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Mariage gay : l’exception française


Mariage gay : l’exception française

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Il paraît que les Belges n’y comprennent rien : le pays qui, le premier en Europe, a décidé de ne plus lier son identité à une religion, le pays de la Révolution et de la « séparation »… se montre réticent à un progrès aussi naturel que celui consistant à détacher la filiation du couple hétérosexuel – donc à découpler hétérosexualité et reproduction. Comment un tel obscurantisme est-il possible ? Et beaucoup de scruter encore une fois les gènes suspects de la « fille aînée de l’Église ». Pourtant, difficile de ne voir dans les « refusants » que la résurgence d’un vieux fond catho. Contrairement à ce qu’il en est au sujet de la contraception ou de l’avortement, sujets sur lesquels les positions catholiques officielles trouvent peu d’écho, voire pas du tout, y compris chez les croyants, cette fois le milieu catho est en résonance avec un refus plus large.
« Qu’est-ce que ça peut bien vous faire ?» L’argument ressassé par les rédacteurs et promoteurs de la loi qui devrait être adoptée définitivement courant avril est qu’on n’enlève rien  aux couples hétéros en accordant les mêmes droits à ceux que les discriminations traditionnelles laissaient en marge. Cet argument serait convaincant si seuls les couples – c’est-à-dire les adultes – étaient concernés. Mais l’ouverture de l’adoption à l’intérieur des couples homosexuels et, bientôt, l’accès des lesbiennes à la PMA (qui sera la prochaine étape), emportent de tout autres conséquences.[access capability= »lire_inedits »] En rompant la relation entre hétérosexualité et filiation, on annule le droit de l’enfant d’avoir un lien prioritaire avec son père et sa mère, sur lequel on fait prévaloir le lien avec le compagnon ou la compagne choisi(e) par le parent biologique.
Comment le sophisme de la simple extension d’un droit a-t-il pu passer alors même que les enfants sont concernés et lésés ? Tolérance teinté de lâcheté ? Culpabilisation par les lobbies victimaires ? À tout cela s’ajoute l’argument de facilité selon lequel seuls 10 000 couples homos participant à l’éducation d’un enfant sont concernés – « Qu’est-ce que ça change ? » Évacuer de la sorte les questions de principe revient à proclamer que la morale commune n’a rien à dire sur le couple et la parenté, voire qu’il n’y a pas de morale commune au-delà de l’obligation de ne pas nuire à un autre sujet de droit (ce que ne sont pas les enfants à venir).
À cette réduction, désormais spontanée, de la société et même de l’humanité à la somme des individus présents s’opposent  les anthropologies religieuses, en particulier celle de la Bible.C’est pourquoi nombre de pays d’Europe, prenant acte de l’affaiblissement des confessions chrétiennes, peuvent, sans drame apparent, renvoyer les questions du couple et de la parenté aux choix et « orientations » de chacun. Phénomène général, le basculement individualiste est particulièrement brutal dans les pays où les réformes « sociétales » en question semblent consacrer l’émancipation de l’État vis-à-vis d’une Église catholique détrônée.
Si les choses apparaissent plus difficiles en France, ce n’est pas à cause d’une « adhérence » catholique, mais au contraire parce que la séparation entre le politique et le religieux, précoce et violente, a obligéla République éducatrice à  forger une morale commune, parfois dite « solidariste » et plus souvent « laïque », susceptible de contrer celle de l’Église, tout en empruntant très consciemment à la tradition chrétienne. C’est cette morale civique qui fait actuellement obstacle à l’individualisme devant lequel nos « socialistes » capitulent. Au-delà de ce cas particulier, ceci donne à réfléchir sur la persistance et le sens d’une spécificité française que nos élites bruxellisées essaient de comprendre.[/access]

*Photo : K_rho.

Avril 2013 #1

Article extrait du Magazine Causeur



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