inverse. On peut critiquer la complexité du nouveau système et l’opacité des arrangements mis au point pour s’assurer une majorité dans les deux chambres et le soutien ou, à tout le moins, la neutralité des assureurs. Reste qu’Obama a réussi là où les Clinton ont échoué il y a quinze ans. Et l’on n’a sans doute pas tout vu. Souvenez-vous des titres annonçant, il y a quelques mois, que les lobbies de Wall Street avaient réussi à enterrer la réforme du secteur bancaire ? Il est pourtant en train d’y arriver. Son texte, sévèrement dilué il est vrai par une série de compromis, a été voté fin mai par le Sénat : un pas décisif vers son adoption.

Bien sûr, rien n’est jamais acquis à l’homme politique. Reste qu’en menant une politique, Obama a su rompre avec l’inquiétante exaltation de l’automne 2008, puis surmonter la déception née de cette exaltation. On peut le critiquer, mais il faut se réjouir que les Etats-Unis soient gouvernés par un véritable homme d’Etat.    



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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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