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Marjorie Taylor Greene, complotiste QAnon

Une future députée aux idées azymutées


Marjorie Taylor Greene, complotiste QAnon
Marjorie Taylor Greene, fait campagne en Géorgie (USA, 2020). Auteurs : John Bailey/AP/SIPA.

La probable future élue de la Chambre des représentants Marjorie Taylor Greene incarne la montée d’un courant complotiste au sein du Parti républicain. Ce mouvement appelé QAnon imagine une conspiration ourdie par les Démocrates et l’Etat profond américain pour abattre Trump et forger un « nouvel ordre mondial ». Décryptage. 


Selon les résultats publiés mercredi dernier, Marjorie Taylor Greene, une candidate pro-MAGA (Make America great again) a remporté la primaire républicaine pour les prochaines élections de la Chambre des représentants en novembre. Le quatorzième district de Géorgie étant un bastion du Parti républicain, Taylor Greene a de fortes chances d’être élue pour un mandat de deux ans.

La fabrique du complot pédophile

Si cette femme politique est aujourd’hui dans la lumière, c’est qu’elle adhère au mouvement complotiste QAnon. Pendant sa campagne, Taylor Greene s’est revendiquée de cette mouvance qui se répand depuis 2017 sur les réseaux sociaux.  Selon ses adeptes, les États-Unis sont dirigés depuis des décennies par le « Deep state » (l’État profond), une organisation secrète rassemblant de hauts responsables de la fonction publique, les Clinton, les Obama, les Rothschild, George Soros ainsi que des stars d’Hollywood et d’autres membres de l’élite mondialisée. Pour eux, l’Etat profond est un vaste système de réseaux pédophiles internationaux qui vise à créer un nouvel ordre mondial dans lequel les États auraient abandonné leur souveraineté au profit de cette élite « cosmopolite ». Contre cette menace, deux personnes se dressent pour sauver les Etats-Unis et le monde libre : Donald Trump et un certain « Q » qui a signé les premiers messages sur les réseaux sociaux dénonçant un prétendu complot pédophile en octobre 2017.

200 00 fans Facebook

Dans un spot électoral diffusé cet été, Marjorie Taylor Greene déclare que « Q est un patriote (…) C’est l’occasion d’une vie d’éliminer cette cabale mondiale de pédophiles satanistes et je pense que nous avons le président qu’il faut pour ça ». Les analystes du phénomène QAnon constate que la mouvance regroupe plusieurs théories du complot autour desquelles se sont agrégées des centaines de milliers d’internautes aux Etats-Unis et dans le monde entier. Le groupe « Official Q/Qanon » qui vient  d’être supprimé par Facebook, comptait 200 000 fans.

Si au départ, il y a moins de trois ans, QAnon était le nom d’une théorie du complot, ce terme a depuis évolué pour aujourd’hui désigner tout un mouvement. Les quelques idées fortes des origines se sont enrichies d’un projet complotiste global : il ne s’agit plus seulement d’une cabale contre Donald Trump organisée par « l’État profond », mais également du plan de contre-attaque du président. Comme dans un roman d’espionnage, celui-ci travaillerait (secrètement, bien que QAnon et ses millions d’adeptes soient dans la confidence…) à une vaste rafle des dirigeants du Parti démocrate visant à décapiter cette organisation soi-disant impliquée dans des réseaux pédosataniques.

Le mystérieux « Q »

Tout a débuté par la publication le 28 octobre 2017 d’un message sur 4chan, un forum de l’AltRight. Les publications y sont anonymes et, un peu comme les « Camille » des zadistes, tous les participants signent « Anonymous ». Dans ce message, le mystérieux « Q » explique que l’arrestation de Hillary Clinton est imminente et que d’autres suivront. A en croire « Q », des unités de la Garde nationale des différents Etats américains allaient prendre part à l’opération. Que les sceptiques contactent un membre de la Garde nationale pour dissiper leurs doutes, ajoutait-il.

Comme les suivants, ce premier post a été formulé de manière à insinuer qu’il s’agirait de fuites très haut placées auxquelles « Q » aurait accès. Certains de ses partisans voient ainsi dans son pseudonyme une référence à « Q Clearance », un niveau d’autorisation au sein du ministère américain de l’Energie équivalent à « top secret ». Mais on peut tout aussi bien voir dans cette signature énigmatique une référence au personnage de James Bond qui, sous les ordres de « M » fabrique les gadgets pour les missions de 007, tant les idées de cette mouvance semblent s’inspirer de l’univers des films, BD et autres jeux vidéo.  Cependant, le succès de « Q » est aussi dû au caractère de plus en plus codé de ses messages, ce qui entretient le mystère et pousse ses lecteurs à chercher des interprétations aux supposées énigmes disséminées sur le forum. Ce jeu de pistes virtuel n a créé en quelques mois un véritable corpus herméneutique virtuel qui fait penser à une secte en devenir.

En guerre contre Twitter

En novembre 2019, le mouvement QAnon est arrivé sur le devant de la scène lorsque la chaine NBC a publié une enquête au sujet de quatre candidats aux élections de la Chambre des représentants. Ces derniers ont fait des allusions plus ou moins subtiles à leur adhésion aux thèses de QAnon. Six mois plus tard, en mai 2020, Facebook les a dénoncés sur son site officiel.

Pas plus tard que le mois dernier, le 22 juillet, Twitter  a annoncé supprimer quelque 7000 comptes liés à QAnon. Près de 150 000 autres ont été masqués. De quoi remettre un sou dans la machine complotiste : si les géants du Net censurent QAnon avant la présidentielle de novembre 2020, n’est-ce pas la preuve qu’ils veulent abattre Trump ?



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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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